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Publié le 03 mars 2014 Mis à jour le 03 mars 2014

Les apprenants sauvages

Dans les universités et sur la toile apparaissent des apprenants qui revendiquent un besoin d'action et une autonomie accrue

La principale différence entre la formation académique et la formation professionnelle tient moins au contenu qu'au positionnement de l'apprenant face à ce contenu. Dans la formation académique, l'apprenant est invité à réfléchir sur les choses. En formation pro, il est invité à les faire.

Cette différence fondamentale est peut-être en train de s'atténuer. C'est du moins ce que croient avoir repéré les auteurs du "NMC Horizon report 2014" sur l'enseignement supérieur co-édité par le New Media Consortium et Educause : les étudiants ont commencé à se lever et à utiliser leurs mains en même temps que leur tête.

 

Faire pour apprendre

La tendance a été relevée par Jean-Sébastien Dubé dans L'Eveilleur (Université de Sherbrooke), qui l'a retrouvée dans d'autres publications. On constate par exemple qu'il y a de plus en plus d'imprimantes 3D dans les bibliothèques universitaires; qu'un nombre croissant d'étudiants se lancent dans des projets autogérés, en faisant éventuellement appel au crowdfunding pour les financer. Qu'ils se jettent sur le design thinking et aspirent à voir le produit de leur travail se matérialiser dans un film, un objet, une réalisation.

En Europe, le frémissement est également perceptible. Nous parlions la semaine dernière de la Team Academy, Business School finlandaise qui  a supprimé les cours. Depuis 2012, un fablab s'est ouvert à l'université de Cergy-Pontoise en France (le Faclab); les étudiants y côtoient les usagers externes et tous apprennent à faire ensemble. Une université britannique a ouvert un cursus de formation à l'autoédition

Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps, comme on dit : quelques initiatives isolées ne doivent pas laisser croire que le monde académique est en plein bouleversement et que le mode transmissif classique va disparaître sous peu. Et puis, toutes les disciplines ne se prêtent sans doute pas avec le même bonheur à l'expérimentation...

Cette dernière hypothèse est rapidement prise en défaut. S'il est sans doute plus facilement concevable de fabriquer quelque chose dans le cadre d'études en mécanique ou en informatique qu'en linguistique ou en histoire de la Renaissance, on peut toujours valoriser un aspect ou l'autre du programme, donner un relief supplémentaire à son parcours au travers d'une publication multimédia. Faire retour sur ses apprentissages avec la volonté de communiquer avec un public non spécialisé est toujours une occasion de stabiliser des notions, de les approfondir, de les exemplifier. Le "faire" trouve donc ici aussi son intérêt.

 

Construire son apprentissage

Et si le fait-même d'étudier une discipline académique devenait un acte créatif, autonome et porteur de méta-apprentissage ? Sous cette question un peu alambiquée se cache une autre tendance bien réelle : celle de l'apprentissage autodirigé, stimulé (enfin stimulé !) par ce qui se passe actuellement en ligne.

C'est une fois de plus Bruno Devauchelle qui, dans un récent billet de blog, pose pour ses lecteurs francophones des mots sur cette réalité :  

"Ce que les MOOC ou les classes inversées tentent de nous dire repose sur le constat que n’importe qui, ayant envie d’apprendre, a désormais la possibilité de le faire grâce à internet. Mais soucieux de l’autorité académique ces dispositifs dits nouveaux tentent simplement de faire barrage à une attitude bien dérangeant de certains étudiants et élèves : aller voir ailleurs que dans la classe si il n’y a pas un enseignement plus intéressant, de meilleur qualité etc… et surtout de construire par eux mêmes leur propre parcours".

B. Devauchelle souligne ensuite que bien peu d'apprenants se lancent dans cette voie, trop conditionnés par des années d'obéissance au système scolaire. Beaucoup d'adultes en formation continue et surtout les moins diplômés d'entre eux, ont le sentiment de "retourner à l'école" quand ils viennent s'asseoir dans la salle. Ils le font avec plaisir, presque avec soulagement : au moins là, on sait ce qu'on a à faire. Devant leur poste informatique, ils cherchent les repères familiers du dispositif scolaire : notes, enseignants, exercices, bonnes et mauvaises réponses. Mais il en est d'autres, des apprenants sauvages (ie qui se sont échappés de la serre scolaire), qui n'ont rien à faire de tout cela. Ils créent leurs propres groupes d'apprentissage, apportent des ressources complémentaires qui peuvent devenir principales, investissent les forums pour mettre en débat la parole professorale, sans forfanterie mais avec l'énergie joyeuse de celui qui se sait à sa place, celui qui construit, celui qui fait. Ils utilisent les MOOCs comme des événements, comme dit S. Downes : des espaces de rencontre entre personnes motivées par un même sujet, qui ont l'intention de passer un moment ensemble à l'explorer. 

Bruno Devauchelle constate que dans leurs loisirs, nombre de personnes manifestent des dispositions à l'apprentissage autonome bien supérieures à celles qu'elles mettent en oeuvre dans un cadre académique contraint et détaché de leurs centres d'intérêt. Quand le "vouloir" est plus fort que le "devoir", l'apprentissage est plus efficace et épanouissant. 

Enseigner moins, encourager davantage l'apprentissage autonome, pratique et fondé sur l'enthousiasme : un programme stimulant pour tous les éducateurs, en présence et à distance. 

Références :

New Media Consortium, Educause. "NMC Horizon Report - 2014 Higher Education Edition." The New Media Consortium | Sparking innovation, learning and creativity. Consulté le 3 mars 2014. http://www.nmc.org/pdf/2014-nmc-horizon-report-he-EN.pdf.

Dubé, Jean-Sébastien. "L’éveilleur | D’étudiants consommateurs à étudiants créateurs." ssfudes.com. 14 février 2014. http://www.ssfudes.com/veille/leveilleur/18001/detudiants-consommateurs-a-etudiants-createurs/.

Devauchelle, Bruno. "Construire son propre apprentissage en ligne : vers les MOOC perso ? « Veille et Analyse TICE." Veille et Analyse TICE. 20 février 2014. http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=1518.

 

Photo : Calin Tatu, Shutterstock.com


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