Ah! La triche a toujours fait partie de l'école. Jadis, on entrait dans les salles d'examens -entre autres - avec des petits bouts de papier glissés dans nos chaussures, petits bouts de papier remplis de notes minuscules, de véritables enfilades de pattes de mouche, résumant la matière et les données importantes sur lesquelles portait l'examen à subir. Les petits papiers étaient extirpés de leurs cachettes et discrètement consultés ensuite. Aujourd'hui, c'est plutôt un téléphone intelligent à mémoire infinie qu'on tenterait d'introduire discrètement dans une salle de classe.
La solution danoise
Je me souviens que lors de mon passage à l'école secondaire, pour contrer ce problème, on avait commencé à permettre l'usage du dictionnaire pendant les dictées. Curieusement, ceci n'avait guère d'effet sur les notes obtenues par les élèves. Puisque le dictionnaire était permis, on augmentait légèrement le niveau de difficulté. Il était impossible d'avoir le temps de tout vérifier. Le ministère de l'enfance et de l'éducation danois a fait le même calcul, à propos de l'usage d'internet.
En effet, un essai a été mené dans quatorze établissements scolaires de niveau "gymnasium" danois en 2011, soit dans 10% des établissements de ce niveau qui correspond au lycée français et au secondaire québécois. Cette expérience consistait à permettre l'utilisation d'internet pendant les examens écrits finaux menant à l'obtention du diplôme de fin d'études. Parmi les matières pour lesquelles on autorisa l'utilisation de l'Internet : sociologie, danois, mathématiques, administration et économie.
Le test semble avoir été concluant puisqu'en février 2012, le ministère de l'enfance et de l'éducation a annoncé son intention d'ouvrir cette possibilité (article en danois), celle de pouvoir utiliser l'accès à Internet lors d'examens finaux, à d'autres matières dont l'anglais. Il est permis aux élèves d'utiliser internet pour chercher de l'information et se faire une opinion sur une question. La communication avec d'autres personnes demeure toutefois interdite - impossible donc de se tourner vers un parent ou un camarade pour obtenir une réponse ou une suggestion pour trouver une réponse.
La ministre de l'enfance et de l'éducation, Christine Antorini, a affirmé qu'internet fait partie des outils dont les élèves se servent quotidiennement et il est naturel qu'ils puissent y avoir accès lors des examens finaux. L'objectif du ministère est donc d'étendre cette possibilité à plus d'examens et de matières. Si la finalité de cette mesure était d'éradiquer la triche pendant les examens écrits, elle rendrait tout à fait inutile de tenter d'introduire un téléphone intelligent dans la salle d'examens et de chercher de l'information en catimini. Mais bien entendu, l'autorisation d'internet pendant les examens finaux va bien au-delà de cette préoccupation légitime.
Le projet a attiré l'attention de pays étrangers, dont la France - voir cet article paru sur Numerama, Le Danemark autorise à l'accès à internet pendant les examens et celui-là dans le Figaro qui y voit une façon de lutter contre la tricherie pendant les examens. Le Royaume-Uni a également relevé l'expérience (voir l'article Danish schools ready to trial internet access during exams), tout comme la Belgique, dans l'article Examens - La session bientôt sur Internet ? du groupe média SudPresse. Comme le relate l'article, l'Université de Liège fait plus que montrer un intérêt poli pour cette initiative, puisqu'elle a organisé dans sa faculté de médecine un premier examen sur la plateforme Blackboard, en autorisant la consultation d'autres sites. Mais le dispositif semble bien pensé pour que les étudiants ne consacrent pas tout le temps précieux de l'épreuve à rechercher la réponse magique en ligne :
"« L’accès à l’évaluation se fera uniquement via mot de passe et identifiant. Une personne sera présente dans l’amphithéâtre pour surveiller. Enfin, l’épreuve sera chronométrée. On peut paramétrer le système pour que la copie s’envoie automatiquement au bout d’un temps déterminé », détaille Béatrice Lecomte. L’étudiant n’aurait donc pas intérêt à perdre de précieuses minutes à farfouiller sur la Toile…"
Le plagiat lors des travaux à domicile
Si la méthode danoise lors d'examens donne de bons résultats, c'est entre autres parce qu'il s'agit d'un milieu fermé, contrôlé - l'accès à internet se fait sur l'interface de l'école et on se garde la possibilité de vérifier l'historique de navigation d'un étudiant. Il est beaucoup plus difficile de contrer le plagiat des travaux à domicile. Ceci implique toujours l'éducateur qui doit développer de grandes aptitudes de détective afin de traquer les sources des travaux remis.
Cet article du Devoir, Copiez, collez!, de Clairandrée Cauchy parle de la situation dans les CÉGEPS et collèges du Québec. On y lit que 50% des étudiants ont déjà utilisé des textes copiés sur Internet dans les travaux personnels qu'ils ont à rédiger.
À lire aussi, cette entrée sur le blogue de l'amie scolaire (Evelyne Charmeux), Fraudes aux examens, copié/collé à partir d'Internet dans les devoirs... A qui la faute ?
Le plagiat aura permis l'éclosion d'une nouvelle spécialité informatique : la traque des travaux copiés. Des firmes telles que Turnitin ou Compilatio en ont fait leur modèle d'affaires.
Il est plus facile de tricher mais il devient plus facile aussi de retracer les tricheurs. Voir cette histoire québécoise, UQÀM - Plagiat : 212 tricheurs épinglés.
A lire également, le nouveau rapport de Compilatio : Habitudes de documentation et de travail sur internet et comparaison de données entre 2007 et 2012.