À la recherche d’une caractéristique commune entre les mouvements sociaux et celles qui agitent le monde de l’éducation, la principale bien identifiée est la présence d’Internet et ses effets structurants, indépendamment des organisations en place.
La communication possède plusieurs propriétés, dont celle de dissoudre tout ce qui n’a pas fait l’objet de négociations ouvertes et d’accords, comme les secrets et les liens qu’ils impliquent, comme les barrières arbitraires, les privilèges immérités, les procédures inefficaces, etc.
Le système éducatif qui s’est construit comme une prérogative de l’État est évidemment sous tension. Non qu’il soit contesté de l’intérieur, il l’est, mais de façon limitée et dépendante, mais surtout du fait que des initiatives qui lui sont étrangères se construisent hors de son contrôle et font parfois aussi bien le travail.
Que ce soit :
- les initiatives des ressources éducatives ouvertes (OER),
- les «badges»et autres «Degreed»
- les examens certifiants (Pearson, UExcel),
- l’apprentissage mobile avec les milliers d’applications éducatives,
- les initiatives privées telles la Khan Academy, Code Academy, sans compter
- les divers services publics offrant des ressources éducatives : musées, OSBL, TV, Médias...
- les services de tutorat et de soutien scolaire,
- les vidéos TED et autres «VidéosTube», «iTunesU» divers,
- les références à la Wikipédia, Wolfram Alpha ou le classique Google qui permettent de répondre à quasi n’importe qu’elle interrogation,
dans ce contexte, l’organisation même de l’école est remise en question.
Dans sa forme actuelle, l’école n’a pas fait l’objet de beaucoup d’accords avec les étudiants, leurs parents, les entreprises, les organisations et le faire représente un chantier herculéen par son ampleur et sisyphéen, toujours à refaire, du fait de la diversité changeante des exigences. Comment alors parvenir à un accord dynamique, qui satisfasse tout le monde et puisse durer ?
Structuration
La stratégie la plus réaliste a rapport avec les habiletés nécessaires pour justement profiter de la profusion des ressources disponibles. Ce n’est pas tout de savoir lire, écrire, compter, il faut aussi savoir structurer des masses d’informations en fonction d’objectifs variées, aussi bien artistiques que productifs, sociaux qu’intellectuels ou sportifs. C’est l’habileté clé qui servira toute la vie !
L'activité des professeurs et de l’école en général est de convenir d’objectifs et de faciliter leur atteinte. Les professeurs connaissent les ressources et outils à utiliser, les références à indiquer, les méthodes à pratiquer mais on ne leur demande pas d’être des spécialistes des contenus évoluant rapidement : leur spécialité est «l’apprentissage de ...».
On ne peut pas attendre d’étudiants sans expérience qu’ils soient capables de fixer et d’atteindre les objectifs dont ils rêvent du premier coup; ils se rendent compte bien assez vite de la difficulté et en viennent à déterminer des objectifs parfois surprenants mais qu’ils se sentent capables d’atteindre avec le soutien du professeur. L’école est là pour les accompagner et leur fournir le cadre d’expérimentation, les former aux méthodes de structuration, de recherche, d’apprentissage, et aux bases nécessaires dans chaque domaine qui les intéresse.
Leurs propres objectifs ?
Le développement de la maturité représente la fonction gobale de l’école et la maturité se vérifie par la responsabilité accordée et assumée. Et c’est justement là où la forme actuelle de l’école est la plus remise en question. Une école contrôlante est aux antipodes de cet objectif. Faire confiance aux étudiants est la preuve ultime de la maturité acquise par ces étudiants. Si on ne leur fait pas confiance, ils feront ce qui les intéresse en dehors de l’école et s'en désengageront d'autant. La possibilité d’influence extérieure est une concurrence réelle active, l’école doit se transformer et se rendre pertinente.
Ce que chacun peut et veut assumer au cours de sa vie peut varier et l'école n'a pas à décider pour l'individu. Par exemple, un étudiant qui veut faire du rap peut juger que ses cours de grammaire française sont suffisants pour l’instant et qu’il a plutôt besoin d’améliorer sa rhétorique. Plus tard il peut désirer améliorer son français pour rédiger un roman; à ce moment il ira chercher une autre «badge». L'intérêt de chaque personne constitue le moteur de l'action et son désintérêt la source de sa passivité.
Évaluation et enseignement modulaire
La principale résistance au changement des administrations, des professeurs, des parents et même des étudiants se situe au niveau de l’évaluation. Savoir si un individu perd son temps ou connaît des difficultés est essentiel au système tout comme la reconnaissance associée à une certification l'est pour les individus; cependant on ne peut pas aller dans la direction de l’apprentissage plus individualisé avec des évaluations communes à large spectre.
L’approche par modules regroupant les personnes de même niveau à un moment et l’évaluation par «badges», concernant des critères précis (habiletés, connaissances, performance, statut) peut remplir à la fois le rôle de régulation et de certification tout en permettant un grand nombre de choix selon les intérêts et objectifs de chacun. Au final, tous n’auront pas le même diplôme en termes de spécialités mais on saura ce qui est réellement maîtrisé et dans quoi on peut leur faire confiance. L’évaluation de la maturité est presque équivalente à la confiance accordée.
On y revient : on forme des étudiants et on sait si on a réussi dans la mesure où on peut leur faire confiance, qu'ls sont matures et ont confiance en eux-même. Mieux encore, on est confiant dans le fait qu’ils pourront se débrouiller sans nous par la suite, capables de profiter de possibilités offertes et de contribuer à notre monde. Mais dans les faits, leur fait-on confiance au départ dans leurs propres apprentissages ? C'est ce que nous souhaitons.
Inspirations :
Degreed - bientôt
Peter Norvig: The 100,000-student classroom
The Real Tsunami
Coursera
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