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Publié le 14 janvier 2014 Mis à jour le 14 janvier 2014

Quelle qualité pour l'école en Afrique ?

Quand la politique du chiffre fait des ravages sur le niveau réel de compétences atteint par les jeunes

L’accès à l’éducation semble s’être démocratisé en Afrique depuis plusieurs années. Si les hommes politiques ici s’enorgueillissent parfois des statistiques faisant état d’une constante évolution des taux de scolarisation dans les pays africains, la situation de l’éducation (primaire notamment) en Afrique, n’est pourtant pas si reluisante. Et si l’éducation primaire semble être devenue effectivement « universelle », force est de constater que cette universalité ne s’applique pas à la qualité de cette éducation.

De l’universalité de l’accès à l’éducation en Afrique

« Education pour tous », « Education primaire universelle » et j’en passe, autant de slogans auxquels sont habitués les professionnels de l’éducation exerçant en Afrique où la plupart des projets éducatifs tant nationaux qu’internationaux ne semblent avoir pour seul objectif que « l’amélioration de l’accès à l’éducation ». Des objectifs essentiellement quantitatifs donc, inspirés pour la plupart des fameux objectifs du millénaire pour le développement (OMD) dont le deuxième est d’ « Assurer l’éducation primaire pour tous » en donnant notamment à tous les enfants d’ici à 2015, les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires.

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les taux de scolarisation en Afrique ne cessent d’évoluer favorablement depuis l’adoption de ces OMD. Ainsi, selon l’Agence française de développement le nombre d’enfants inscrits en première année d’école primaire a augmenté de 57 % depuis 2000, faisant ainsi baisser le nombre d’enfants n’ayant pas accès à l’éducation de base de 106 à 67 millions entre 1999 et 2011. Des chiffres appréciables certes, mais qu’en est-il du niveau réel de ces élèves ?

Améliorer la qualité de l’éducation en Afrique : une priorité

Les taux de scolarisation à eux seuls ne sauraient permettre d’évaluer l’efficacité d’un système éducatif. Et comme le souligne Valérie Tehio : «l’agenda des OMD sur l’éducation primaire a été réducteur car il est trop orienté vers un critère unique : celui de la scolarisation ». Il faudrait donc peut-être désormais tenir davantage compte « des critères prenant en compte la qualité de cette éducation (ndlr)». Car, continue-t-elle « Aujourd’hui, 250 millions d’enfants, qu’ils soient scolarisés ou non, ne savent ni lire, ni écrire, ni compter », ce qui, comme le souligne Cécile Barbière, montre bien que « l’absence d’objectif en matière de qualité de l’enseignement a certains effets pervers ». La qualité de l’éducation devrait certainement figurer au rang des priorités de l’agenda post-2015, l’éducation ne devant plus être perçue comme simple synonyme de scolarisation, mais envisagée comme un outil, véritable levier de développement d’un pays et facteur d’émergence de tout un continent. Après tout, Nelson Mandela ne disait-il pas que « l’éducation est l’arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde » ?

Pour y parvenir, il serait important, comme le souligne Virginie Bleitrach, de « sortir d’un débat stérile qui opposerait l’éducation comme un droit à l’éducation envisagée dans une approche plus « utilitariste », comme un levier déterminant de croissance et de cohésion sociale. ». Car, il apparait de plus en plus nécessaire d’insister sur des enseignements « fondamentaux » de qualité et « de proximité », le but recherché devant être « non seulement que les enfants aillent à l’école mais aussi et surtout qu’ils y restent et acquièrent les connaissances de base qui leur permettront de poursuivre leur chemin vers l’âge adulte ». Ne pas donc se limiter à la seule construction de salles de classes mais intégrer d'autres paramètres, tous aussi importants, pour parvenir à une éducation de qualité.

Des moyens d’y parvenir

Dans le résumé exécutif de son document de réflexion et d’orientation publié à l’issue de sa 54e session (tenue à Dakar en 2010), la Conférence des Ministres ayant le Français en partage (CONFEMEN), énonce un certains nombre d’aspects dont il est important de tenir compte dans la mise en œuvre de programmes éducatifs de qualité.

Ainsi, la construction de salles de classe devrait être suivie d’une adaptation des programmes scolaires aux besoins du pays concerné en matière de développement (par exemple) ; appuyée par du matériel didactique de qualité et accessible au grand nombre (les livres et autres manuels scolaires demeurant encore un luxe pour nombre d’élèves aujourd'hui, tout comme le recours aux TICE, carrément inenvisageable dans la plupart des contextes, etc.) ; et peut-être également renforcée par les langues nationales, comme c’est le cas dans certains pays d’Asie du sud. De même, la formation des enseignants devrait être améliorée car, de la qualité de celle-ci dépend aussi largement la qualité de l’encadrement pédagogique des élèves et donc, de l'éducation.

