En Tunisie, la langue maternelle est l'arabe dialectal, on apprend l'arabe classique puis le français, l'anglais et une autre langue facultative. L'arabe classique est la langue officielle de l'Etat, le français est utilisé dans les études et les manifestations scientifiques, l'anglais prend de l'essor et les autres langues se taillent le public qu'elles peuvent. Tout le monde y trouve son compte tant que les usages concordent bien et que les langues cohabitent et s'interpénètrent dans l'harmonie.
L'arabe dialectal se décline en plusieurs variantes ou patois globalement compréhensibles par tous mais il y a une langue qui survit depuis la nuit des temps, la langue berbère, celle des premiers natifs de l'Afrique du Nord, langue appelée Amazighe ou Kabyle ou encore Tamazighe selon les pays ou régions.
Elle survit dans certaines tribus, régions ou familles et ses locuteurs revendiquent sa pérennité, sa reconnaissance et son enseignement jusqu'à en faire parfois une question essentielle d'identité avec des pics d'exacerbation qui frisent le conflit avec la langue officielle. L'Association Tunisienne de Culture Amazighe par exemple s'évertue à prouver que reconnaître la différence c'est s'enrichir et que la langue arabe n'en pâtira point.
La charte européenne des langues régionales ou minoritaires reconnait les langues régionales ou minoritaires en tant qu'expression de la richesse culturelle et légifère pour les sauvegarder. Ailleurs, cela se fait de même ou pas du tout ou encore avec beaucoup de laxisme. Pensons aux ethnies épuisées par les génocides ou les colonisations, dispersées de par le monde ou parquées dans des réserves, ne disposant que de traditions orales, vivaces et prégnantes certes mais qui ne jouissent plus des structures sociales de transmission d'antan. Quoique... avec les possibilités actuelles de l'audio visuel et d'Internet (podcasts, applications mobiles ou autres), il y aurait matière à changer l'état des choses.
En Amérique du Nord, Amérique latine, Océanie, Australie, Nouvelle Zélande, Bolivie, au Brésil, Canada, Paraguay, Pérou, aux Etats-Unis, des langues minoritaires agonisent. On compte près de 6500 langues en danger pratiquées dans le monde, d'après le Hans Rausing Endangered Languages Project, dont la moitié au moins est menacée d'extinction dans les prochaines 50 à 100 années. Les langues indigènes restent sous-représentées dans les espaces numériques, qu'il s'agisse d'Internet ou des logiciels téléchargeables et des médias sociaux tels que Facebook.
Global Voices publie une revue des applications d’apprentissage des langues indigènes selon l'article original de Rachael Petersen iDecolonize : Indigenpus language-learning mobile apps. Pas moins de 10 applications phares y sont présentées : nom, type (dictionnaire, cours ou jeux interactifs, etc.), langue et localisation, description du fonctionnement de l'application, évaluation des ses points forts et points faibles. Des applications supplémentaires tout aussi utiles sont également répertoriées.
On reste vraiment ébahi devant tant de ténacité à sauvegarder ces pans d'identité menacés et tant de créativité pour rapprocher et mettre en contact les natifs d'une même langue et tous ceux qui veulent se rapprocher d'eux. Et l'on se rend compte qu'il y en a finalement pour tous pourvu que la volonté y soit. Il ne s'agit pas seulement de volonté politique ou institutionnelle car de nos jours, les applications mobiles sont du ressort de la créativité des utilisateurs et l'on peut se donner les moyens de valoriser toutes les langues et de faire dialoguer les cultures.
Références
Global Native Networks. Consulté le 27 mai 2014.
https://fr.globalvoices.org/.
Global Voices en Français. "iDecolonize: Une revue des applications d’apprentissage des langues indigènes · Global Voices en Français." Consulté le 27 mai 2014.
Article à retrouver ici https://globalnativenetworks.wordpress.com/2013/06/18/idecolonize-indigenous-language-learning-mobile-apps/.
Council of Europe - Treaty Office. "Conseil de l'Europe - STE no. 148 - Charte européenne des langues régionales ouminoritaires." Consulté le 27 mai 2014.
http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/148.htm.
Le carnet de l'IRMC. "Premiers pas d’une « renaissance » amazighe en Tunisie. Entre pression panamazighe, réalités locales et gouvernement islamiste." Consulté le 27 mai 2014.
http://irmc.hypotheses.org/646.
Nawaat. "Interview avec l’Association Tunisienne de Culture Amazighe | Tunisie." Consulté le 27 mai 2014.
http://nawaat.org/portail/2012/02/27/interview-avec-association-tunisienne-de-culture-amazigh/
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