Ceux qui lisent facilement ne réalisent guère à quel point le processus est subtil. Quand on demande à des grands lecteurs quelle est la source de ce qu’ils rapportent, parfois ces derniers ne sont pas en mesure d’affirmer s’ils l’ont lu ou s’ils l’ont vu en vidéo ou même en quelle langue ils l’ont lu. Ce qui illustre à quel point le processus du décodage du signe jusqu’à la création de la pensée ou de l’image dans l’esprit du lecteur est intime.
Comment on apprend à lire
De nombreuses recherches sur l’apprentissage de la lecture démontrent les multiples stratégies que l’esprit mobilise pour lire de plus en plus vite. On en vient à comprendre que toutes procèdent à l’enrichissement de l’expérience de la lecture.
On apprend d’abord à décoder les lettres et des groupes de lettres et on les associe à des sons et rapidement à des significations et des images.
o - oh - au - eau / po, pom, pomme
On y ajoute parallèlement une couche de règles grammaticales, règles qui augmentent la redondance du texte et permettent d’enrichir la compréhension, on commence à faire des liens et anticiper.
le, la, les, un, une,
je, tu il, nous, vous, ils, être, suis, es, est, sommes, êtes, sont…
la pomme est rouge, les pommes sont rouges
On enrichit graduellement l’expérience du lecteur en augmentant son vocabulaire, en augmentant sa capacité de discernement des lettres, des fontes, des styles, jusqu’au point où il sera capable de corriger automatiquement les erreurs, les inversions de lettres, de compléter les textes presque effacés, d’apprécier une tournure, etc.
Le vocabulaire est une clé importante de la compréhension : tout ce qui est lié à un mot que l’on ne comprend pas ne se lie en fait à rien du tout dans notre esprit et bon nombre de difficultés en lecture tiennent à ce seul point. Augmenter le vocabulaire, apprendre à se servir d’un dictionnaire et multiplier les expériences de lecture à la maison et dans la vie sont les méthodes efficaces et synthétiques les plus consensuelles.
De fait, plus on accumule d’expérience de lecture, plus on devient capable de lire rapidement, de reconnaître des expressions entières, d’apprécier les raisonnements de l’auteur ou simplement l’histoire. Le plaisir n’est plus celui de réussir à décoder, ni même de comprendre, mais de se laisser porter et d’apprécier l’oeuvre.
1/4 de seconde
On ne lit pas de façon continue mais bien par petits sauts. Que nous soyons bon lecteur ou lecteur débutant, nos yeux font des petits sauts d’environ 1/4 de seconde. La différence entre les lecteurs rapides et les lecteurs lents tient à la largeur de la zone saisie du regard et au traitement de l’information recueillie.
Par exemple, un bon lecteur est capable de prédire des parties de phrases sans même avoir besoin de ( ). Vous avez deviné quel sens devrait avoir le contenu de la parenthèse; ce pourrait être «les lire» ou «les parcourir». Le résultat est qu’il n’a besoin que de quelques lettres de temps à autre ou même seulement d’une approximation de la longueur du mot pour confirmer sa prédiction. Vous avez du lire «approximation» à peu près de cette façon : «a.prox……n». Le «prox» au milieu d’un long mot finissant par n, c’est «approximation», aucun doute. C’est cette capacité d’anticipation qu’un bon lecteur utilise; on ne décode plus des lettres et des sons; on va beaucoup plus vite.
Aimer lire
On lit beaucoup de choses pratiques, informations, indications, instructions, par nécessité; on lit aussi des choses plus difficiles, pour apprendre. Enfin, on lit parfois par pur plaisir : des potins, des nouvelles, des histoires, des idées, etc.
Mais même parmi les populations éduquées, on trouve au minimum 25 % des gens qui n’aiment pas lire, qui n’ont jamais franchi le seuil du décodage laborieux, qui ne lisent pas les journaux ni les revues, qui ne lisent jamais de livres et pour qui ce «plaisir» a toutes les apparences d’une corvée.
La vidéo et le son permettent de compenser en bonne partie cette déficience en lecture, par exemple, le texte de nombre de cours en ligne peut être écouté en parallèle, option destinée à ce genre de lecteur, tout comme la présence de vidéos sur Facebook ou même Twitter ! Le débit d’information parlée est jusqu’à trois fois plus lent que celui de l’information lue; il en va de même du traitement intellectuel. Mais sans la compréhension des mots, le décodage ou la vitesse ne donnent rien. Si les mots sont compris, alors plus on lit vite, plus on s’approche de la vitesse de la pensée, de l’imagination, du défilement des images et du plaisir du récit.
Ceux qui aiment lire sont affranchis de la corvée du décodage et de la compréhension des mots et des phrases; ils peuvent alors s’attarder aux idées et c’est là l’objectif à atteindre en éducation à la lecture.
Références :
La problématique de l’apprentissage de la lecture
Elisabeth DEMONT - Université Louis Pasteur - Séminaire Inspection Académique du Bas-Rhin – 9 octobre 2003 (.pdf)
http://www.lycee-francais-francfort.com/PAGES/PRESENTATION/PEDAGOGIE/DYSLEXIE/BIBLIOGRAPHIE/10.pdf
Lecture et compréhension - Dominique Barataud - Juin 2004
http://ameds.free.fr/conferences/rtf-pdf/barataud%20comprehension%20040601.pdf
Les pratiques de lecture des Québécoises et des Québécois de 2004 à 2009
Bulletin de la recherche et de la statistique - Décembre 2012 - Ministère de la Culture et des Communications du Québec
http://www.mcc.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/publications/Survol24_11-2012.1.pdf
Action : Devenir bénévole pour faire la lecture
Association Lire et faire lire : http://www.lireetfairelire.org/
Fondation pour l'alphabétisation - Bénévolat
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