Conscients de cela, organisations internationales, acteurs de la société civile et entreprises privées s'activent dans la mise en oeuvre de projets visant à améliorer la qualité de la formation des enseignants. C'est le cas notamment de l'IFADEM (Initiative francophone de formation à distance des maîtres) lancée en 2007 par l'Agence Universitaire de la Francophonie en partenariat avec l'Organisation Internationale de la Francophonie qui, en vue d'assurer une éducation de base de qualité à tous les enfants, vise à améliorer les compétences des instituteurs en poste, en pédagogie et dans l’enseignement de disciplines linguistiques et non linguistiques. Présente dans cinq pays africains en plus d'Haïti et du Liban, elle s'attèle à améliorer les méthodes d’enseignement à la faveur de pratiques innovantes, de l’usage de nouveaux outils didactiques (tels que TICE notamment) et le recours aux nouvelles méthodes pédagogiques (ndlr) et à renforcer la professionnalisation des formateurs locaux (instituteurs et autres ndlr) entre autres. Et les résultats commencent à se faire ressentir sur le terrain.

Dans un tout autre registre, l'on note une volonté d'implication, de plus en plus affichée, des entreprises privées, comme en témoigne ce partenariat récemment signé entre le géant de l'informatique Intel et l’Association pour le Développement de l’Education en Afrique (ADEA) visant à améliorer la qualité de l’éducation à travers la vulgarisation de l’usage des TICE notamment.

Comme mentionné dans l’objectif 6 du projet de l’Education Pour Tous (EPT) : « Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l’éducation dans un souci d’excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d’apprentissage reconnus et quantifiables - notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture et le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante ». Et pas seulement.

 

Références :

1. Portail de l'action du système des Nations Unies sur les objectifs du Millénaire pour le développement, OBJECTIF 2 : Assurer l’éducation primaire pour tous. Consulté le 13 janvier 2014. Lien : www.un.org/fr/millenniumgoals/education.shtml

2. Barbière, Cécile in L’accès à l’éducation dans le monde progresse plus vite que la qualité, EurActiv, publié le 19 novembre 2013. Lien : http://www.euractiv.fr/development-policy/acces-education-ameliore-plus-qu-news-531784

3. Guinguinbali, in L’Afrique améliore ses taux de scolarisation, GuinGuinBali, le 04 mai 2011. Lien : http://www.guinguinbali.com/index.php?lang=fr&mod=news&task=view_news&cat=2&id=1900

4. Huit fois Oui,  Campagne du Ministère français des affaires étrangères et européennes et de l’Agence français de développement sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), consulté le 13 janvier 2014. Lien : http://www.huitfoisoui.fr/objectif/2-oui-a-leducation-primaire-pour-tous/

5. Bleitrach, Virginie in Sur le chemin de l’école, et après… Ideas4development, publié le 25 octobre 2013. Lien : http://ideas4development.org/sur-chemin-ecole-apres/

6. La qualité de l’éducation, un enjeu pour tous : constats et perspectives, Rapport d’activité 2011/ Document de réflexion et d’orientation publié en 2010, à l’issue de la 50e session de la Conférence des Ministres ayant le Français en partage (CONFEMEN). Lien (pdf) : www.confemen.org/wp-content/uploads/.../Rapport_confemen_2011.pdf

7. Renforcement de l’éducation dans les langues autochtones, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), consulté le 13 janvier 2014. Lien : http://www.undp.org/content/undp/fr/home/ourwork/capacitybuilding/successstories/Bangladesh-indigenous-languages-education/

8. Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM). Lienhttp://www.ifadem.org/fr/presentation

9. Intel et lADEA signent un mémorandum pour l’accès à une éducation de qualité en Afrique, Tunisie Haut Débit (THD), le 12 décembre 2013. Lien : http://www.thd.tn/index.php?option=com_content&view=article&id=3740:intel-et-ladea-signent-un-memorandum-pour-l-acces-a-une-education-de-qualite-en-afrique&catid=63:enbref&Itemid=316

10. UNESCO, l’objectif 6 de l’EPT, consulté le 14 janvier 2014. Lien : http://www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-the-international-agenda/education-for-all/advocacy/global-action-week/gaw-2013/goal-6/

photo : Jonatan Freund via photopin cc


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