La vitesse est un élément important dans la sphère médiatique. Les médias sont à la recherche du scoop qui augmentera substantiellement leurs ventes. À l'ère du 2.0, la vitesse de transmission de l'information s'est encore accélérée, jusqu'au temps réel : à peine un événement et-il arrivé qu'il est déjà connu de la terre entière. Par exemple, on se souvient du rôle crucial des réseaux sociaux dans la diffusion de nouvelles au cours du Printemps arabe. Mais on le sait, ces informations ne sont pas toujours fiables car pour aller vite, elles ne sont pas vérifiées.
Avec Twitter, le journalisme est-il en train de se transformer en course de sprint ? Risque-t-on beaucoup à vouloir à tout prix partager le dernier gazouilli croustillant?
Courir, mais pas sprinter
En novembre 2012, Julien Pain, responsable du site et de l'émission Les Observateurs sur France 24, faisait le constat suivant sur le blogue W.I.P (Work in Progress) de Slate : il est temps pour les journalistes de ralentir le rythme.
En premier lieu, l'auteur s'élève contre l'opinion qiu veut transformer le journaliste en technicien multimédia : si les canaux permettant d'accéder à l'information se sont multipliés et doivent beaucoup au numérique (applications pour tablettes et smartphones, alertes SMS, sites Internet...), le rôle du journaliste n'est pas d'alimenter en continu ces différents supports en textes et images aux formats adéquats. Son travail est de transmettre la nouvelle la plus exacte et la plus complète possible, s'assurer qu'elle soit comprise par un lecteur ou un auditeur qui n'a jamais entendu parler du sujet.
Bien sûr, il ne s'agit pas de dire que les journalistes doivent travailler comme ils le faisaient dans les années 80 ou 90. Le "journalisme citoyen" existe bel et bien, et les journalistes de métier ne peuvent que s'incliner devant réalité. Ils peuvent même remercier ceux qui, dans des pays comme la Syrie où les journalistes ne sont pas les bienvenus, transmettent des images et des textes sur les événements en cours.
Mais le journaliste n'est pas un sprinter, c'est un coureur de fond. Il doit avant tout évaluer la qualité de l'information et diversifier ses sources. L'objectivité contre l'opinion : c'est ce qui distingue findamentalement le journaliste du citoyen anonyme qui transmet des images. Il est rare en effet que les témoignages en vidéos ou en photos soient totalement neutres lors d'un conflit.
Le journaliste doit donc veiller à ne pas se laisser manipuler avant de produire un article ou un reportage. Pour cela, il ne doit pas se fier aux seuls réseaux sociaux. S'il le faisait, il risquerait d'amplifier des rumeurs, des tensions et peut-être même de générer du cynisme chez les lecteurs ou auditeurs. Par exemple, après la crise qui a secoué le parti politique de l'UMP en France à l'automne 2012, certains se sont demandé si les journalistes et les médias sociaux n'avaient pas envenimé la situation tendue entre les camps Copé et Fillon, pour donner plus d'importance à une histoire somme toutes assez peu intéressante.
Des journalistes et des médiateurs
Alors, comment arriver à conjuguer la réactivité et le travail de fond ? La presse a tout autant besoin de scoops que d'analyses.
Une solution est sans doute en train de se mettre en place, avec l'émergence d'un nouveau métier. Le quotidien Le Monde fait parfois des directs sur des événements d'actualité. Or, comme l'explique l'ex-directeur adjoint de ce journal, Jean-Jacques Bozonnet, les personnes qui s'occupent de ces fils « live » ne sont pas considérées comme des journalistes, mais plutôt comme des médiateurs. Leur travai consiste à filtrer les infos et les commentaires, mais contrairement aux journalistes, ils ne vont pas chercher d'autres éléments que ceux qui leur arrivent au travers des réseaux sociaux.
C'est peut-être ça, la réalité 2.0 du traitement de l'information : des médiateurs et des journalistes. Les premiers surveillent les flux, partagent les ressources intéressantes (textes, images, vidéos) et échangent avec les citoyens pour prendre leur avis sur l'actualité. Les seconds iront au-delà pour approfondir le traitement, situer l'information dans son contexte et en montrer les différentes facettes.
Ces deux aspects sont donc très importants pour l'information, mais il faudra – comme nous le disions déjà il y a quelques années – s'assurer que le public, autant adulte que jeune, puissent distinguer la médiation du journalisme. Car s'informer en temps réel de ce qui se passe, c'est bien. Comprendre les événements et leurs liens avec ce qui se déroule dans l'ombre, c'est encore mieux.
Illustration : picsfive, Shutterstock.com
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