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Publié le 13 octobre 2012 Mis à jour le 13 octobre 2012

Réviser la révision par les pairs

L'évaluation des articles de recherche par les pairs est de plus en plus contestée, à l'heure où les plateformes de publication instantanée se développent sur Internet

Après avoir rédigé un article, les chercheurs connaissent cette étape terrible: la révision par les pairs. Car avant que les résultats d'une recherche soient publiés dans une prestigieuse revue, ceux-ci sont analysés par d'autres spécialistes du domaine. Le but est d'éviter de faire paraître des études incomplètes ou peu significatives. Mais ce processus garant de qualité pour les revues hautement spécialisées crée une frustration importante chez les chercheurs et, à l'ère du 2.0, il est l'heure selon certains de réviser la méthode.

Les joies de l'instantanéité

 

Il faut dire que la révision par les pairs est un processus extrêmement long : entre 6 mois et 2 ans peuvent se passer entre la soumission de l'article au comité de lecture et sa publication. Une période de temps pénible et stressante pour les chercheurs qui attendent le verdict afin de pouvoir partager leurs découvertes avec le reste du monde. La méthode semble anachronique à une époque où l'information est mise sur la Toile à pleine vitesse, et où les laboratoitres de recherche se livrent à une guerre acharnée en matière de publication.

Il n'est pas étonnant alors que certains aient eu l'idée de développer des plateformes de publication de travaux universitaires quasi-instantanée sur Internet, ou encore des applications aidant à publier plus rapidement. En voici quelques-unes :

 

Le PDG d'Academia.edu a écrit récemment un article pour Tech Crunch dans lequel il prédit que d'ici peu, le processus de révision par les pairs ne se contentera plus du regard d'une poignée d'experts. En effet, pour Richard Price, la révision par deux pairs (two person peer review) n'a plus de sens en 2012. Elle est longue, elle crée une surcharge de travail pour ceux qui révisent et les jugements sont sans appel.

Aujourd'hui, selon Price, les chercheurs peuvent bénéficier d'un autre type de révision par les pairs. Désormais, il est possible de connaître facilement l'opinion du Web et des pairs de la même discipline avec le référencement de Google ou le nombre de citations sur les réseaux sociaux. Il y a déjà quelques années, ce blogue sur le futur de la publication scientifique soulignait que la parution instantanée permettait aux lecteurs sur Internet d'évaluer une recherche à partir de trois critères : ses justifications, son importance et son originalité. Un tel système d'évaluation donnerait l'occasion aux éditeurs de repérer les articles bien cotés et d'écarter ceux qui sont moins intéressants ou n'offrent pas assez de garanties en matière de méthodologie. 

D'ailleurs, Richard Price réfute l'argument selon lequel seule la révision par les pairs actuelle assure la qualité de la recherche publiée. Pour lui, cette méthode peut être biaisée puisque les réviseurs peuvent décider subjectivement de rejeter un texte sans fournir aucune explication à son auteur. Évidemment, il prêche pour sa paroisse, mais sa réflexion se poursuit dans le milieu même de l'édition scientifique.

Jeter l'eau du bain sans le bébé

 

Cet article du Insider High Ed de janvier 2012 insiste lui aussi sur la frustration de certains chercheurs contre la révision par les pairs. Particulièrement dans le domaine des sciences humaines (humanities) où les délais de la révision par les pairs sont encore plus longs que dans les domaines technologiques et des sciences dures. Ce qui pose un problème évident d'exploitation des résultats de la recherche en sciences humaines et sociales, qui apparaissent malheureusement dans les revues plusieurs années après que les concepts et approches aient été vulgarisés dans les environnements professionnels. 

Si certains, comme Aaron J. Barlow qui est cité dans le texte, désirent voir mourir le dispositif ancien de révision par les pairs, la plupart des spécialistes cherche une solution moins radicale pour modifier les pratiques en vigueur qui favorisent la conformité et peuvent même laisser place à la corruption dans certains cas. Comment changer sans tout jeter ?

Certaines publications ont déjà pris des initiatives en ce sens. Par exemple, la revue Kairos a décidé que son processus de révision s'effectuerait en 3 étapes. La première est une révision sommaire où le comité éditorial statue sur la pertinence de l'article de recherche dans la publication. La deuxième phase est une discussion entre les éditeurs sur le texte pendant 2 à 3 semaines. Ces échanges aboutiront à la rédaction d'une lettre qui sera remise à l'auteur qui saura ce qu'il doit retoucher dans son article. Enfin, dans les 3 mois suivants la réception du courrier, le chercheur pourra travailler de concert avec l'un des éditeurs de la revue pour corriger les problèmes repérés. Sans garantir une publication, ce processus permet au chercheur de ne pas se retrouver devant un non catégorique sans comprendre pourquoi.

D'autres proposent la création d'un site Internet comme celui qui existe pour les chercheurs en Droit, ExpressO. Sur cette plateforme, un auteur envoie son article à toutes les publications à la fois. Dès quel'une d'entre elles manifeste le souhait de publier le texte, le chercheur peut prévenir les autres qu'il est sur le point de se faire publier et qu'ils doivent donc se manifester rapidement sous peine de perdre l'opportunité d'une publication exclusive. Certes, cette stratégie relève de la manipulation, mais cela diminue considérablement le temps de publication des recherches dans les revues, qui cherche toujours à publier les premières les meilleurs travaux.

Pour les éditeurs des publications scientifiques, le message est clair : le mécanisme de révision par les pairs doit évoluer. Car avec toutes les plateformes d'édition en ligne, le modèle ancien de révision pourrait menacer la survie de nombreux journaux et magazines dans les années à venir.


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