Les idées partagent plusieurs caractéristiques avec les graines : on peut en produire beaucoup et on peut les disperser relativement facilement. Pour germer, elles ont besoin d’un environnement accueillant et, pour croître, d’un terreau convenant à leurs caractéristiques. Une fois qu’elles ont pris racine, elles continuent leur croissance par elles-même.
L’invention de l’écriture et surtout de l’imprimerie a permis l’emballage, la reproduction et la diffusion des idées à une nouvelle échelle. On s’affranchissait des limites de l’oralité et de la mémoire humaine. Pourtant, si les idées pouvaient plus facilement se diffuser, le terreau n’était pas tellement propice : trop peu de gens savaient lire. Il a fallu attendre l’instruction publique avant que la capacité de lecture soit généralisée et que la connaissance puisse vraiment se diffuser à grande échelle, dans tous les domaines.
Avec Internet, la reproduction des idées et leur diffusion a franchi un nouveau seuil. Autant les meilleures que les pires peuvent trouver leur terreau. À partir du moment où elles répondent à une propension humaine, elles peuvent se répandre pour leurs qualités qui vont de l’utilité stratégique au divertissement le plus anodin.
En éducation, le terreau ressemble à l’alphabétisation. L’eau et la chaleur sont offertes par un environnement bienveillant et le choix des graines proposé par l’enseignant à celui offert au cours d’une saison dans un écosystème normal et équilibré, en contrôlant les espèces envahissantes et en offrant à chaque espèce les conditions de germination adéquates.
Les passions qui germeront seront entretenues durant des semaines voire des années avant de donner leurs fruits. Tout ce temps, les enseignants demeurent des paysagistes qui peuvent transformer un environnement social aride en un jardin luxuriant de culture et de réalisations.
Enseigner est un beau métier.
Denys Lamontagne - [email protected]
Illustration : Aphelandra liboniana Linden - Royal Botanic Gardens, Kew - CC BY 4.0
