Comme tous les réseaux sociaux généralistes et comme l'affirmaient des experts il y a déjà 4 ans, Twitter est constitué à la fois de groupes de personnes qui se connaissent dans la vraie vie, et de communautés dont les membres partagent des affinités sociales, culturelles, politiques, religieuses... sans s'être jamais rencontrés.
Une analyse sémantique de Twitter, récemment réalisée au Royaume-Uni, a montré que chacune de ces communautés avait son propre langage, son propre dialecte. On peut donc avancer que l'on parle une foule de langues sur Twitter, non seulement en fonction de sa langue maternelle ou de travail, mais aussi en fonction des gens que l'on fréquente.
Les différents langages sur Twitter
Les tweetos (usagers de Twitter) possèdent un socle linguistique commun, propre au site de microblogging. Par exemple, les messages de 140 caractères comprennent souvent des mots-dièses (mots-clés, hashtags en anglais) qui signalent les thèmes abordés dans les discussions publiques. Pour interpeller directement un usager, il faut utiliser l'arobas (@) accompagné du pseudonyme de son interlocuteur. Pour un message direct et non public, le tweet doit commencer par les initiales DM. Et il est de bon ton de retweeter les microbillets des autres en apposant les lettres RT en début de message.
Mais il y a d'autres phraséologies qui se développent dans les communautés sur Twitter. Une étude sémantique, débutée en 2009 et publiée en février 2013 sur Internet, a utilisé différents algorithmes pour analyser le vocabulaire employé par les différents groupes sur Twitter. Une étude complexe qui a permis aux chercheurs de reprérer les groupes d'affinités d'utilisateurs anglophones d'après la construction linguistique de leurs tweets. En effet, les termes et les particularités orthographiques permettent de deviner le groupe d'appartenance du rédacteur dans 72 % des cas.
Le professeur Vincent Jansen a remarqué que les membres d'une même communauté font souvent les mêmes fautes d'orthographe. Il ne s'agit d'ailleurs pas de fautes à proprement parler, mais de déformations volontaires qui permettent aux membres de s'identifier. Par exemple, le chercheur a observé que les Afro-américains terminent les mots finissant en « ing » par des « in », « a » ou « er ». On écrit donc poppin' pour popping, chillin' pour chilling, etc. Autre exemple, les admirateurs du chanteur populaire Justin Bieber ont une curieuse tendance à ajouter deux « e » à la fin de leurs tweets (ex. : « Pleasee »). Une façon d'exprimer l'excitation que provoque ce jeune homme ?
Les membres des communautés forment des néologismes pour exprimer leurs sentiments négatifs ou positifs. Ainsi, pour signifier leur amour de la faune, les défenseurs des droits des animaux ont créé des termes tels que « furever » ou « pawsome » (jeu de mot avec forever ou awesome). De leur côté, la communauté des Américains de droite écriront souvent « dems » (diminutif péjoratif de démocrates) ou mentionnerons continuellement Pelosi (Nancy Pelosi), la présidente de la Chambre des représentants jusqu'en janvier 2011, personnalité démocrate exécrée par ce groupe.
Cette étude montre donc qu'il est difficile de cacher ses affinités sur Twitter. Ou plutôt, que les twittos aiment afficher leurs opinions et signes d'appartenance. Sans même analyser les hashtags, les chercheurs et usagers peuvent déceler nos intérêts par le langage utilisé, les abbréviations, les néologismes et le ton de nos gazouillis. Cette étude britannique intéressera autant les utioisateurs actuels de Twitter que ceux qui envisagent d'y succomber. Ils doivent en effet acquérir le vocabulaire de base de Twitter d'une part, de leur communauté d'autre part. La manière la plus simple de maîtriser ces codes linguistiques est encore de les essayer; comme n'importe quelle langue, une langue que l'on ne pratique pas est une langue morte, au moins pour soi.
« Twitter users forming tribes with own language, tweet analysis shows », Datablog, The Guardian, 15 mars 2013
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