Qu'est-ce qu'un livre ? À question simple, réponse complexe.
Le livre, un objet
Un enfant qui n'aurait jamais lu que sur une liseuse ou une tablette pourrait poser la question à un adulte. De cette situation, Lane Smith a fait un album, publié en français par les Editions Gallimard Jeunesse qui proposent sur Daily Motion un teaser attendrissant :
Qu'est-ce qu'un livre ? C'est aussi un objet diablement pratique. Depuis deux ans, une vidéo déposée sur YouTube par la librairie popularlibros.com, présente cet objet à travers un discours truffé des termes employés pour parler des TIC :
Le livre, une oeuvre
Qu'est-ce qu'un livre ? C'est aussi une oeuvre. Voilà la profonde originalité du livre : c'est à la fois un objet matériel, reproductible, modifiable, déclinable et partageable, et une oeuvre immatérielle, incessible et permanente.
Roger Chartier, historien spécialiste de l'histoire du livre, de l'édition et de la lecture, est également professeur au Collège de France depuis 2007. Pendant l'année académique 2009-2010, il a dispensé un cours intitulé "Qu'est-ce qu'un livre ?", en référence à la question posée par le philosophe E. Kant dans "Les principes métaphysiques de la doctrine du droit". Kant posait la question dans le cadre du débat naissant sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle en Europe au XVIIIe siècle.
Le cours de Roger Chartier aborde donc les différentes réponses à cette question cruciale et présente des études de cas illustrant à la fois la permanence de l'oeuvre et la malléabilité des textes entre le XVe et le XVIIIe siècle.
Les préoccupations de Roger Charier ne s'arrêtent néanmoins pas à l'époque dite moderne. Elles s'appliquent également à l'époque contemporaine et, bien sûr, à la révolution numérique. Cet intérêt apparaît notamment dans une conférence elle aussi réalisée pour le Collège de France : "Qu'est-ce qu'un livre ? Grandeurs et misères de la numérisation". Cette conférence a été reprise dans un ouvrage collectif que l'on peut lire en ligne.
Le "bonheur extravagant" de la bibliothèque totale : une utopie
Chartier évoque d'abord la grande utopie du web vu comme une bibliothèque totale, à l'égale de celle qu'avait imaginée J. L. Borges. Ce "bonheur extravagant", selon l'expression de Borges, né de la promesse de l'accès de tous à toute la culture du monde, est bien sûr une utopie, véhiculée par des gourous au discours prophétique qui empêchent finalement toute réflexion approfondie sur la nature et les effets de la révolution numérique.
Chartier explique minutieusement en quoi le web n'est pas une bibliothèque. La mission de la bibliothèque est en effet de "protéger, cataloguer et rendre accessible (...) les textes dans les formes successives ou concurrentes qui furent celles où les ont lus les lecteurs du passé". La numérisation des textes ne peut se faire au détriment des formes antérieures, car elle créerait alors de l'amnésie, tant il est vrai que l'oeuvre et son support forment un objet singulier, jusqu'il y a peu symbolisé par le livre.
Ce changement de support induit de nouvelles manières de lire les oeuvres. Chartier insiste beaucoup sur la fragmentation à l'oeuvre sur la toile : "les nouvelles manières de lire, discontinues et segmentées, mettent à mal les catégories qui régissaient le raport aux textes et aux oeuvres, pensées et appropriées dans leur singularité et leur cohérence". Toutes les oeuvres se présentent de la même manière, et en morceaux.
Cette uniformisation des textes dans leur aspect et leur accès, rend possible leur inté-gration dans une base de données unique, où les textes ne sont rien de plus que des conteneurs d'informations. C'est ici que le projet Google Books prend tout son sens : dans la perte d'une valeur jusqu'ici matériellement associée aux textes, dans leur neutralisation autorisant la stricte équivalence des données qu'ils contiennent.
Le web, forêt textuelle
Roger Chartier s'intéresse aussi aux formes d'écriture vivante sur la toile. Le texte y est "plié", comme le dit si bien Antonio Rodriguez de la Heras; au lecteur donc de le déplier via les liens hypertextes. Par aileurs, comme le souligne Chartier dans une autre intervention, les pages de blogs, qui mêlent sur une même page texte original et commentaires, "efface(nt) le cloisonnement entre écrire et lire, favorise(nt) une écriture collective qui fait perdre à l'écrivain solitaire sa souveraine autorité. Ce nouveau mode de publication donne à lire des oeuvres dans leur mouvement, non dans leur fixité". On pourrait ajouter que ce mode de publication fait aussi apparaître le flux d'interactions dans lequel s'élabore une oeuvre, aujourd'hui comme autrefois.
Le web est donc une "forêt textuelle", pour reprendre la jolie métaphore de Roger Chartier, bien plus qu'une bibliothèque. Les textes n'y sont ni des livres ni des oeuvres stables, mais à la fois des pages-écrans incitant à les considérer comme des conteneurs à informations, et des textes dynamiques nourris de la multitude. Chartier se pose en historien qui nous aide à distinguer ce que l'histoire nous montre des évolutions du livre, de la lecture et de ses suports au fil du temps, et s'en remet à d'autres auteurs, tels François Bon et Milad Doueihi, pour décrypter ce qui se passe maintenant et avec notre concours en ces domaines.
OpenEdition Books. "Collège de France - Qu’est-ce qu’un livre ? Grandeurs et misères de la numérisation." Consulté le 11 juin 2013. http://books.openedition.org/cdf/1579.
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