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Publié le 09 juillet 2012 Mis à jour le 09 juillet 2012

Tourisme : de la foule aux individus

Le tourisme de masse semble laisser la place aujourd'hui à une recherche de rencontres plus authentiques. Loin, ou tout près de chez soi.

Voici près de trois ans, nous avions consacré un dossier au secteur très dynamique du tourisme et aux impacts des TIC sur les voyagistes et les voyageurs. Car le secteur du tourisme, première industrie de la planète en termes de chiffre d'affaire, cherche sans cesse à proposer de nouveaux produits à ses utilisateurs. Fins connaisseurs de nos goûts et de nos modes de vie, les professionnels du tourisme ont depuis toujours répondu à nos aspirations changeantes. 

 

Les vacances en groupe, figure incontournable du tourisme de masse

Ainsi, le tourisme de masse a t-il coïncidé avec la montée du pouvoir d'achat pendant les "trentes glorieuses" dans les sociétés occidentales. Des hordes de gens portant shorts et chapeaux ont ainsi envahi les plages, mais aussi les lieux patrimoniaux les plus prestigieux du monde. Le plus récent album de Reporters sans frontière, qui regroupe 100 photos de Martin Parr sur le thème du tourisme, donne une bonne idée de ce phénomène. On en trouvera un extrait en ligne sur ce site. Les clichés font rire, mais ils font peur aussi : se regrouper par miliers sur une plage écrasée de soleil, aux abords de la tour de Pise ou même dans une bulle de plastique censée reproduire les charmes de l'océan, est-ce cela que l'on appelle les vacances ? Visiter en 15 minutes chrono les plus beaux monuments produits par l'humanité, est-ce vraiment s'imprégner des cultures du monde ? 

Ce tourisme de masse a pourtant eu son heure de gloire et continue de séduire des millions de visiteurs. En témoigne par exemple l'histoire du Club Méditerrannée (1), créé en 1950 pour les gens qui apprécient d'être complètement pris en charge pendant leurs vacances et de se faire de nouveaux amis autour de buffets pantagruéliques ou de soirées déguisées au bord de la piscine. Emboîtant le pas du Club Med, les villages de vacances ont fleuri partout autour du monde, comme autant d'excroissances de l'aspiration au loisir total des Occidentaux finalement bien contents de vivre entre eux, sans personne pour remettre en cause leurs modes de vie. 

 

L'entre-soi ou les vacances sous cloche

Car le tourisme de masse n'a pas que des avantages, on s'en doute. Le site anglais Tourism concern s'est fait une spécialité de l'alerte du grand public et des décideurs sur les aspects les plus néfastes du tourisme, pour l'environnement et surtout les populations qui, certes, en tirent parfois de quoi vivre, mais à quel prix ? La dernière action en date sur Tourism concern traite de l'inégalité d'accès à l'eau sur les sites touristiques. Pendant que certains font 15 bornes à pied avec une bassine sur la tête, d'autres prennent 3 douches par jour et barbotent dans les piscines... Pollution des nappes, accaparement des infrsstructures publiques, détérioration des sols, accaparement des terres les plus faciles à irriguer ou arroser... autant de méfaits qui seront difficilement réparables à court et moyen terme. En français,on pourra lire sur Eveil tourisme, site pour un tourisme respnsable et solidaire, un rapport consacré aux impacts environnementaux d'une part, socio-culturels d'autre part, du tourisme. 

 

Plus on est connecté, plus on a envie de rencotrer des vrais gens

Les vacances "tout compris", sans aucune relation avec les habitants locaux (sauf évidemment avec les serveurs, le personnel de nettoyage, les chauffeurs et les vendeurs de blousons en cuir à prix défiant toute concurrence), figurent parmi les premières cibles des organismes qui cherchent à développer un tourisme respnsable. Et ces derniers pourraient bien voir grandit leur succès, à l'heure où les professionnels membres du Conseil mondial du voyage et du tourisme, réunis au Japon en avril dernier, ont souligné une aspiration des touristes à l'échange humain authentique.

Ainsi, les vacances ne seraient plus systématiquement synonymes de farniente entre soi, dans des enclaves coupées du monde réel. Le touriste gavé de sites inscrits au patrimoine mondial et de rencontres superficielles avec ses congénères chercherait autre chose. 

