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Publié le 11 novembre 2014 Mis à jour le 11 novembre 2014

Les caméras vidéos peuvent-elles remplacer les surveillants ?

Les caméras de surveillance ne sont pas une solution dans les établissements scolaires

A première vue l’installation de dispositifs de télésurveillance permettrait de surveiller en temps réel de nombreux points névralgiques dans les établissements et permettrait une intervention rapide auprès des élèves. Mais est-on bien sûr des résultats attendus ?

 Caméras de surveillance : des résultats peu performants

L’introduction des caméras de surveillance dans les établissements scolaires peut effectivement endiguer certaines déviances telles que consommations d’alcool, de stupéfiants, de tabac, dégradation des biens et prévenir des cas de violences morales, physiques et sexuelles. Mais les systèmes vidéo, s’ils découragent les élèves dans l’enceinte des structures scolaires, ne permettent pas d’éradiquer les problèmes. En effet, une étude de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile de France (IAURIF) montre que les apports des caméras de surveillance dans les établissements sont limités au regard du coût d’installation qu’ils génèrent.

De plus il y a aura toujours un couloir plus sombre, un espace non couvert pas les caméras. Notons que l’intégration des caméras déplace les problèmes : le cadre de ces actes de délinquance ne sera plus limité aux murs de l’établissement et il sera d’autant plus difficile d’agir car la société n’a pas mis en place les structures d’accompagnement permettant d’agir auprès des jeunes. Si les infractions sont constatées, alors c’est le système pénal qui devra se prononcer sur ces mineurs. On peut craindre une amplification des phénomènes de violence de cette population qui se plait à jouer avec l’autorité sans toujours en mesurer les conséquences.

Le contrôle de la CNIL, rempart de nos libertés

Si les systèmes de télé surveillance ont leurs défenseurs et leurs groupes de pression (le marché de la crainte est potentiellement illimité), leur introduction massive ne peut actuellement se faire en raison de la position de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) qui n’autorise ces caméras qu’en cas de circonstances exceptionnelles (violences et dégradations répétées) et veille à une introduction limitée à certains espaces, afin de respecter le droit et les libertés individuelles, fondements constitutionnels. Ainsi, cour de récréation, CDI, restaurant scolaire ne peuvent être placés sous surveillance vidéo car ces mesures seraient «disproportionnées».

 Et si on reconnaissait le travail des surveillants ?

Si la caméra vidéo permet de constater les infractions, elle ne gère pas le problème. Et pourtant, il existe des hommes et des femmes qui au quotidien préviennent, écoutent discutent et canalisent certaines pulsions violentes. Ce sont les surveillants ou ASEN ainsi que les assistants de vie scolaire ou AVS.

Les ASEN sont un peu les « Mr Cellophane » du monde éducatif. Ignorés le plus souvent, moqués voire dénigrés quelques fois, les surveillants assurent pourtant une fonction essentielle dans les établissements. Ce sont les gardiens du temple, ceux qui accueillent, secourent, discutent, temporisent, fixent les limites mais étrangement notre système éducatif ne reconnait pas ce métier comme fonction sociale à part entière et les compétences liées à ses missions. Pourtant les missions décrites par les services académiques sont nombreuses : l'encadrement et la surveillance des élèves, l'aide à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'aide, l'accueil, et l'intégration des élèves handicapés, des activités éducatives, sociales, culturelles et sportives nombreuses.

Car être surveillant c’est près de 40 heures par semaine (le temps de travail est annualisé), une présence debout l’hiver sous les préaux en plein vent, une longue marche ou courses dans les couloirs, une attention de chaque instant, les bruits dans le réfectoire qui peuvent accueillir plus de 500 élèves, les insultes proférées par les élèves qui cherchent à défier toute autorité, les permanences de 60 élèves à qui il faut imposer le silence, les carnets de liaison à remplir, les documents administratifs à préparer, … Mais ils sont là, prêts à intervenir lors d’un accident, prenant en charge des enfants malades quand l’infirmière est absente, les élèves insultés et en pleurs, les parents en colère, les élèves en difficulté scolaire, écoutant chaque jour des élèves qui cherchent à se construire, discutant et donnant à voir avec une autre approche les situations d’injustice, le rapport aux autres,…

Recrutés au niveau bac (et bac +2) pour l’aide aux devoirs, ces surveillants sont souvent étudiants en maîtrise voire en thèse aussi (à ce titre leurs connaissances académiques peuvent dépasser celles des professeurs et du chef d’établissement,….), mais aussi des personnes qui ont été commerciaux, ingénieurs, et pour des raisons personnelles et économiques ont choisis ou été contraints de changer de voie. Ils sont donc loin d’être aussi stupides que ce que les séries télévisées et le cinéma nous montre. Leurs vies intellectuelle et professionnelle sont souvent de véritables pépites, nullement valorisées.

Auparavant, et c’est toujours le cas dans l’enseignement privé en France, les enseignants pouvaient exercer leurs fonctions tout au long de leur vie. Certains d’entre eux, pouvaient ainsi parvenir aux postes de CPE. Aujourd’hui les réformes ont achevé de faire de cet emploi une profession. La limite d’exercice est de 6 ans sauf pour les établissements à besoins particuliers. Un bon moyen pour précariser ces emplois et mettre à mal le regard porté à ce groupe qui reste dans l'ombre.

 Alors surveillants ou caméras ?

La caméra ne peut remplacer l’homme. On peut penser qu’un jour des drones et des robots agiront auprès de nos enfants. Aujourd’hui, les caméras sont très peu introduites dans les établissements scolaires et rappelons que ce ne sont que des outils dont les bénéfices ne sont pas prouvés et qui ne sont pas des solutions à des problèmes de société. Le pion a encore sa place sur l'échiquier éducatif !

Illustration : Davi Sales Batista, Shutterstock.com

Références

CNIL. CNIL - Accueil - Commission nationale de l'informatique et des libertés. Date de publication juin 2012. http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/Videosurveillance/CNIL_Video_etablissements_scolaires.pdf

Baumard, Maryline. "Les caméras dans les écoles, une efficacité à démontrer." Le Monde.fr. Date de publication 29 mai 2009. http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/29/les-cameras-dans-les-lycees-une-efficacite-a-demontrer_1199530_3224.html

Bertholomey, Elisa. "La CNIL s’oppose aux caméras dans les écoles | Public Sénat." Public Sénat. Date de publication 30 mai 2011. http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/cnil-s-oppose-aux-cam-ras-coles-119414


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