L'état actuel de l'éducation en Tunisie est préoccupant et ce constat assez communément admis se fait sur la base de résultats décevants observés à plusieurs niveaux : décrochage scolaire, faible pourcentage de réussite au bac, diplômés chômeurs. La dernière réforme scolaire date de 2002 et présentement les aléas post révolutionnaires ne semblent pas encore propices à une réforme étudiée et réfléchie du système éducatif en vigueur.
Cela n'empêche pas la réflexion et les initiatives sectaires et isolées officielles ou de la part de la société civile pour améliorer certaines choses et c'est finalement sur les conséquences qu'on agit et non sur les véritables causes. Oui mais quelles causes ? Là chacun crie haro sur le baudet qui lui semble le plus évident mais qui n'est pas nécessairement le plus avéré : ou ce sont les apprenants qui ne sont plus ceux d'antan disciplinés et bûcheurs, ou ce sont les enseignants absentéistes et mercantiles ou c'est l'état qui se désengage, gère indûment les deniers, ou alors c'est l'arabisation de la langue d'enseignement des matières scientifiques à l'école de base suivie d'un basculement vers le français dans le secondaire et le supérieur, etc.
Un classement international décevant
Ce qui a attisé les incompréhensions et amène à tirer la sonnette d'alarme ce sont les évaluations internationales comme le classement PISA où la Tunisie s'avère des plus médiocres. Les mauvaises prestations n'épargnent aucun cycle d'enseignement (primaire, secondaire et supérieur) et sont relatives aux matières scientifiques. Quoiqu'il ne faille pas se baser sur ces seules évaluations, celles-ci renforcent le malaise et donnent raison aux plus pessimistes qui ne seront certainement pas porteurs des meilleures solutions. D'autres diraient même que côté langues, arts et littératures le tableau n'est pas plus reluisant.
Le constat est amer, le paradoxe est grand : la Tunisie est l’un des pays qui consacre le plus de ressources à l‘éducation de ses enfants, mais elle reste en queue de peloton, avec des résultats d’une médiocrité affligeante, un des plus mauvais élèves à l’école de l’éducation, affirme le Professeur Karim Ben Kahla qui lui se livre à une analyse très pertinente du système éducatif tunisien en se basant sur l'outil SWOT dans le but d'évaluer l'existant et éclairer ainsi la voie du changement. Ce type d'analyse fait ressortir les forces du système et les opportunités qu'il offre et pointe les faiblesses et les risques qui en découlent.
L'une des forces majeures est que dans l'échelle des valeurs sociales et individuelles, l'éducation occupe les meilleures places, que l'éducation est un droit acquis et que les investissements consentis sont toujours aussi conséquents. La courbe démographique descendante permet l'allègement des classes et le recours aux nouvelles technologies pour l'enrichissement des apprentissages. Ceci est contrebalancé par une mauvaise gouvernance et une mauvaise gestion des ressources humaines ainsi que par de multiples et imprévisibles changements qui affectent la société tunisienne.
L'article du Pr Karim Ben Kahla a suscité de nombreux commentaires et c'est dire combien le sujet est brûlant et d'actualité. Le décrochage scolaire comme le souligne un intervenant est un fléau révélateur des maux éducatifs qui en entraînent de pires pour nos jeunes et toute la société en conséquence.
Parmi les décrocheurs, il y a des 6-15 ans qui ne vont jamais à l’école ou la quittent trop tôt. L'écart est plus accentué selon le genre, l'âge, le milieu de résidence, ou l'activité des enfants. 67.6% des enfants non scolarisés ou déscolarisés, sont des filles. 60% des enfants concernés habitent les zones rurales et 40% sont en situation de travail.
Pistes de réflexion
Si l'on veut rentabiliser tous les sacrifices consentis, il faudra analyser et comprendre les causes et les retombées de la déscolarisation ainsi que de la baisse continue de niveau constatés pendant et en fin de parcours. Nombre de colloques et comités de réflexion se sont déjà penchés sur le sujet mais ce qui manque c'est la coordination des actions et la stabilité politico-sociale propices à la réalisation des propositions. Plusieurs solutions pourront être planifiées sur le le court, le moyen et le long terme avec comme orbite une réforme systémique.
On espère aussi que s’il y a autant de gens qui quittent, il y en a qui vont revenir un jour. Qu’est ce que l’intégration des TIC, la formation en ligne ou à distance peut faire pour eux ? Qu’est-ce qu’elle fait actuellement ? Quels sont les freins ? Comment y remédier ?
Ce sera le sujet d'un prochain article à propos du système éducatif tunisien.
Références
“Où va l’école publique tunisienne : jalons pour un diagnostic stratégique
Consulté le 17 février 2014.
http://www.businessnews.com.tn/details_article.php?t=520&a=44062&temp=4&lang=
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