Dossiers de la semaine

Données suffisantes

Des professeurs et des tuteurs attentifs savent très bien à quoi s'attendre de leurs étudiants : ils le voient dans leurs réactions, leurs délais de réponse, leurs gestes, leurs constructions, leurs interactions.

Même si on parle d'intuition, ces intuitions sont le plus souvent basées sur des observations précises et sur un jugement appuyé par des années d'expérience. Mais la justesse des intuitions se réduit à mesure que le nombre d'étudiants dans un groupe augmente car les observations deviennent forcément plus espacées et courtes. À l'échelle d'une école ou d'une région, on s'appuie nécessairement sur des impressions et des données très partielles pour décider d'orientations et de politiques.

D'un autre coté, les outils numériques permettent de mesurer la durée, la fréquence, la participation aux activités, l'exactitude des réponses attendues, etc. et ce sans limite de nombre, sans fatigue et sans oubli.  On obtient un suivi «objectif» et des quantités de données impressionnantes, données qu'il ne reste plus qu'à mettre en relation et en corrélation. Les gains d'efficacité dans certains cas sont prodigieux; des cours deviennent réellement plus intéressants quand on améliore tout ce qui fait écueil.

Comme vous le découvrirez dans ce dossier, la quantité des données n'est pas pour autant une garantie fiable de ce qui se passe réellement en termes d'apprentissage.  La question demeure toujours «Que mesure t'on véritablement ?».  Un clic est un clic, les neurones ne font pas de bruit. Une réponse juste ne mesure pas au delà de la question posée. La compréhension ne s'enregistre pas sur les disques. 

De là, on constate qu'une méfiance vis à vis des systèmes programmés et décisionnels paraît à propos tant que leurs «algorithmes» ne sont pas connus : savoir ce qui est mesuré et comment les résultats en sont interprétés permet de demeurer maître de ces systèmes, autrement nous en devenons les sujets et en subissons les effets, comme nous le vivons collectivement, par exemple, avec le système financier opaque.  Tomber sous la loi de Pareto ne renforce pas notre autonomie ni ne libère notre potentiel. Apparemment 3 % d'erreur 19 sur 20 nous indique surtout qu'une fois sur 20 il y a quelqu'un qui diverge radicalement.

Ce n'est pas tant la quantité de données qui compte que leur pertinence. La variation d'une donnée est souvent bien plus significative que sa valeur objective. Par dessus tout, la collaboration et la confiance de celui qui fournit les données est ce qui compte en priorité. Un étudiant qui se sent appuyé n'a pas la même attitude que s'il se sent surveillé et jugé.  Dans bien des cas, on possède les données depuis longtemps, comme celles concernant l'éducation des enfants dans le monde. Les faire suivre d'action est un autre défi.

On aimera assurément pouvoir dire à ces systèmes «OK, données suffisantes, maintenant, action».

Denys Lamontagne - [email protected]
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