Il y a juste un an, le Gouvernement du Cameroun a procédé à un recrutement massif des jeunes diplômés qui, depuis des années, étaient sans emploi. Dans le domaine de l’Éducation, on a ainsi recruté des milliers de jeunes devant désormais exercer au trois niveaux de l'enseignement, maternelle et primaire, secondaire et universitaire. La demande reste forte, car on dénombre un besoin de près de 50.000 enseignants pour le secondaire.
Il existe néanmoins, pour la maternelle et le primaire publics une cinquantaine d'écoles de formation et une pléthore d’écoles normales animées par les Églises et autres centres de formation privés. Néanmoins, le besoin demeure grand devant les effets de la massification de l'enseignement. L'Etat camerounais comme les entrepreneurs privés ont compris que l'avenir du pays passait par la construction d'infrastructures scolaires et ont disséminé des salles de classe à travers tout le pays, même à là où les élèves font défaut. Il faut désormais mettre des enseignants dans toutes ces classes, et de préférence des enseignants bien formés, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement.
Les instituteurs contractuels nouvellement recrutés et les instituteurs vacataires, titulaires du baccalauréat, de la licence ou de diplômes de moindre niveau, enseignent tous à côté des maîtres plus expérimentés mais qui n'ont pas toujours bénéficié de formation continue. Les nouveaux enseignants pour leur part ont bénéficié voici 2 ans d'un recyclage systématique car, selon un Inspecteur que nous avons rencontré, la plupart des nouveaux enseignants est restée longtemps sans enseigner après la fin de leurs études. Il est de bon ton qu’au moment où ils vont entrer dans les salles de classe, on leur donne non seulement les rudiments de l’administration, mais aussi qu’on réveille en eux les compétences techno-pédagogiques qu’ils ont eu à acquérir au cours de leur formation dans les ENIEG. Chaque fois qu’il y a des recrutés, nous les formons, nous les recyclons.
Vu l'importance du besoin de formation continue chez les enseignants, René Ebana, professeur des Écoles normales a soutenu, en juin 2011, un Master à l'Université de Mons en Belgique intitulé Projet de formation à distance des enseignants sur la « Nouvelle Vision de l’Évaluation » telle que pratiquée au Ministère de l’Éducation de Base du Cameroun dans la perspective d’une formation continue. Cette étude, qui vise les professeurs des Écoles Normales d’Instituteurs et les instituteurs de l’enseignement général exerçant dans les écoles maternelles et primaires du Cameroun, a été suivie d'une mise en oeuvre expérimentale réalisée sur la plateforme Esprit de l’Université de Mons. Cette plateforme de formation à distance permet aux étudiants de réaliser des activités d'apprentissage, seuls ou en petits groupes, sous la supervision de tuteurs en ligne. Le dispositif conçu par M. Ébana comporte 5 grandes phases. La phase 3 porte spécifiquement sur l’Élaboration du scénario d’apprentissage et des interfaces, la Phase 4 concerne la Conception des supports multimédia et du système d’encadrement et la Phase 5 est réservée à la Production et à l’Insertion du dispositif.
Ces trois éléments retiennent l’attention car, malgré l’existence d’un projet finalisé et en vigueur sur l’insertion des Tic à l’école primaire camerounaise déjà présentée par Thot, il reste nécessaire d'apprendre à élaborer un scénario d’apprentissage qui, soutient René Ébana, devrait s’articuler avec les modèles pédagogiques et les situations d’apprentissage. La phase 4, qui constitue un des piliers de ce travail, présente les éléments médiatiques à mobiliser pour réaliser l’environnement d’apprentissage ; il décline aussi les formes d’encadrement à mettre en place pour soutenir les apprenants. La conception et la mise en ligne des cours, autre originalité du travail, doit s'appuyer sur la formation continue et à distance des maîtres. Ce qui permettrait aux enseignants à la fois de se familiariser avec la méthodologie de conception de scénarios pédagogiques, et d'y intégrer les éléments répondant à la nouvelle vision de l'évaluation prônée par le Ministère de l'Education de Base. Actuellement en effet, les nouvelles modalités d'évaluation ont bien du mal à s'imposer dans les classes, élément qu a décidé M. Ebana à développer son dispositif à distance.
Ce travail n'est malheureusement pas disponible en ligne sur le site de l’Université de Mons. Mais il a conduit les autorités du Ministère camerounais de l’Éducation de Base à repenser positivement l’informatisation des écoles et l’intégration effective des Tic dans l’enseignement. Les difficultés relatives à la qualité de l'enseignement, formalisées dans le le bilan critique dressé par l'Agence Française de Développement, pourraient s'atténuer grâce à une meilleure exploitation des équipements informatiques des écoles, apportant la formation des maîtres jusque dans leurs établissements. On soulignera d'ailleurs que beaucoup d’établissements primaires privés sont maintenant connectés à Internet, ce qui autorise la mise en place du dispositif élaboré par M. Ebana et devrait inciter l'Etat à mettre les classes de l'enseignement public à niveau.
Le Cameroun n'est pas le premier pays d'Afrique à envisager la formation continue des maîtres à distance. Le Sénégal s'est lancé depuis plusieurs années dans la formation des enseignants du secondaire à distance, et l'AUF anime un vaste programme de formation des maîtres du primaire (IFADEM) qui fait largement appel aux outils numériques. Des exemples de succès dont il serait bon de s'inspirer.
Photo : treesftf via photo pin cc