La juste mesure
À peu près tous les progrès scientifiques ont eu pour source la mesure. Pour comprendre ce qui se passe on compare, estime, évalue les variations de quelque chose, grandes ou petites. À partir de là on peut échafauder des théories et vérifier leur validité; autrement on est condamnés aux impressions et invocations célestes.
Dans le domaine du comportement, les évaluations approximatives sont encore la norme mais tout ceci est sur le point de changer radicalement.
Montres connectées
Jusqu’à maintenant, les méthodes de monitoring des paramètres corporels étaient complexes, coûteuses et envahissantes. Un patient dont on soupçonnait l’arythmie cardiaque ou encore l’apnée du sommeil se voyait proposer un attirail encombrant pour mesurer son rythme cardiaque ou sa respiration 24 hres sur 24. Si des progrès importants ont été réalisés coté design de ces systèmes, le coût de ces appareils n’est pas à la portée des individus.
Mais la mode de l’entrainement physique a mené plusieurs entreprises sur le terrain de la mesure des paramètres personnels. Les podomètres ont été les premiers appareils à être proposés, suivi des cardio-fréquence-mètres couplés à des GPS reliés aux téléphones mobiles et le mouvement prenait son envol. Avec le raffinement des capteurs, bientôt s'ajouteront la tension artérielle, la glycémie, la fréquence respiratoire et assurément d'autres paramètres encore.
Des appareils comme le Up 24 (Jawbone), le SmartBand (Sony), l’élégant Misfit, le Polar ou le Fitbit donnent le ton, mais pourraient tous être voués à l'oubli lorsque les montres connectées s’imposeront, ce qui ne devrait pas tarder, Apple, Google et Samsung y travaillent activement.
L’effet
La pratique du «Quantified Self» ou «Moi quantifié» (automesure) possède une viralité lente mais réelle, surtout que toutes ces applications peuvent être connectées à vos réseaux sociaux. Comme une maladie infantile, on est facilement contaminé puis, après quelques poussées de fièvre, la situation se stabilise puis la pratique est intégrée. Presque tous ceux qui ont utilisé ces appareils déclarent qu’ils ont modifié leurs habitudes d’une manière ou d’une autre.
Par exemple, on peut faire le rapport entre le niveau d’activité d’une journée et la qualité du sommeil de la nuit qui suit. Quand on est physiquement inactif le jour, on dort moins bien la nuit suivante, on le constate à partir des données objectives. Le lendemain, on trouve curieusement la petite motivation à quitter ses pantoufles pour aller marcher un peu et passer une meilleure nuit. Comme motivation intrinsèque on ne fait pas mieux.
Au niveau des performances en course, de l’alimentation, du bien-être physique et même de la performance académique, ces appareils donnent des éléments de mesure et des pistes d’intervention à partir de l’interprétation des données recueillies. Et on en demandera plus.
En éducation
Le phénomène n’a pas encore pénétré la sphère éducative, si ce n’est du coté de l’éducation physique et de l’entrainement sportif.
Au delà de la performance physique, quel est l’effet de trois heures de télé en soirée, d’une canette de boisson énergisante, d’un party bien arrosé le mercredi soir, de deux soirées de travail jusqu’à 23 hres, d’un litre de boisson sucrée dans la journée, d’un joint entre amis, d’une nuit blanche, d’une journée de sédentarité ou au contraire d’une journée d’activité physique intense ? Toutes ces situations composent le quotidien de bien des étudiants.
On sait aussi que plusieurs vivent des situations sociales ou familiales compliquées. Quels sont les effets de ces situations ? Comment se remet-on d’une dispute de ses parents, d’un acte d’intimidation ou d’une rupture amoureuse ?
Et dans une classe, durant un cours… Qu’est-ce qui a le plus grand effet stimulant ou déprimant ? Quel est l’horaire éducatif le plus approprié ? Et si on met l’ensemble de ces mesures en relation avec les performances scolaires, que risque t’on de découvrir ?
En somme, que ce soit au niveau personnel ou même communautaire, l’effet risque d’être le même : après une prise de conscience, on optimise ses activités puis une fois stabilisé, on s’en désintéresse passablement tout en continuant de s’y référer au besoin.
Bien sur ou pourra toujours prétendre au délire électronique, à l’envahissement technologique toujours plus poussé, à notre dépersonnalisation, à notre étourdissement permanent. À ceci on peut répondre que l’ignorance est aussi une forme d’état débilitant et que le résultat de la connaissance dépend essentiellement de ce que l’on en fait. Une fois la connaissance obtenue, on peut passer à autre chose et c’est bien ce que l’on observe…
Références
Moi quantifié - Sur wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Moi_quantifi%C3%A9
The Quantified Self - Gary Wolf - Conférence TED
http://www.ted.com/talks/gary_wolf_the_quantified_self
Quantified Self - Guide to self-tranking tools
http://quantifiedself.com/guide/
Automesure Santé - site para-médical
http://www.automesure.com/
Test : Jawbone Up 24
Le meilleur d'entre tous ! - Les numériques - Christophe Séfrin - Mai 2014
http://www.lesnumeriques.com/capteur-activite/jawbone-up-24-p17658/test.html
C-net - Alexandre Billault - Mai 2014
http://www.cnetfrance.fr/produits/jawbone-up-24-39800861.htm
15 jours avec le Jawbone - Audrey Oeillet - Clubic - Avril 2014
http://www.clubic.com/mobilite-et-telephonie/objets-connectes/quantified-self/article-693192-1-jawbone-up24.html
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