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Publié le 12 octobre 2014 Mis à jour le 12 octobre 2014

Concevoir des simulations en formation - 2ème partie : le storytelling

le storytelling, fil conducteur de la simulation

Stimulé par les histoires depuis son enfance, l’homme appréhende le monde grâce aux représentations mentales qu’il construit. L’histoire est donc la pierre fondatrice de la société des hommes, celle qui permet le passage et le partage des connaissances. C’est grâce au récit que l’homme comprend et structure sa propre pensée.

Le storytelling va plus loin que la seule narration car le storytelling s’inscrit dans le réel, propose un déroulé d’évènements en prise avec la réalité, suscite des choix autant qu’il provoque l’émotion. Les simulations utilisées dans le cadre d’une formation se doivent donc de reposer sur un storytelling efficace.

La dimension réelle, postulat de la simulation

Le storytelling dépasse le récit en construisant un univers autour même de l’apprenant. Le storytelling est la clé de voute de la simulation, le fil conducteur  d’une communication narrative engageant l’apprenant dans l’évènement, la prise de décisions voire la prise de risques et son engagement émotionnel. En ce sens le storytelling est un puissant vecteur de communication car il favorise l’action, une action qui n’est pas idéalisée mais bien en prise avec le réel et qui met l'apprenant au centre du dispositif.

La mobilisation des deux hémisphères cérébraux

La grande force du storytelling (et donc son point de critique pour ses détracteurs) est de lier analyse du message et émotions. Comprendre l'étroite coexistence des éléments est capitale car il s’agit d’utiliser et de mobiliser le cerveau gauche qui est affecté au raisonnement et le cerveau droit qui est dévolu à l’émotion. Cette action sur le cerveau assure ainsi l’engagement des apprenants.

Mais pour que le storytelling utilisé dans le cadre des simulations de formation puisse captiver, il se doit de suivre certains principes et démarches. Ainsi il nécessite un travail de réflexion et de conception autour du schéma narratif avant l’élaboration du canevas de ce dernier.

La conception du schéma narratif des simulations de formation en 4 étapes

Le schéma narratif du storytelling se décompose en plusieurs phases. Dans le cadre du schéma narratif traditionnel, cinq phases se suivent : la situation initiale, l’élément perturbateur, les rebondissements, la résolution et le dénouement.

Dans le cadre de l’élaboration du schéma narratif utilisé pour une simulation de formation, il ne faut retenir que 4 phases : la situation initiale, l’élément perturbateur, les éléments de résolution et la situation finale. Les rebondissements sont volontairement supprimés afin d’éviter de perdre l’apprenant dans des circonvolutions qui ne servent en rien la formation et qui tendent à perdre de vue l’objectif d’apprentissage de la simulation.

  • la situation initiale

Cette partie comprend toutes les informations nécessaires à la compréhension de l’histoire. Il faut souligner le fait que la situation initiale n’est pas un catalogue exhaustif des éléments qui composent l’histoire. En effet, le risque majeur de communiquer dès cette phase tous les éléments nécessaires à la construction du récit, est de créer confusion et désintérêt de l’apprenant qui a tôt fait de connaitre l’intrigue. Il est donc nécessaire de ménager des zones d’ombres dont le personnage central qui est l’apprenant ne possède pas la cartographie. Comme dans tout récit, le héros ne sait pas ce à quoi il va devoir être confronté et des clés dont il disposera pour venir à bout de sa mission.

L’autre utilité de limiter les éléments dévoilés est purement pédagogique : il s’agit de guider l’apprenant. La construction de la situation initiale doit être pensée en corrélation avec la mise en image de la scène décrite de manière à permettre une progression de l’apprenant de façon logique. Si le nombre d’informations est trop grand alors il risque de perdre de vue le fil directeur de l’histoire que vous efforcez de construire. Plus encore, certaines données peuvent être sources de questionnements inutiles à ce stade de la simulation et orienter l’apprenant vers une appréhension  de la situation faute d’avoir acquis les habiletés nécessaires.

Attention enfin, l’écriture de la situation initiale nécessite de mettre en avant les éléments principaux, mais il faut aussi ménager une transition avec la phase suivante . De façon subtile, il s’agit de « faire sentir » une tension, un point de déséquilibre, une frustration qui prendra toute sa dimension lors de la réalisation de l’élément perturbateur.

 La situation initiale se borne donc à donner les éléments suivants :

- le cadre de l’histoire : une entreprise, une salle de réunion, une usine, une forêt,…

- le contexte : une entreprise A leader sur son marché, une salle de réunion à organiser, une usine comprenant une zone de colisage, une forêt près d’une zone de conflit

- Les personnages : le personnage principal (qui est l’apprenant), quelques collègues nécessaires au démarrage de l’histoire.

