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Publié le 02 octobre 2012 Mis à jour le 02 octobre 2012

La version 4.0 des licences Creative Commons, encore plus simple à utiliser

Une licence dédiée à l'Open Education

Cable Green est directeur du projet Global Learning à la fondation Creative Commons. Il participe au projet Européen www.opencourseware.eu et c’est au cours du récent atelier de ce consortium, organisé à Barcelone, qu’il a annoncé la version 4.0 des licences Creative Commons prévue pour décembre prochain et participé à cette entrevue.

Cable Green, vous travaillez pour Creative Commons et êtes engagé à ce titre dans le projet européen autour de l’Open Education. Pouvez vous m’expliquer le lien entre CC et l’Open Education ?

Creative Commons est une organisation à but non lucratif qui joue un rôle spécifique dans la communauté de l'Open Education. Son rôle est de faciliter la diffusion et le partage des oeuvres numériques tout en accompagnant les nouvelles pratiques de création. Notre slogan est :

“Partager, Remixer, Réutiliser — Légalement !”

En tant que responsable du Département Éducation, mon travail consiste à aider les enseignants, les étudiants et les institutions du monde entier à connaître ce que sont les Ressources Éducatives Libres (REL en français, OER en anglais ), comment les utiliser et comment “ouvrir” leurs propres ressources.

Cable, on vous voit un peu partout sur la scène de l'Open Education, quelle est  la raison de votre engagement  ?

C'est vrai qu'au delà de l'engagement lié à mon travail, le sujet me passionne pour d'autres raisons :

L'origine de mon engagement remonte à l'époque de mes études. J'étais un étudiant en PHD et  le sujet de ma recherche était “Comment dans le secteur public on apprend  grâce à la technologie ”. C’était intéressant parce que c’était le tout début d’Internet, autour de 1999. Les gens commençaient à avoir des ordinateurs personnels et ils commençaient à utiliser des navigateurs pour explorer le Web. En voyant cela, j'étais intrigué et je posais sans cesse la question à tout le monde : "Comment cela va t-il affecter l'éducation ?" Personne ne savait. Je ne savait pas non plus mais je savais que c'était quelque chose d'important (rires) et j'ai choisi d'étudier dans le cadre de ma thèse un groupe d’étudiants en pharmacie qui utilisaient ces nouvelles technologies. Ils créaient des cartes conceptuelles et les déposaient sur un serveur; ainsi tous les membres du groupe avaient accès aux cartes des autres autant qu'aux leurs. C'était un premier modèle de partage. Ca marchait bien et j’ai gardé cette passion du partage en moi. A l'époque, nous ne parlions pas encore de licences ni de Creative Commons, évidemment.

L'autre raison est que j’ai des enfants et que je suis donc directement concerné par la qualité des ressources éducatives. Je m'inquiète pour l'éducation de mes enfants. Je m'inquiète parce qu'ils sont à l’école publique et que les écoles publiques en Amérique ont des manuels scolaires  anciens. Les manuels sont très chers et les écoles les conservent pendant dix ans. Compte tenu de ce que je sais à propos des ressources éducatives libres, je n’accepte pas que mes enfants apprennent avec des manuels et des programmes vieux de 10 ans.

D’autres raisons sur un plan que je qualifierai de plus émotionnel ou philosophique ?

Oui bien sûr, c'est important. Je pense évidemment que les êtres humains ont d'abord besoin de voir leurs besoins de base comblés : la sécurité, la nourriture, la santé. Selon moi, ceux (et je me compte parmi ceux-ci) dont ces besoins vitaux sont satisfaits et qui disposent même d’un peu plus de ressources, ont la responsabilité de faire quelque chose de bien dans le monde pour aider les autres.

unesco education first Je crois en particulier que dans le domaine de l’éducation, nous devrions  permettre que tout le monde reçoive une éducation de qualité, en usant de notre influence et des outils qui sont à notre disposition.

