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Publié le 09 avril 2012 Mis à jour le 09 avril 2012

Des mangas partout !

Le succès du manga est planétaire, mais particulièrement puissant en France. Pourtant, les éditeurs traditionnels craignent les possibilités ofertes par Internet.

A votre avis, quel est le titre de bande dessinée le plus vendu en France ? Le dernier volume d'Astérix ? Le nouvel opus de Joann Sfar ? Une énième aventure du Marsupilami, portée par la sortie du film consacré à la bébête noire et jaune ?

Vous n'y êtes pas du tout. L'album le plus vendu en France est le plus récent tome de la série Naruto, manga créé par Nasashi Mishimoto, distribué en France par l'éditeur Kana. Le tome 54 (la série devrait en compter 120...) est sorti en novembre 2011, le tome 55 sortira en juillet 2012. Chaque tome est tiré en France à 250 000 exemplaires; un tome est vendu toutes les 18 secondes en France, premier pays consommateur de mangas hors Japon, nous apprend Le Figaro dans un article très complet sur le manga, publié à l'occasion de Salon du livre de Paris.

Le manga, des chambres des ados aux expositions prestigieuses

Naruto, donc. Mais aussi One Piece (deuxième plus grosse vente de France, publié chez Glénat), Fullmetal Alchemist, Soul Eater (tous deux chez Kurokawa), Les années douces (magnifique manga de Taniguchi, édité chez Casterman) .... et des milliers d'autres titres. Toujours selon Le Figaro, une BD sur trois vendue en France est un manga. Ce qui méritait bien un espace spécial au Salon du livre cette année, dans lequel des mangakas (dessinateurs de mangas) s'exposaient aux regards fascinés de leurs très nombreux fans. 

Le manga est né au Japon, au XIXe siècle. C'est un genre de récit dessiné composé de plusieurs catégories, décrites avec précision dans un article d'Edith Culot, historienne de l'art, publié sur le site Culture de l'université de Liège : le yônen désigne le manga pour les enfants; le shônen s'adresse aux adolescents et compte de multiples déclinaisons (manga sportif, manga historique...); le shôjo pour sa part cible plutôt les filles. On ajoutera à ces catégories le seinen, ou manga pour adultes. La plupart des mangas vendus appartiennent à la catégorie des shônen, même si quelques titres phares (comme One Piece cité plus haut) plaisent à tous les publics. 

Le manga est donc une affaire qui marche. Si bien que ce genre a désormais les honneurs des lieux culturels prestigieux : la Bibliothèque et Archives nationales du Québec de Montréal a lancé en septembre dernier son année manga. Deux expositions "Manga - l'art du mouvement" (pour tous) et "Raconte-moi un manga" (plus spécifiquement pour les jeunes lecteurs) permettent d'en savoir plus sur ce genre au succès planétaire. De l'autre côté de l'Atlantique, à Paris, le Centre Pompidou se met lui aussi à l'heure du manga avec Planète Manga. On y trouvera évidemment de nombreux mangas (2 500 volumes en consultation libre à la bibliothèque), des mangakas, des projections d'animes (films d'animation tirés des mangas), des costumes... 

Les enfants et les adolescents adorent les mangas. Cela ne tient pas à leur amour du Japon, mais plutôt aux codes d'un genre qu'ils ont appris à interpréter. Codes visuels bien sûr, mais surtout codes scénaristiques : "L'humour et l'action en sont les deux constantes. Les héros sont souvent des orphelins, volontaires et courageux. Ils tirent leur force de pouvoirs magiques. Leurs auteurs ont su créer des univers attractifs", lit-on toujours dans le même article du Figaro. 

Le manga aujourd'hui tel qu'il s'exporte hors du japon cherche à conquérir le public adulte. Certes, des auteurs tels que Taniguchi mentionné plus haut, Urasawa (auteur de 20th century boys) ou Osamu Tesuka, "père du manga moderne" selon l'expression consacrée, s'adressent bien aux adultes. mais les tirages de leurs ouvrages et leur relativement peu prolifique production ne peuvent rivaliser avec les mangas pour les jeunes... 

