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Publié le 21 octobre 2012 Mis à jour le 21 octobre 2012

Faut-il vraiment protéger nos enfants du Web?

Les enfants sur Internet sont-ils en réel danger? Pas autant que les médias le laissent croire.

Internet est désormais utilisé par des milliards d'individus qui y trouvent des ressources incroyables. Mais curieusement, dès qu'il s'agit de la fréquentation d'Internet par les enfants, cet extraordinaire réservoir de ressources est subitement réduit à sa part la plus sombre. Sous les clavier et la souris des jeunes utilisateurs, voilà qu'Internet tout entier devient, aux yeux des adultes, un repaire de pornographes, d'amateurs de violence extrême et de cyberprédateurs. 

Un article du magazine de Microsoft Regard sur le numérique présente des statistiques qui prouvent que les parents sont « les maillons faibles » de la protection des enfants. 70% d'entre eux laissent ces êtres innocents se promener seuls sur la Toile! Et si 96% d'entre eux connaissent des logiciels de filtrage, seulement 39% en utilisent. Cette faiblesse constatée justifie l'existence de listes impressionnantes de ressources pour protéger les jeunes et aborder le sujet des TIC à la maison. Les enseignants et parents peuvent même piocher dans ce répertoire créé par éducasources.

Il n'est pas question de nier l'existence de zones sombres et de sites choquants pour les jeunes sur la toile. Mais il faut se poser une question délicate : à force d'inssister sur les plus mauvais aspects d'Internet, ne risque t-on pas de pousser les jeunes à aller les découvrir ? Poussons encore un peu plus loin le questionnement : d'où nous vient cette idée que devant un site au contenu inapproprié, violent ou à caractère sexuel, les jeunes sont captivés et s'y attardent ?

Peur injustifiée?

 

Dans l'édition française de Slate, on trouvera un article traduit de l'édition américaine, qui présente les réflexions et travaux de la célèbre chercheure danah boyd (qui tient à ce que son nom soit écrit sans majuscules), employée par Microsoft, qui explore depuis plusieurs années les comportements des jeunes en ligne. Elle dénonce le climat de "panique morale" qui caractérise le comportement des adultes vis-à-vis des pratiques des jeunes sur Internet, les adultes développant une véritable angoisse par rapport à ce que leurs enfants pourraient trouver sur la toile. Mais cette angoisse sécuritaire serait en fait l'expression du désir irrépressible de tout voir et tout contrôler, de maintenir les enfants dans une bulle étanche à toute sollicitation négative de leur environnement. Ce qui est le meilleur moyen de les désarmer quand ils rencontrent vraiment, dans leur vie quotidienne, des faits et des personnes qui vont les choquer.

Entendons-nous bien : danah boyd ne dit pas qu'il faut élever les enfants à la dure, et les exposer volontairement à la laideur du monde. Simplement, elle remarque que la vie réelle recèle bien plus de contenus choquants que la vie en ligne... et que la plupart des enfants ne tourneront pas à la délinquance ou à la perversité à la suite d'une "simple" exposition ponctuelle à des contenus choquants. La plupart d'entre eux savent d'aileurs très bien faire la part des choses et rejettent rapidement ces contenus. danah boyd a par exemple analysé la réaction de nombreux adolescents par rapport à Chatroulette, un site de chat vidéo, et a constaté que la majorité d'entre eux, lorsqu'ils sont confrontés à une personne nue, sont dégoûtés et changent vite de site. Et l'obsession de la protection des jeunes contre les contenus choquants rique de développer un comportement inverse à celui qui était recherché : à force d'interdire, on provoque le désir de voir par soi-même.

Le goût de l'interdit... et de la liberté

 

Pourquoi nos petites têtes blondes cherchent-elles à voir du matériel plus ou moins de bon goût sur Internet ? Pour la chercheuse, tout s'explique par le fait que le réseau virtuel est le dernier endroit d'exploration libre des contraintes de sécurité de notre monde. Aujourd'hui, il faut le dire, nous sécurisons l'environnement des enfants au maximum : ils ne vont plus à l'école seuls, ils sont constamment surveillés autant à l'intérieur qu'à l'extérieur des classes et rares sont les gamins qui peuvent se promener à vélo sans avoir papa ou maman derrière eux. Cette surprotection les conduit alors à vagabonder sur le Net. La chercheure y voit un moyen pour les enfants d'explorer, d'examiner et d'appréhender le monde social. Une attitude qui n'a rien de répréhensible, selon elle.

Évidemment, il ne faudrait pas croire qu'elle veuille absolument que les enfants se retrouvent sur des sites qui ne leur sont pas destinés. Son but est surtout de déculpabiliser les parents angoissés : bien sûr, il est important de surveiller ce que fait sa progéniture sur un ordinateur, mais il l'est encore davantage de l'éduquer à naviguer de façon sûre de manière à pouvoir lui laisser une marge de liberté. Car une des tâches principales du métier d'enfant est d'aller au-delà de ce que veulent, pensent et croient les parents. Toutes les technologies du monde ne peuvent rien contre cela. Et cette aspiration à l'autonomie est une des clés de l'équilibre de l'adulte en devenir. 

Et n'oublions pas enfin que la lutte contre la cybercriminalité et l'exposition aux contenus choquants est aussi un business, qui se développe sur le terreau émotionnel de notre aspiration à ne fournir que le meilleur à nos enfants. 

Tout est donc une affaire de mesure : «Vous ne laissez pas votre fille de 5 ans seule dans la rue en lui disant qu'elle n'a qu'à se débrouillerC'est aussi vrai sur Internet. Mais, de même, vous ne pouvez pas surveiller et contrôler le moindre de ses gestes jusqu'à ses 18 ans en espérant, comme par magie, que son entrée à l’université se passe sans problèmes si elle n'a jamais eu à prendre de décision par elle-même.» dit danah boyd, citée dans l'article de Slate. 

Ne pas tout voir, ne pas tout savoir, ne pas mener la vie de nos enfants à leur place : en apprenant à le faire, les parents aussi apprennent à grandir. 

« Ne surveillez pas ce que vos enfants font sur Internet », Katie Roiphe, traduction de Peggy Sastre, Slate.fr, 22 mai 2012

La page de danah boyd

photo credit: "PictureYouth" via photopin cc


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