Les outils dont nous disposons aujourd'hui ne ressemblent à rien de ce que nous avons vu auparavant dans toute l’histoire de l’humanité : l'internet, les livres numériques, les modules de cours en ligne, les vidéos, les messages audio, les simulations, les laboratoires virtuels...  autant de ressources étonnantes, auxquelles il faut ajouter les licences ouvertes Creative Commons. Quand on met tout cela ensemble, on peut vraiment partager tout avec tout le monde pour un coût marginal proche de zéro. Et chacun de nous a la capacité de le faire, chacun peut le faire avec ces outils simples. Et de plus en plus de personnes à travers le monde ont ces outils. Les licences Creative Commons sont libres. Les technologies sont de plus en plus abordables et présentes dans le monde. Ragardez les téléphones mobiles : leur nombre au niveau mondial est impressionnant. Ces objets offrent d'incroyables possibilités d'accès à la connaissance. 

Nous devons tirer parti de cela, nous pouvons utiliser ces outils pour partager l'éducation et la connaissance. En plus, cela ne coûte presque rien.

Cela coûte un peu de notre temps, mais pas tellement. Cela ne coûte pas vraiment cher en termes d'investissement. Les activités fondamentales ont déjà été réalisées. Nous avons déjà élaboré les manuels et les cours pour nous, pour nos besoins, et maintenant la production s’attache plus à développer de nouveaux manuels et de nouveaux cours ou programmes d'études, des applications de simulation ou des vidéos. Le coût des applications de stockage et de duplication s'est effondré. Nous avons donc des possibilités techniques nouvelles. Sur le plan de l'éthique personnelle, j'estime que nous avons la responsabilité de partager tout ce patrimoine. 

Et je crois aussi que ceux qui choisissent de ne pas partager devront expliquer pourquoi ils agissent ainsi. Pour donner un exemple, si je suis un professeur, que j'utilise Internet, que je connais les solutions qui me permettent de partager mes connaissances pour un coût financier quasiment nul, et si je choisis de ne pas les partager, alors je pense qu'il y a un problème. Cette attitude pose problème parce que le propre d'un enseignant est de  partager ses connaissances. C'est son travail !

J’irai plus loin. Je pense que les institutions publiques qui financent les établissement d'enseignement publics ou privés devraient exiger le partage des ressources créées avec l'argent public. Si vous prenez les financements, vous devez partager ce que vous créez. En d'autres termes, à partir du moment où vous avez compris la responsabilité qui vous incombe lorsque vous bénéficiez de financements publics, vous vous devez de partager les produits de ces financements. 

Travaillez-vous directement avec des responsables éducatifs ?

Oui, bien sûr. J'interviens auprès de décideurs politiques et de directeurs d'établissements éducatifs pour leur expliquer tout l'intérêt qu'il y a à partager. Car l'intérêt du partage n'apparaît pas à première vue. On pense plutôt à protéger ce que l'on crée, en oubliant un peu vite qui nous a donné la possibilité de créer, et au bénéifice de qui.

Lorsque les décideurs ont compris le sens global du propos, s'ils s'opposent toujours au partage, il faut le faire savoir. Il faut mobiliser  la presse pour qu'elle rendre compte de ces pratiques. Le choix de l'égoïsme, en matière d'éducation, n'est pas acceptable et doit être dénoncé. 

Nous devons être amicaux, nous devons faire preuve de diplomatie, mais nous devons être honnêtes vis à vis de tous les citoyens qui paient des impôts. Leur faire savoir que ce qui est produit grâce à leur argent ne leur est pas restitué. Qu'ils n'ont pas accès à ce qu'ils ont financé.

 

Vous venez d'annoncer ici à Barcelone la version 4.0 des licences Creative Commons. La version 3 des licences ne donnait-elle pas satisfaction ?

Les licences CC sont utilisées partout dans le monde. Elles apparaissent désormais comme des standards mondiaux d'attribution de droits pour les ressources éducatives ouvertes. Si elles sont utilisées dans tant de pays, c'est qu'elles s'accordent aux droits nationaux, elles respectent le droit d'auteur. 

