L’éducation, ou plus précisément, ce qui devrait être enseigné et la manière dont ça devrait l’être, est un enjeu de pouvoir permanent. L’école est le théâtre de luttes où chaque partie essaie d’affirmer son autorité et d’assurer son emprise. Le gouvernement se fait le défenseur d’une idée de la société, les syndicats peuvent s’appuyer sur une autre conception de cette même société, des villes favorisent leur développement social et économique en impliquant l’école et des groupes de pression de parents, d’étudiants, de gens d’affaires, des associations essaient d’influencer les décideurs selon leurs idéaux ou intérêts. Le chantier scolaire peut se transformer en champ de bataille au gré des décisions, discutées ou non.
Ce qui doit être enseigné, territoire public
Aucune matière n’est neutre et on peut l’enseigner ou ne pas l’enseigner pour des raisons sociales, religieuses, politiques, administratives ou économiques. Le choix n’est quasiment jamais laissé à l’étudiant : il ne paye pas et il ne vote pas.
De l’éducation sexuelle à celle des sciences en passant par l’histoire, les langues, l’entrepreneuriat, la citoyenneté, les compétences numériques ou les habiletés domestiques, chaque élément d’un programme éducatif est sujet à un débat politique.
On semble oublier que l’on peut bien enseigner ce que l’on veut, ce qui est appris est bien autre chose et c’est toujours l’individu qui décide d’apprendre, ou pas. On ne parle pas de réciter par coeur mais bien de connaître et d’utiliser le savoir acquis.
Ce qui finalement est programmé est toujours un compromis entre «le bon sens» et les volontés de pouvoir, c’est à dire entre ce qui est considéré comme méritant d’être appris par les individus et ce qui sert les intérêts et les valeurs d’un groupe particulier. Souvent les deux se rejoignent.
Ce qui est appris, sur le territoire de qui ?
Mais au delà du contenu des programmes, une des choses les mieux apprises à l’école est transmise par le professeur et sa façon d’enseigner. L’écoute et l’obéissance étaient des règles d’or dans les pédagogies traditionnelles. Mais dans un monde où les sources d’information se sont multipliées, l’écoute cède la place à l’esprit critique et l’obéissance est moins valorisée que la capacité de se mobiliser autour d’intérêts communs. C'est l'effet des technologies de l'information et de la communication.
La classe est bien le territoire du professeur, quoiqu’on en dise, et c’est toujours à lui de choisir sa façon d’enseigner. C’est bien le maître qui détermine les conditions d’apprentissage dans lesquelles les individus décideront d’apprendre. Et la façon même de leur enseigner est un des apprentissages les plus importants : seront-ils mis en confiance et développeront t-ils leur initiative ou seront-ils étroitement contrôlés ? Seront-ils capables de s’intéresser et de se poser des questions ou devront-ils accepter sans discuter ce qui leur est présenté ? Intègreront-ils les technologies dans leurs pratiques ou ne s'en serviront-ils que comme d'un tableau sans craie ?
On en revient au contrôle : qui contrôle quoi. L’individu est libre d’apprendre ce qu’il veut, le professeur est libre d’enseigner comme il l’entend et la société est libre de proposer le contenu qu’elle souhaite. À chacun son territoire, mais finalement c’est toujours l’individu qui s’intéressera ou pas au sujet, qui l’apprendra véritablement, selon ses besoins, capacités et préférences. Alors, pourquoi ne pas construire un système qui les prendra en compte ? C’est un peu l’affaire de tout le monde, c’est un «choix de société».
Références
Sciences de l'éducation : quelle utilité ? - Bernard Appy - Février 2014 - Sur Tout Éduc
http://bernardappy.blogspot.ca/2014/02/sciences-de-leducation-quelle-utilite.html
Education nationale : le retour à «la chasse gardée» ?
Le rôle de la Politique de la ville
http://www.touteduc.fr/fr/archives/id-6827-education-nationale-le-retour-a-la-chasse-gardee-le-role-de-la-politique-de-la-ville-tribune-
Illustration : lighpoet, Shutterstock.com
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