- le déséquilibre : une entreprise leader sur son marché mais suivie par la concurrence, une salle de réunion à organiser pour la gestion des personnels par la RH, la zone de colisage de l’usine qui est parfois ralentie, une forêt qui sert de base de retrait à des insurgés.

  • L’élément perturbateur

L’élément perturbateur est le point culminant du schéma narratif car il met en avant les enjeux qui se présentent au héros. Evoqué dans la présentation initiale le déséquilibre devient perturbateur et se pose en problématique centrale de la simulation, qui, posée sous forme de question, attend une réponse de la part de l’apprenant qui ne pourra la résoudre qu’en mobilisant ses habiletés et sa capacité à appréhender émotionnellement la situation.

L’élément perturbateur peut donc être formulé de la façon suivante si l’on reprend les exemples de la phase précédente :

Comment l’entreprise A leader sur un marché concurrentiel peut-elle dynamiser les ventes d’une gamme de produits en déclin ? ou comment organiser une salle de réunion RH pour résoudre des conflits entre supérieurs et subordonnés ? ou comment modifier l’organisation des flux sur la zone de colisage ? ou comment organiser la prise des zones est de la forêt pour barrer le repli d’insurgés ?

  • Les éléments de résolution

La résolution n’est pas la phase du déroulé narratif la plus simple à composer. En effet, il est nécessaire que les éléments clés proposés ne soient pas simplifiés à l’extrême car la solution finale risque d’être décontextualisé du réel. Or cette emprise avec la réalité est primordiale en matière de simulation. L’intérêt de la simulation est de permettre à l’apprenant d’envisager les diverses voies possibles et de définir la stratégie qu’il souhaite utiliser. Il est donc nécessaire que l’apprenant soit confronté à une situation où plusieurs solutions sont envisageables. La situation est dramatisée car le héros qu’est l’apprenant est confronté à des choix qui orienteront la suite de l’histoire et le dénouement.

Les éléments de résolution pourraient donc être pour l’exemple de l’entreprise confrontée à une baisse des ventes d’une gamme en déclin : Un nouveau packaging ? Une action promotionnelle, une campagne publicitaire ? L’abandon de la gamme ? Pour chacune des solutions envisageables, il est nécessaire que l’apprenant dispose d’un tableau de bord comprenant ressources, coûts et délais pour chacune des solutions. 

  • La situation finale

La situation finale permet à l’apprenant de visualiser la mise en œuvre opérationnelle de la décision prise. Le message final doit être positif et si le choix opéré par l’apprenant n’est pas le plus intéressant, il est inutile d'invalider définitivement son choix au risque qu'il abandonne la suite de la formation. Il est cependant utile de lui présenter les résultats de la solution qu’il était utile de retenir et de la justifier.

La démarche d’élaboration du canevas

Le storytelling d’une simulation de formation obéit à 4 grandes étapes mais la démarche d’écriture suppose de modifier leur ordre pour assurer  leur articulation logique. Ainsi, il est nécessaire de partir tout d’abord de la situation finale (donc des objectifs d’apprentissages visés) avant de déterminer les éléments de résolutions à retenir. Ensuite faut-il  s’intéresser à la problématique ? Il est préférable de reprendre la situation initiale car bien souvent la problématique ne peut être  cohérente que si la situation initiale est bien construite. De la même manière poser solution et éléments de résolution avant la situation initiale permet de donner un éclairage à l’écriture de cette dernière et de s’assurer que tous les éléments sont présents à ce stade. Yaël Gabison utilise cette même démarche pour construire ses présentations et propose à ce sujet un tableau récapitulatif de ce canevas dans son ouvrage "Boostez vos présentations avec le story-telling".

La semaine prochaine, Thot Cursus vous propose un focus sur le choix des personnages, des univers et des images qui donnent à la simulation toute sa force.

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La série :

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Références

Bessière, Edouard. "Christian Salmon  "Storytelling, la machine à fabriquer des histoires." Centre de Liaison de l'Enseignement et Médias d'Information. Date de publication 10 novembre 2013. http://clemi.spip.ac-rouen.fr/?Storytelling-la-machine-a.

Dangel, Stéphane. "Comment mettre le storytelling à votre service ?, Le Cercle." lesechos.fr. Dta de publication 10 juin 2013. http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-74182-comment-mettre-le-storytelling-a-votre-service-1015381.php.

Wybo, Gilles. "Mettez du storytelling dans vos présentations - Stratégies." Stratégies - Marketing, Communication, Médias, Marques, Conseils, Publicité. Date de publication 10 janvier 2013. http://www.strategies.fr/emploi-formation/management/203083W/mettez-du-storytelling-dans-vos-presentations.html.

Illustration :  Lassedesigner, Shutterstock.com


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