En premier lieu, le touriste moderne fractionne ses vacances, utilisant ses appareils mobiles pour réserver du jour au lendemain quelques nuits d'hôtel au meilleur prix. Sur le blog ehotelmarketing, on est formel : les hôtels doivent créer des sites mobiles ! Les grandes chaînes hôtelières l'ont déjà fait. les petits s'y mettent. Car les amateurs de dépaysement se  fient volontiers aux avis trouvés sur les forums, et réservent une chambre dans la foulée, sans s'embarrasser des services d'une agence. 

Ensuite, les touristes veulent sortir des sentiers battus. Ils veulent des expériences, pas des produits. D'où la propension des opérateurs touristiques à proposer des séjours personnalisés. Mais là encore, rien ne vaut la recommandation d'une autre voyageur auquel on ressemble, pour découvrir un itinéraire secret ou un petit restau confidentiel. 

 

Un safari en Tanzanie avec tante Simone

Et tout ça pour quoi ? Eh bien, pour aller à la rencontre des autres. Ce tourisme "de socialisation" semble en effet être une tendance forte actuellement. Mais attention : adieu, les troupeaux qui suivent bêtement la dame qui lève bien haut son parapluie, sur la place Saint Marc à Venise ou devant les chutes du Niagara. Aujourd'hui, on veut de l'authentique. Un responsable hôtelier sud-africain l'affirme : 

«Les gens ne voyagent pas juste pour bouger et voir autre chose.

Ils veulent se découvrir eux-mêmes en cherchant l'humanité à travers l'autre et sa culture».

Et le PDG d'une chaîne hôtelière japonaise renchérit : 

«La satisfaction du touriste va se mesurer en terme d'enrichissement spirituel.

Il veut connaître les communautés locales et la culture de son lieu de destination, échanger, réaffirmer ses liens avec sa famille et ses amis».

Les vacances réussies ne se mesureraient plus au nombre de kilomètres parcourus, au nombre de temples visités, aux litres de punch coco absorbés. On échangerait donc volontiers un safari clé en main en Tanzanie contre un séjour dans la belle maison près du lac de tante Simone. A moins que l'on n'emmène tante Simone en safari en Tanzanie, pourquoi pas ? Et la Tanzanie est remplie de Tanzaniens qui ont sans doute bien d'autres choses à partager que quelques peaux mal tannées et des danses "initiatiques" répétées à l'envi devant l'oeil froid des caméras numériques. Et même, on pourrait aussi leur donner quelque chose en échange, à tous ces Tanzaniens. Pas des bics ou des échantillons de parfum, non, des vraies choses, auxquelles on tient. Notre adresse par exemple, une invitation sur Facebook ou sur le site de partage d'images où va apparaître sa tête, si belle avec le feu qui brûle en arrière-plan. Un peu de notre temps. Un peu de notre attention. Un peu de notre gentillesse, de notre souci réel de l'autre. Et quand le fils de notre ami tanzanien, avec lequel nous échangeons des SMS depuis plusieurs années désormais, viendra dans notre pays pour poursuivre ses études, on lui ouvrira grand la porte, comme son père le fit lorsque nous avons débarqué dans son village. 

Et vous savez quoi ? Je n'ai même plus envie d'aller photographier les lions. Juste de passer du temps avec mon ami tanzanien, à l'ombre de l'arbre devant sa maison. Il m'a fallu faire 8 000 kilomètres pour découvrir cela. Alors l'année prochaine, je fais la même chose avec le type qui habite au bout de ma rue. Et j'invite tante Simone, bien sûr.

 

(1) : il s'agit ici de "l'histoire officielle" du Club. L'entreprise surveille avec le plus grand soin son e-réputation. Il est difficile de trouver des avis qui ne vont pas dans son sens. Si les fautes d'orthographe ne vous effraient pas, vous pouvez consulter le site collierbar, site personnel d'un ancien employé du Club, qui a manifestement une grande sympathie pour son ancien employeur.

A lire :

Hyperconnecté, le touriste moderne cherche le contact humain. LaPresse.ca, 19 avril 2012.

A regarder :

Le tourisme de masse vu par Martin Parr pour Reporters sans frontières. L'echo du tourisme, 4 mai 2012.

A écouter :

Quatre émissions sur le tourisme de masse, La fabrique de l'histoire, France Culture, mars 2011. Pour une vision historique (jusqu'à l'antiquité romaine) sur ce phénomène.

Numéro 1

Numéro 2

Numéro 3

Numéro 4

Photos : Nazaré (1), Fès (2), Meknès (3). C. Vaufrey

Capture d'écran Accorhotels.com, application iPhone.


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