Tintin était un journaliste et sa curiosité l’a amené dans toutes sortes de situations qui ont fait nos délices, comme le font la plupart des journalistes qui s’en sortent. Son état d’esprit le poussait à s’intéresser aux mystères qu’il rencontrait.
De son coté, les mystères étaient amenés à Colombo et celui-ci poursuivait sans relâche le fil rouge incohérent dans une histoire. Sa curiosité pour un détail en apparence anodin, souvent documenté par une expertise externe, amenait ses proies à se découvrir.
Gibbs, de NCIS, par rapport aux deux autres, travaille en équipe. Sa curiosité étend son champ au niveau microscopique aussi bien que social via le web, les bases de données, les satellites ou les caméras de surveillance. La somme d’expertise mobilisée l’amène à résoudre les énigmes les plus touffues contre des adversaires actifs.
La curiosité est un moteur dans tous ces cas, mais plus le monde se complexifie, plus celle-ci demande à être appuyée par celle de d’autres personnes mobilisées autour du problème à résoudre. L’idée d’y arriver seul parait de moins en moins probable. À l’époque de Sherlock Holmes, celui-ci devait développer lui-même sa propre expertise, par exemple, en frappant un cochon mort avec une canne pour savoir si on pouvait encore faire des «bleus» à un cadavre après un décès. Mais maintenant, on va plutôt à l’école médico-légale pour apprendre ce genre de données et bien d’autres.
La prolifération des expertises
Bien sur, tous ces personnages sont fictifs, mais ils représentent une certaine idée de ce qui est possible et acceptable dans la tête des gens. Chacun peut développer ses propres expertises, larges ou étroites, multiples ou approfondies, et la curiosité pour un sujet peut intéresser des milliers de personnes ou que quelques unes, mais ce qui demeure est qu’on doit l’acquérir quelque part. L’éducation y joue une grande part.
Si autrefois il était possible de mobiliser suffisamment d’expertises chez un seul individu, aujourd’hui il semble qu’il en faille beaucoup plus dans la majorité des situations pour arriver à un résultat acceptable. Mais encore faut-il que les individus possèdent quelque véritable expertise et non des généralités, ce que produit essentiellement la formation de masse, des gens qui savent lire, écrire, compter, programmer, gérer et paraissent comme des cellules souches, adaptables à différents environnements.
La spécialisation apparaît au contact d’une réalité selon un point de vue précis, activité répétée au point de réduire les incertitudes et de pouvoir garantir un résultat. C’est cette garantie que recherchent ceux qui sollicitent les expertises.
Des formations courtes, nombreuses et spécialisées
Ainsi on peut prédire sans trop de risques qu’au delà des formations de base, l’avenir de la formation s’écarte des longues études générales et s’oriente vers des formations spécialisées, bien sur, mais aussi du fait du développement rapide des connaissances, vers des formations courtes et fréquentes.
Les besoins de mise en commun d’expertises diverses promet également de beaux jours aux événements thématiques de toutes sortes où, dans un contexte peu formel, on s’attaque à des problèmes complexes en mobilisant des centaines de personnes intéressées à divers niveaux.
et bien d’autres formules peuvent s’inscrire dans des parcours de formation reconnus par des badges et autre moyens de certification de spécialisation.
La curiosité de milliers de personnes autour d’un même sujet peut constituer un puissant levier de mobilisation. On en aura besoin de plus en plus et on peut apprendre à s’en servir. Les institutions éducatives ont ici une occasion de renouveler leurs formules d'enseignement. Au delà de la formation standard, la seconde couche d'apprentissage est celle du développement de l'expertise.
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