Dossiers de la semaine

Limites approchées

Le vertige de franchir la limite constitue toujours un fait marquant chez celui qui l’accomplit; comment l’autre coté sera t’il différent de l’en deçà ? À la sécurité de l’intérieur circonscrit on oppose l’inconnu de l’extérieur, inconnu qui peut tout aussi bien être un univers de possibilités que le chaos ou la mort. D’un autre point de vue, l’intérieur qui ne communique pas avec l’extérieur est clairement voué lui aussi à la mort, par asphyxie, carence, dégénérescence ou simplement ennui.

Le vivant reconnait ses limites mais sait aussi aller au delà, cela fait partie de son essence même.  Les limites du clan, limites sociales, biologiques, physiques et même les limites de sa pensée sont autant de balises qui le définissent tout comme elles l’appellent à se redéfinir et à se dépasser. Bien sur nous pensons et réfléchissons à partir des maigres données de notre point de vue limité, mais le fait que nous puissions communiquer et échanger au delà de ce point de vue personnel augmente radicalement nos capacités. Cette capacité de communication maintenant décuplée, à laquelle s’ajoute une myriade de senseurs de tous genres et une capacité de traitement en zettaflop et nous voilà devant un nouvel état de conscience, une forme de pensée collective partagée. Une autre limite de franchie.

Sur une planète limitée, sans possibilité de véritablement pouvoir s’en extraire, l’humain fait face à une limite objective : on ne peut plus seulement exploiter la biosphère, il va falloir aussi y contribuer, mieux que ce que faisons actuellement. On approche de la limite et on sent intuitivement qu’il n’y a pas vraiment d’au-delà dans ce cas ci, du moins pas pour nous. Cette situation alimente nos réflexions et incite à remettre en question non seulement nos systèmes de pensée mais également notre organisation et notre fonctionnement jusque dans ses fondements.  Par exemple, iriez-vous jusqu’à remettre en question un concept comme l’abattoir industriel, un des fondements notre système alimentaire ? Tuer un animal n’est pas tout à fait dénué de sens.

Les règles posent des limites et de ce fait créent quelque chose qui ne peut exister qu’à l’intérieur de ces limites, que ce soit les règles de l’économie, de la biologie, du français ou de nos conceptions. Les franchir signifie aussi la fin de quelque chose. L’expérience nous transforme.

Denys Lamontagne - [email protected]

Illustration : Clker-Free-Vector - Pixabay

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