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Publié le 14 avril 2013 Mis à jour le 14 avril 2013

Jeux vidéo et bibliothèques : un mariage de cœur et de raison

Les jeux vidéo en bibliothèque, est-ce souhaitable? Les expériences des dernières années montrent que oui.

Pourra t-on bientôt emprunter et consulter des jeux vidéos dans toutes les bibliothèques publiques ? Ce n'est pas Thierry Robert, bibliothécaire à la direction associée des Bibliothèques publiques de Montréal, qui s'offusquera de cette proposition. Celui qui aime être appelé un « ludothécaire » travaille sur des projets mêlant jeux vidéo et bibliothèques depuis quelques années.

Dans un article rédigé en 2012 sur son blogue Ludicité, il présente le lien qui doit se nouer entre jeux vidéo et bibliothèque : les jeux vidéo étant des produits culturels, les bibliothèques ont le devoir de les préserver et de permettre au public d'y avoir accès. En fait, il estime même que la bibliothèque doit devenir un « lieu de jeu ».

Un espace ludique pour attirer un nouveau public


La bibliothèque, espace ludique ? Pour Thierry Robert, c'est une évidence. En fait, elle l'aurait toujours été. N'oublions pas que lire est et doit rester avant tout un plaisir. On n'imagine pas une bibliothèque sans bandes dessinées ni ouvrages pour la jeunesse, par exemple. Ces catégories d'ouvrages représentent même les segments les plus dynamiques de l'édition en Europe. La famille des produits ludiques s'est bien élargie et nombre de jeux ont leur place en bibliothèque. Dans une conférence donnée en 2011, illustrée par cette présentation Prezi, Thierry Robert mentionne les soirées gaming dans les bibliothèques de Montréal-Nord. En effet, chaque semaine, les établissements ouvrent leurs portes toutes grandes en soirée afin que s'y déroulent des tournois de jeux vidéo. Scandale, crieront les intégristes de la lecture travail ! Et pourtant, voyez les résultats : 35 % des jeunes habitant ce quartier, un des plus pauvres de Montréal, sont désormais inscrits à ces activités et se rendent donc régulièrement dans les bibliothèques. Pour y jouer, bien sûr, mais aussi pour accéder aux livres...

Et voilà où même les esprits plus conservateurs pourraient y voir un bénéfice. Comme l'explique Thierry Robert dans ce diaporama, proposer des jeux vidéo en bibliothèque est une stratégie efficace pour attirer cette jeune clientèle dans les établissement afin qu'ils se les approprient :

 

Ailleurs aussi, le jeu vidéo s'installe


En France, en 2009, la bibliothèque de Saint-Raphaël décide de proposer des sessions du MMORPG Dofus en ses murs. Plus d'une centaine d'enfants de 8 à 15 ans y ont participé, puis ont décidé de s'abonner et de fréquenter régulièrement l'établissement. Or, avant la mise en place de ces séances de jeu en ligne, 93 % d'entre eux n'y avaient jamais mis les pieds!

Le jeu prend d'ailleurs des formes variées dans les bibliothèques. Par exemple, en 2011, la très célèbre Jane McGonigal a transformé la bibliothèque publique de New York en véritable espace de jeu. Hors des heures d'ouverture, 500 jeunes ont pu se promener partout dans la bibliothèque pour réussir les quêtes qui leur avaient été attribuées. Ils devaient, entre autres, trouver des codes QR cachés dans l'établissement. À la fin de l'expérience, ils ont composé des fictions à partir de leurs trouvailles. Celles-ci se retrouvent sur le site officiel du jeu.

Plus récemment, à l'hiver 2013, avait lieu à Montréal le premier festival « Montréal joue ». Pendant une quinzaine de jours, des centaines d'activités liées aux jeux ont été proposées aux jeunes et moins jeunes. Une façon extraordinaire pour le grand public de redécouvrir la bibliothèque du quartier et de participer à une féroce compétition entre les bibliothèques. En effet, chaque participation à une activité du festival récompensait à la fois l'établissement et l'usager qui pouvait gagner des prix.

Une association logique et pleine de promesses


Cette entrée du jeu vidéo dans les bibliothèques n'est pas vraiment surprenante, dans la mesure où les types de narration utilisés dans certains jeux sont très proches de celles qui sont à l'oeuvre dans les filsm, les romans, les séries télévisées... Tous genres qui ont droit de cité dans nos médiathèques. ce rapprochement est devenu encore plus visible depuis la création de Defiance, qui est à la fois une série télévisée de science-fiction et un jeu vidéo multijoueur dans lequel les actions des joueurs auront un certain impact sur l'écriture et la suite des événements à la télé.

D'ailleurs, si les jeux vidéo s'inspirent parfois de grands classiques de la littérature comme la Divine Comédie de Dante Alighieri, la littérature va maintenant puiser dans les licences vidéoludiques les plus connues. Halo, Gears of War, Tomb Raider, Dofus, Resident Evil, Assassin's Creed et bien d'autres : tous ces titres qui enthousiasment les joueurs ont donné lieu à des adaptations en romans, bandes dessinées et mangas qui sont déjà dans les bibliothèques!

Si vous êtes un lecteur régulier de Thot Cursus, vous savez que la grande famille des jeux vidéo comprend maintenant une famille qui grandit rapidement : les jeux sérieux. Ces nombreux titres à vocation pédagogique auraient aussi leur place sur les postes informatiques des bibliothèques. D'ailleurs, la prochaine étape ne serait-elle pas que les bibliothèques créent leurs propres jeux sérieux?

Certains l'ont déjà fait... comme Thierry Robert. Sur son temps libre, il a développé un jeu, Escouade B, pour apprendre aux jeunes de 9 à 12 ans à analyser l'information qu'ils rencontrent sur le Web. Le jeu a été conçu par une équipe réduite : un programmeur-concepteur (lui-même), 4 bibliothécaires responsables du contenu, un musicien et un artiste pour concevoir la patte graphique. Mais, comme il l'explique dans cette conférence, concevoir un tel jeu s'est avéré plus complexe que prévu. Le projet qui devait prendre 6 mois a nécessité 2 ans avant d'être mis en ligne. Et, de surcroît, sans aucune aide financière gouvernementale. Car voilà le paradoxe : bien que Montréal soit une des capitales mondiales de la création de jeux vidéo, le Québec est encore frileux à investir dans les jeux sérieux, au contraire de la France.

Les bibliothèques ne doivent donc pas avoir peur du jeu vidéo. C'est une évolution naturelle qui donne un nouveau souffle à tous les établissements qui ont adopté ce média. D'ailleurs, les institutions qui voudraient en connaître plus sur les jeux vidéo et la gamification en bibliothèque peuvent consulter Ludicité, le blogue de Thierry Robert, qui comprend de nombreux articles sur le sujet. Les activités de ce site se sont terminées le 31 mars 2013, mais heureusement le bibliothécaire aborde des sujets similaires sur le nouveau blogue « L'Arène » des bibliothèques publiques de Montréal.

Crédit photo: Canton Public Library (MI) via photopin cc


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