Certains s'inquiètent de l'effet débilitant d'internet sur notre mémoire. D'autres pensent plutôt que l'effort de mémoire se transfère vers une autre forme : on ne retient plus tant des noms et des chiffres que des chemins, des repères, des procédures. On sait que ça existe et comment le retrouver.
Nos sociétés deviennent tellement complexes qu'il paraît impossible en pratique de demander à chacun de se rappeler de tout ce qu'il lui faudrait savoir pour opérer efficacement dans toutes les situations. Les mémoires artificielles nous permettent d'atteindre ce niveau de complexité. On a affaire à une quantité de données qui dépasse notre vitesse d'apprentissage. À nouveau, le médium est le véritable message. L'outil façonne l'ouvrier et sa façon de penser, la société et ses comportements.
Vous rappelez-vous quand vous avez appris l'alphabet ? Il y avait des lettres sur des cartons, tout le monde les récitait en coeur, tous les sens participaient et il y avait un but. On se rappelle non seulement des lettres mais aussi du contexte. Cependant, réussir à se souvenir de tout comme on se souvient de l'alphabet demanderait un effort sans profit équivalent. C'est pourquoi nous utilisons les mémoires artificielles pour les détails complexes.
Nos traces se déversent dans la mémoire universelle d'Internet à un rythme sans précédent. Il n'y a jamais eu autant d'humains sur la terre et plus des 3/4 possède un téléphone mobile. Le nombre d'abonnements, plus de 6 milliards, va bientôt dépasser le nombre d'habitants, bébés inclus. Des choses à se rappeler, il n'en manquera pas. C'est leur nature qui change et il y a un risque que l'on oublie l'essentiel : toutes les données n'ont pas la même valeur. Il est si facile de se laisser emporter par la facilité.
J'espère que vous apprécierez quelques articles de cette édition sur la mémoire et même que vous vous en rappellerez, vous en êtes capables !
Denys Lamontagne - [email protected]
Éditeur de Thot Cursus
Illustration : Geralt - Pixabay
