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Publié le 12 mai 2013 Mis à jour le 12 mai 2013

Pas de diplôme mais beaucoup de compétences, le pari de l'école 42

En France va bientôt s'ouvrir une école de programmation informatique qui ne requiert pas de diplôme à l'entrée et n'en remet aucun à la sortie. Est-ce le début d'un renouveau pédagogique ?

En général, dans le domaine de l'éducation, les innovations améliorent l'offre pédagogique en place. Mais il arrive qu'elles bouleversent carrément l'ordre établi. C'est un peu ce qui se passe avec 42, l'école de Xavier Niel et Nicolas Sadirac qui ouvrira ses portes en novembre 2013. Un établissement qui ne demande aucun diplôme pour entrer et qui n'en offre aucun à sa sortie.

Un établissement pédagogique non identifié

Pourquoi "42"? Parce que ce chiffre est, pour les geeks, celui qui répond à la grande question sur la vie, l'univers et le reste. C'est du moins ce que nous enseignait Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams. Plus sérieusement, pourquoi une école de programmation sans conditions académiques à l'entrée ? Parce que Niel ne croit pas du tout que les diplômes disent quoi que ce soit sur ceux qui les possèdent. La France a un besoin urgent de travailleurs dans le domaine numérique et il est temps, d'après lui, de recruter les futurs programmeurs à partir de leurs compétences et leurs qualités humaines. Ainsi, les futurs étudiants de 42 ne seront sélectionnés que selon les résultats qu'ils obtiendront lors des divers tests d'admission et de jeux faisant appel à la logique.

Nicolas Sadirac a une analyse encore plus critique du système éducatif actuel : "j’ai acquis la conviction qu’on devait complètement révolutionner le système éducatif. Je pense que ce dernier aujourd’hui s’est complètement tourné vers lui-même. Il ne répond plus du tout à la problématique des étudiants mais répond à sa propre problématique", lit-on sur le site de 42.  

Sadirac a notamment créé Epitech (11 établissements en France), une école supérieure d'informatique qui tranche dans le paysage plutôt classique de l'enseignement informatique : pas de cours mais du travail sur projets, pas d'enseignants directifs mais des tuteurs et référents qui accompagnent l'étudiant dans le développement de ses compétences d'auto-formation. 

Puisque 42 ne pose pas de barrière à l'entrée de son école par le diplôme, elle sélectionnera sur ses propres critères  1 000 étudiants parmi les 3 ou 4 000 candidats espérés. La sélection s'effectuera à l'issue d'un mois de travail acharné dans un programme appelé "La Piscine". La formation durera ensuite 3 ans. Comment se passera t-elle ? C'est l'apprentissage par les pairs qui prédomine entre les murs de 42. Ce qui veut dire pas de cours magistraux et, conséquemment, pas d'enseignants non plus. Les apprenants trouveront leurs réponses avec Internet et par l'expérimentation. Néanmoins, ils ne seront pas tout à fait seuls dans leur formation. Une équipe pédagogique et technique sera là pour les soutenir. Et les évaluations? Les étudiants s'évalueront entre eux et se feront des recommandations. À la fin du processus, aucun diplôme ne sera remis.

Pourquoi adopter cette philosophie? Pour créer des cohortes de programmeurs créatifs et qui ne sont pas, selon les dires de Xavier Niel, de simples machines à coder sans personnalité.

Un pavé dans la mare

Toutes ces caractéristiques ont de quoi faire frémir dans un pays comme la France où la culture du diplôme est fortement ancrée. D'ailleurs, des quotidiens, par exemple Le Monde, sourcillent devant cette initiative qui bouleverse les habitudes hexagonales. D'accord pour une éducation gratuite et qui ne demande pas de prérequis. Mais la question se pose : que feront ces étudiants à la sortie de l'école sans aucun titre reconnaissant leurs aptitudes, limitant ainsi leurs chances de poursuivre une formation en Europe et ailleurs dans le monde ou d'être embauché?

Pas de problème, disent les créateurs de 42 : des accords ont d'ores et déjà été passés avec des entreprises qui se sont engagées à embaucher les membres de la première cohorte de l'école. Pour le créateur de l'établissement, la formation chez 42 permettra aussi à nombre d'entre eux de lancer leur propre entreprise informatique. 

Des gens s'interrogent aussi sur les méthodes de sélection. Par exemple, s'il est clair que 42 s'adresse aux « geeks », était-il nécessaire de poser des questions sur la saga Star Wars dans un des questionnaires? Et certains, s'ils saluent l'idée, trouvent que pour un établissement « supposément tourné vers l'avenir », l'objet de la formation est plutôt banal et dépassé. Est-ce qu'apprendre à coder sur un Mac représente l'avenir ? Particulièrement aujourd'hui où la programmation est devenue beaucoup plus facile qu'il y a 15 ans. N'aurait-il pas été plus pertinent de proposer une école qui s'intéresse aux concepts mathématiques et aux algorithmes des logiciels et d'Internet, pour que ces jeunes gens fassent évoluer l'informatique de manière plus décisive ?

Enfin, il est un élément capital de l'initiative qui donne des sueurs froides à de nombreux directeurs d'écoles supérieures en informatique : la gratuité des études. Voilà donc une école privée qui ne demande pas un sou à ses étudiants et à leurs familles, alors que leurs homologues font payer entre 5 000 et 7 500 euros par année d'études. La fortune de Xavier Niel n'est pas pour rien dans cette gratuité. Niel est prêt à engager 70 millions d'euros dans l'aventure, selon l'article du Monde cité plus haut.

Bref, l'initiative de Xavier Niel et de ses compères ne laisse personne indifférent. Certains se réjouissent de voir enfin des gens passer du dire au faire, plutôt que de continuer à gémir sur le délabrement du système éducatif français sans faire grand chose pour que ça change.  D'autres critiquent la façon de faire, le pouvoir du mécène et la volonté affichée d'articuler la formation aux seuls besoins actuels des entreprises. Une chose est sûre, l'homme qui a créé Free vient de lancer un pavé dans la mare de la pédagogie française en remettant en question l'obsession du diplôme, tout comme il avait auparavant bouleversé l'économie de la téléphonie et de l'accès à Internet.

Le site de l'école 42 : http://www.42.fr/

L'Atelier de l'Emploi. "42, l'école des geeks sans diplôme : de la science-fiction ?" ManpowerGroup. Dernière mise à jour: 29 mars 2013. http://www.manpowergroup.fr/semaine-de-lemploi-24-42-lecole-sans-diplome-de-la-science-fiction/.

Leloup, Damien. ""42", l'étrange école d'informatique de Xavier Niel." Le Monde.fr. 27 mars 2013. http://www.lemonde.fr/education/article/2013/03/26/42-l-etrange-ecole-d-informatique-de-xavier-niel_3148142_1473685.html.

Arène, Véronique. "Des réactions contrastées sur l'école informatique 42." Le Monde Informatique. 27 mars 2013. http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-des-reactions-contrastees-sur-l-ecole-informatique-42-53010.html

Curdy, Benoît. "42.fr a une guerre de retard." NipTech Podcast. 28 mars 2013. http://www.niptech.com/podcast/2013/03/42-fr-a-une-guerre-de-retard-2/.

Source image: Site officiel de l'école 42


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