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Publié le 02 novembre 2014 Mis à jour le 02 novembre 2014

Les étudiants, ces rabat-joie qui ne veulent pas jouer

Parmi les plus récalcitrants au jeu sérieux dans la formation se trouvent... les apprenants!

Depuis le début de la Mission Jeux sérieux, nous avons surtout testé des produits et rappelé les bons côtés du jeu dans divers aspects de formation. Il ne faudrait pas oublier que certains publics font de la résistance au serious game. Tous ne veulent pas embarquer, parce qu'ironiquement, ils avancent que jouer, ce n'est pas sérieux. L'école est faite, dans leur tête, pour travailler dur. Si on se met à jouer pour apprendre ou réviser sa matière, où s'en va-t-on? J'imagine que vous croyez que ce sont des propos d'enseignants ou d'administrateurs scolaires. Non, il s'agit bel et bien d'affirmations d'étudiants.

Jouer n'est pas bosser ?

À la première lecture, on n'y croit pas. Cette génération iPad/console de jeux/LAN party devrait être ravie de trouver des jeux vidéo dans les formation pour appliquer ce qui a été appris. Et pourtant, si l'on se fit aux propos de l'enseignante Hélène Michel de la GEM (Grenoble école de management), les étudiants sont dubitatifs. Pourquoi? Parce que pour ceux qui ont travaillé dur pour se retrouver dans un établissement de renom comme la GEM, il est incongru de jouer pour apprendre. Formatés par le discours de la vieille école, ces jeunes gens considèrent que plus c'est difficile et aride, mieux on apprend.

Ainsi, quand l'intranet de la GEM s'est mis à proposer des serious games en complément d'étude, les responsables – dont madame Michel – se sont rendu compte que les étudiants abandonnaient vite les parties. Ils ne comprenaient pas l'intérêt des jeux dans leur formation. Concrètement, les enseignants ont du intégrer lesdits jeux et des séances de debriefing en classe pour que les étudiants commencent à comprendre en quoi les jeux pouvaient renforcer leurs apprentissages. En fait, ils assimilent si volontiers jeux et divertissement facile qu'il a été nécessaire que les enseignants changent de vocabulaire. Désormais à la GEM, on ne parle plus de jeu, mais de « hard fun », de défi ou de « challenge », ce qui fait quand même beaucoup plus... sérieux.

Les étudiants ont fini par reconnaître l'intérêt des jeux pour réaliser des autoévaluations et pour essayer de nouvelles stratégies dans un environnement sans risque. De cette résistance, les enseignants ont beaucoup appris, notamment sur les représentations des étudiants en matière d'apprentissage, de jeu, d'effort.

Plus jeunes, tout aussi conservateurs

A coup sûr, les jeunes ados aiment plus le jeu que leurs aînés. Eh bien, non ! Selon les propos recueillis par l'Étudiant, les lycéens sont plus conservateurs qu'on ne le croit. Soucieux d'efficacité, devant une proposition de jeu sérieux ils rétorquent « je vais au lycée pour apprendre » ou « tout ce qu'on demande aux profs, c'est qu'ils nous préparent pour le bac ». Des arguments qui laissent songeur puisqu'ils mettent littéralement en opposition jeu et apprentissage/révision.

Toutefois, les professeurs comprennent bien ces réponses méfiantes et ces critiques. Pour la plupart des jeunes, les jeux vidéo, les téléphones intelligents, les tablettes et autres technologies font partie de la sphère privée. Elle n'a donc pas sa place à l'école et ne peut pas, selon eux, les aider à assimiler les programmes. De plus, dans un cours magistral, l'élève n'a pas grand chose à faire. Il n'a qu'à écouter le professeur, prendre des notes et retenir le tout. L'usage du numérique l'oblige à faire des efforts, à poser des questions, à prendre en charge ses propres apprentissage.

C'est d'ailleurs pour cette dernière raison que des enseignants de plus en plus nombreux envisagent d'introduire des jeux et d'utiliser systématiquement les TIC en classe. En espérant que les jeunes se montreront plus créatifs, autonomes et débrouillards dans leur formation. Des qualités qui leur seront essentielles plus tard, dans les études supérieures et le monde du travail. De plus, si le cours magistral plaît à ceux qui sont doués à l'école, il n'en est pas de même pour les élèves en difficulté qui peuvent tirer beaucoup des initiatives technologiques. Ce sont d'ailleurs ces élèves qui sont les plus favorables à un usage accru des TIC.

Il est étonnant de voir qu'en 2014, alors que le corps enseignant commencent à apprivoiser l'idée d'utiliser des jeux pour apprendre, ce sont les apprenants qui appuient sur la pédale de frein et critiquent le serious game comme outil de formation. Formatés par le discours « le jeu vidéo est vide de sens », ils n'arrivent donc pas à en voir la dimension pédagogique. La sensibilisation au serious game doit donc toucher non seulement les enseignants et les administrateurs scolaires mais aussi la fameuse génération dite « digital native ». Qui l'aurait cru?

Illustration : alexmillos, shutterstock

Références :

Dautresme, Isabelle. "Apprendre par le numérique pour un lycéen : mission (im)possible ?" L'Etudiant. Dernière mise à jour : 27 août 2014. http://www.letudiant.fr/etudes/vous-rejetez-l-ecole-2-0-trop-serieux-quand-on-a-17-ans.html#noroutage.

Dautresme, Isabelle. "Hélène Michel (GEM) : "Pour les étudiants, le jeu n’est pas sérieux"." L'Etudiant. Dernière mise à jour : 29 août 2014. http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/helene-michel-gem-pour-les-etudiants-le-jeu-n-est-pas-serieux.html.


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