Internet, espace naturel des lecteurs de mangas

Or, les ventes de ces mangas se tassent. Plus de 1 500 nouveautés sont pourtant sorties en France en 2010. Mais certains titres ne dépassent pas les 1 000 exemplaires vendus, comme nous l'apprend l'article Bilan manga 2010 : ça se corse ! paru sur le blog Paoru.fr. En 2011, les tendances étaient similaires. L'auteur parle de marché saturé, mais cite également, tout à la fin de son article, un perturbateur de taille dans le marché du manga : Internet.

Sur Internet, on peut en effet lire les derniers tomes de ses séries préférées, bien avant leur publication dans des langues autres que le japonais (ou le coréen). Comme pour les épisodes des séries télévisées américaines, des volontaires produisent les traductions des oeuvres, qui sont mises en ligne gratuitement sur des plateformes dédiées. Ce produit s'appelle le "scantrad" (le "scanmanga" désignant, lui, le manga en version originale ou déjà traduit scanné puis mis en ligne) . La poule aux oeufs d'or japonaise serait-elle entrain de disparaître ? Les éditeurs vont-ils, comme les éditeurs de musique et les distributeurs de films avant eux, engager la lutte contre les méchants consommateurs qui ont assuré leur fortune ?

L'alliance entre les auteurs et les lecteurs

Peut-être... mais ce n'est pas certain. Au Japon en effet, où le phénomène est tout aussi présent qu'en Europe ou en Amérique du Nord, des mangakas proposent des alternatives à la répression privilégiée par les éditeurs. Les scanmangas et les scantrads sont en effet lus par les fans, et les mangakas ne veulent absolument pas se couper de ceux qui font leur succès. Selon les auteurs, qui rejoignent ici certaines déclarations des musiciens, la lecture en ligne assure la promotion de l'oeuvre papier et a un effet positif sur les ventes. Dans un article publié sur Actualitté, on découvrira les différentes propositions visant non pas à combattre mais à assainir l'activité d'accès libre aux mangas : réédition en ligne et lecture gratuite des mangas épuisés, mise en ligne et libre accès aux oeuvres par l'auteur volontaire lui-même, transformation des fichiers pirates en fichiers autorisés s'ils sont publiés sur certaines plateformes... Bien entendu, les acteurs commerciaux du numérique ne sont pas en reste, bien décidés à s'offrir une part du copieux gâteau : les acteurs du mobile en particulier passent des accords avec les éditeurs pour proposer des abonnements, les mangas étant très consultés au Japon sur les téléphones. Yahoo, Microsoft et Bouygues sont aussi de la partie aux Etats-Unis et en Europe.

Comme tous les produits de "l'industrie culturelle et du divertissement", les mangas sont à la fois des produits commerciaux dont les distributeurs n'entendent pas perdre le bénéfice, et des oeuvres auxquelles sont attachés de nombreux fans. Chez les fous de mangas, on compte un nombre important de geeks, jeunes gens qui ont grandi avec les animes japonais (Albator, Goldorak, Le roi Lion, Candi...), ont ensuite investi leur argent de poche dans les volumes de Dragon Ball, Naruto ou One Piece, avant d'investir le web de manière à pouvoir y déployer leur passion. Nombre d'entre eux ont caressé un jour le rêve de devenir mangaka, d'aillleurs en idéalisant cette profession. Les auteurs et les lecteurs partagent de nombreux points communs, notamment un goût prononcé pour les écrans. Leur alliance semble naturelle pour défendre un genre qui leur est cher, et qui jour un rôle crucial dans le goût des jeunes pour la lecture. 

Sources :

Les mangas contre-attaquent. le Figaro, 14 mars 2012.

Manga : code et scénario entre fiction et réalité. Edith Culot, Culture - Université de Liège.

Bilan manga 2010 : ça se corse ! Paoru.fr, 29 janvier 2011.

Manga numérique : les solutions développées au Japon. Actualitté, 28 juin 2011.

photo : ollily via photopin cc

 


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