Ceux qui bénéficient de stabilité, d'héritage culturel et financier, de contacts familiaux établis sur des générations, partent dans la vie avec un capital à faire fructifier. Leurs enfants en profitent et en doivent souvent une partie à leurs parents qui ont su leur transmettre certaines valeurs. Mais l’idée de partager des avantages acquis avec des nouveaux venus vient heurter les concepts de mérite, de capital gagné, de transmission familiale, de communauté participante... L'égalité, on veut bien, mais avec ceux que l'on considère nos égaux. Ce qui n'est pas souvent le cas avec des étrangers qui arrivent avec un bagage plus ou moins adapté. La seule égalité qu’on leur reconnaît au départ est celle de l’argent… qui n’a pas d’odeur se plait-on à croire.
Nos ancrages nous définissent certainement dans nos habitudes mais ne sont pas pour autant notre essence. «Amare», la racine étymologique de «aimer», signifie attache. Multiplier les attaches, ne pas les empêcher, est probablement la meilleure voie d'intégration et de partage. C’est pourquoi l’école et l’éducation sont au premier rang des moyens d’intégration : on y enseigne la langue, la culture et des références communes, on y fait des contacts, on y apprend les valeurs locales et on en comprend les besoins, on peut y acquérir des compétences et démontrer sa valeur. L’école est un terreau fertile dans lequel faire pousser des racines. On peut y devenir un «égal».
Avec les déplacements de population qui augmentent, les principes actuels d'intégration sont mis au défi. Nous devrons trouver des moyens pour affirmer, développer et partager nos ancrages, s'en enrichir mutuellement plutôt que de les entourer de murs et de fossés. Quand arrivent des perturbations, les apports de chacun sont nécessaires. La récente pandémie a mis à l’épreuve nos attaches sociales et, à voir le nombre d’individus partis à la dérive, nous a ouvert les yeux sur l’indigence de nos rapports dans plusieurs domaines. Tous ne sont pas connectés de la même façon. Dans son cocon, on ne voit pas venir grand chose, on ne participe pas vraiment.
L’école transmet des valeurs culturelles d’entraide, d’étude, de sens du travail bien fait, d’éthique, d’entrepreneuriat, et de plusieurs valeurs humaines nécessaires à un monde où mener des vies satisfaisantes. Les liens Internet ne remplacent pas les liens humains. L’école se transforme mais le besoin d’ancrages demeure.
Denys Lamontagne - [email protected]
Illustration : Bananayota - Pixabay