Mais des idées fausses existent encore sur les licences CC. Parmi celles-ci, la plus préoccupante est celle qui dit que lorsque vous utilisez une licence CC, vous renoncez à vos droits de propriété, vous perdez votre droit d'auteur. Ce qui est faux. L'apposition d'une licence CC à une oeuvre originale précise les droits que vous attribuez aux utilisateurs, mais ne vous retire jamais, au grand jamais, la propriété de votre oeuvre. 

Si les licences CC sont si souvent utilisées, c'est aussi parce qu'elles répondent aux besoins des utilisateurs. Creative Commons travaille partout dans le monde avec des avocats, des enseignants, des musiciens, des artistes... et nous leur demandons : comment pouvons-nous encore mieux vous aider ? la version en cours depuis plusieurs années est la 3.0. Les communautés d’utilisateurs souhaitaient quelques changements et nous avons créé la version 4.0.

Quelles améliorations apporte cette version ?

Je vais nommer quelques changements mais si vos lecteurs sont intéressées à en apprendre davantage, toutes les discussions, toutes les propositions ont été consignées sur un wiki pour CC 4.0 et l'adresse est la suivante : http://wiki.creativecommons.org/4.0. Creative Commons être une organisation ouverte, ce que nous faisons est ouvert et transparent. (sourire)

Les changements majeurs de la version 4.0 ont pour objectif de rendre plus facile «l’ouverture» des ressources pédagogiques au sens de l’Open Education.

La licence 4.0 simplifie la production et l'utilisation des REL par les enseignants.

Par exemple, aujourd'hui, si vous utilisez le manuel de quelqu'un qui a placé son oeuvre sous licence CC, vous devez renseigner correctement le type de licence utilisé, le nom de l'auteur et le lien web vers la ressource. 

Beaucoup d'utilisateurs disent que c'est trop contraignant. Alors, nous avons simplifié la procédure d'attribution de crédit. 

Avec la nouvelle licence, si la ressource en ligne est correctement renseignée, il suffira de faire un lien vers son adresse. C'est beaucoup plus simple qu'avant, ça évitera bien des erreurs, et les utilisateurs gagneront du temps.

Nous avons également travaillé à l'internationalisation des licences, de manière à ce qu'elles soient plus globales. Certaines subtilités linguistiques imposaient des licences spécifiques. En travaillant avec des avocats partout dans le monde, nous avons amélioré ce point.

3 couches licence CCUn dernier point majeur concerne les trois couches qui rendent les licences CC uniques en leur genre, à savoir le code légal, le code lisible par l'homme, et le code lisible par la machine. Nous avons simplifié ce dispositif. Nous sommes en train de faire un travail équivalent avec un quatrième niveau, le code juridique long, indispensable si vous devez aller devant les tribunaux et défendre vos droits. 

Tous ces changements apparaîtront dans la version 4.0 des licences CC, mais les ressources sous licences CC 3.0 resteront valables, bien sûr.

Merci beaucoup Câble pour toutes ces informations. Le mot de la fin ? 

Juste une ouverture : si quelqu'un, au Canada, en France ou ailleurs souhaite apporter des idées nouvelles, cette conversation est toujours ouverte et les licences peuvent encore être modifiées en fonction de vos contributions au wiki mentionné plus haut.

 

Pour aller plus loin :

Le support de la présentation de Cable Green sur la licence 4.0 à Barcelone :

http://www.slideshare.net/ocweu/workshop-barcelona-intro-to-creative-commons-40-for-education-audience

L'outil sélecteur de Licence en français http://creativecommons.org/choose/?lang=fr

Images :

1. Cable Green by Bilal Randeree CC by

http://www.flickr.com/photos/meexplore/6165937634/

2. Peter Leth via photopin cc

3.  CC layers by Creative Commons CC by http://creativecommons.org/licenses/

 

 



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