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Publié le 10 juin 2013 Mis à jour le 10 juin 2013

Le livre numérique en France, un produit élitiste

Le livre numérique ne connaît pas en France le même succès qu'aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Que lui manque t-il donc ?

En février 2013, deux études concernant les utilisateurs de livres numériques en France sont sorties. La première, réalisée par le Medialab de Sciences Po et Le Motif (observatoire du livre et de l'écrit), s'intitule Pratiques de lecture et d'achat de livres numériques. La seconde est la troisième vague du Baromètre des usages du livre numérique; elle a été réalisée par Opinionway pour le compte de la SOFIA (Société Française des Intérêts des Auteurs de l'Ecrit), du Syndicat national de l'édition et de la Société des gens de lettres. 

La première étude a une visée plus prospective que la seconde : elle ambitionne d'éclairer les libraires sur les stratégies à adopter pour proposer une offre de livres numériques rencontrant les intérêts des lecteurs; la seconde est à considérer comme une photographie des usages du livre numérique à un temps T, comparable à la même photographie réalisée 6 mois auparavant (deux vagues d'enquête par an).

Les deux études rapportent des informations similaires, et c'est heureux :

- Chez les lecteurs de livres numériques, on trouve une majorité d'hommes, plutôt diplômés, grands lecteurs (6 ouvrages par mois et plus, dit l'enquête Medialab / Le Motif) et grands amateurs d'équipements numériques. Selon le baromètre, ils ne représentent à l'heure actuelle que 15 % de la population adulte française. Il s'agit donc encore d'une population d'"adopteurs précoces" qui dispose de caractéristiques propres, notamment en matière de goût prononcé pour les technologies. 

- Les lecteurs de livres numériques font leur marché en majorité sur les grosses plateformes spécialisées, du type Amazon, Google Books, etc. Mais ils utilisent aussi les plateformes des libraires indépendants, celles des grandes enseignes culturelles, et une foule d'autres espaces de mise à disposition. On ne peut donc pas affirmer qu'en France, les mastodontes de la vente de livres en ligne règnent sans partage. 

- Les ouvrages littéraires (romans) sont les plus prisés des lecteurs numériques. Suivent ensuite les essais, les beaux livres et livres pratiques, les bandes dessinées... Globalement, la répartition par genres des livres numériques correspond à celle qui apparaît dans les habitudes d'achat des livres papiers. Ce qui vient confirmer une autre conclusion concordante des deux études : l'arrivée des livres numériques n'a pas modifié les habitudes de lecture de leurs adeptes. 

- Une majorité de lecteurs trouve les livres numériques trop chers. C'est d'ailleurs principalement pour cette raison qu'une minorité significative (14 % selon le baromètre, 28 % selon l'étude Medialab / Le Motif) fait appel à l'offre illégale au regard de la législation sur le droit d'auteur. La présence de DRM sur les oeuvres est également un important grief des lecteurs. Mais les auteurs du baromètre soulignent que le niveau de téléchargement illégal de livres numériques estbeaucoup moins élevé que celui qui touche la musique, les films ou les logiciels.

- L'étude Medialab / Le Motif s'est intéressée de très près à l'ergonomie des plateformes de vente de livres numériques en ligne et sur les éléments qui influencent le choix des livres par les consommateurs. Les recommandations par les grands médias traditionnels arrivent en tête, suivies des recommandations émises sur les réseaux sociaux, et enfin de celles qui sont émises par les libraires sur les sites. 

- Dans le baromètre, on apprendra enfin que moins de 50 % des lecteurs de livres numériques pensent que leur pratique va encore augmenter, et que près de 60 % d'entre eux estiment que leur pratique de la lecture de livres papier va rester stable. 

Clairement, on constate que le marché du livre numérique en France n'est pas mature. Le basculement vers le grand public n'a pas encore eu lieu. Faut-il croire les Français particulièrement attachés au livre papier ? Ou qu'il manque quelque chose au livre numérique pour devenir enthousiasmant ? À ce sujet, l'étude du Medialab / le Motif nous dit : " La nature juridique du livre numérique impliquant, en tant que bien immatériel, qu'un achat en autorise une licence d'accès et non une propriété au sens traditionnel, sa valeur s'en trouve fragilisée". En d'autres termes, quand vous achetez un bouquin en papier, il est à vous et vous en faites ce que vous voulez, vous pouvez le prêter, le partager, l'offrir, le laisser sur un banc en attendant que d'autres viennent s'en emparer, etc. Quand vous achetez un livre numérique, sensiblement au même prix que le livre papier, vous n'achetez qu'un droit d'usage, et pour vous tout seul, ou à la rigueur un cercle très restreint d'amis. Pour se faire aimer des Français, il faudra que le livre numérique se fasse plus partageable, et moins cher.

RÉFÉRENCES :

Le Motif. "Qui achète des livres numériques ?" - Actualités. 8 mars 2013. http://www.lemotif.fr/fr/actualites/bdd/article/2084. (rapport complet et synthèse téléchargeables depuis cette page).

Opinionway. "Baromètre des usages du livre numérique." La Sofia, action culturelle. Février 2013. http://www.la-sofiaactionculturelle.org/EVOLEDIT-images/162.pdf.

Illustration : Adam Radosavljevic, Shutterstock.com


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