Publié le 28 février 2012Mis à jour le 28 février 2012
Une école française au bord de la crise de notes
L'évaluation ne se réduit pas aux notes, comme on pourrait le croire au vu de ce qui se passe dans le système scolaire français. D'autres évaluations, plus formatives, peuvent être mises en place.
Dans « Les dix mots de l'Ecole »
autour de l'innovation pédagogique que François Muller présente
sur son site Diversifier,
il y a le mot 'évaluer', et ce n'est pas un mot intrus. Au début
de cette vidéo
qui rassemble des définitions du mot, André de Perretti déplore
que cette notion soit dévaluée par les habitudes françaises.
Un fléau ?
Les mauvaises habitudes françaises,
Denis Meuret en parlait déjà en 2009 lors du colloque
international du CIEP Un
seul monde, une seule école ? réunissant des intervenants de 25
pays autour de la diversité des modèles éducatifs : « Le
système éducatif français considère encore que l’erreur est
honteuse, l’évaluation une menace et que les élèves sont
responsables de leurs échecs. Outre-Atlantique, l’erreur est
normale, l’évaluation fait partie des habitudes et l’école est
responsable des échecs des élèves. L’école française est là
pour sauver la société et n’a pas à lui rendre de comptes,
l’école américaine fait partie de la société et doit lui rendre
des comptes.” On constatera tout de même, avec Alexandre Roberge dans son récent article, que le modèle anglo-saxon est lui aussi en pleine dérive depuis une dizaine d'années, et que la "responsabilité" de l'établissement et de l'enseignant dans les résultats des élèves est surtout évoquée comme une menace de sanction à l'égard de ces derniers, bien plus que comme une stimulation de l'amélioration.
L'évaluation n'a pas la 'cote' (du mot
'quote' et de la même famille que 'quota') en France, surtout depuis
qu'elle est devenue un phénomène en inflation monstrueuse, ici ou
ailleurs, et comme le dit Charles Hadji qui vient de sortir un
ouvrage, Faut-il
avoir peur de l'évaluation ? qu'il présente au Café
Pédagogique, l'évaluation est « en danger de devenir une
calamité sociale ».
Un archaïsme ?
Peut-on dire de façon un peu
provocatrice comme Mara Goyet que l'évaluation des élèves est
« quelque chose d'à peu près superflu » ?
C'est en tous cas un acte qui met mal à
l'aise parce qu'il implique une position d'autorité que les
enseignants ont de plus en plus de mal à assumer.
Une aide à l'auto-évaluation
Et pourtant André de Perreti ajoute
qu'évaluer « étymologiquement, c'est faire sortir des
valeurs ». Evaluer a bien un sens, quand on le comprend dans la
rencontre entre l'enseignant et l'étudiant, quand cela se traduit par le
dialogue, la négociation d'étapes reconnues par l'un et par l'autre
ou plus largement la confrontation avec l'appréciation des autres,
les pairs ou le public.
Dans le domaine des langues, Christian
Puren a le mérite de prendre un peu de recul et de mettre en
perspective differents modèles de sens d'évaluation, de relativiser
par conséquent certains outils de mesure rigides comme le Cadre
Européen de référence. L’évaluation
a-t-elle un sens ? est un document précieux sur quatre modèles
de sens d’évaluation : le modèle vertical descendant (tristement
français !), le modèle vertical ascendant (celui du CECR), le
modèle horizontal (anglo-saxon), et le modèle transversal
(perspective actionnelle). Christain Puren ajoute : « En
évaluation scolaire des langues étrangères, un cinquième sens
sera toujours nécessaire : le « cinquième sens » de l’intuition
professionnelle… ».
Cinquième sens : du
« pif » pour éviter l'évaluationnite
Sur son blog Caroline Jouneau-Sion, enseignante
d'histoire-géographie, avoue avoir quelques problèmes avec
l'orthodoxie évaluative et s'en remettre à ce cinquième sens, d'abord parce qu'elle sait qu'une évaluation négative n'a aucune
valeur pédagogique, ensuite parce quelle connait la docimologie et
les sources d'erreur des procédures de notation traditionnelles,
enfin parce qu'elle doute un peu des benéfices pour tous les
étudiants des rétroactions qu'elle offre, aussi approfondies
soient-elles. Avec l'expérience, elle s'est rendu compte qu'elle évalue
globalement, de façon intuitive une production et que ses notes ne
sont que des indices qui confortent et fixent un espace où va se
poursuivre un dialogue. Elle montre bien comment elle navigue d'une
liste de critères précis donnés aux étudiants, à une échelle de
maîtrise de compétences jusqu'à une note globale à laquelle elle
essaie de donner le moins d'importance possible. Billet "J'aime pas mettre des notes"
Enregistrer un processus,
un mouvement
Car ce qui compte, c'est de
bien faire comprendre, en particulier à ceux qui sont en situation
d'échec, que l'évaluation ne ferme pas un processus
d'apprentissage, mais aide à poser certains répères, un peu comme
on s'assure dans une escalade, pour poursuivre.
Par où commencer ? Le
numérique donne quelques bonnes ficelles : créer de petits
questionnaires courts sur Googledocs est par exemple une première
façon de baliser le chemin. L'enseignant donne de très nombreux
indices sur la façon dont il envisage son champ disciplinaire, pose
les questions qui aident les étudiants à se situer dans un ensemble
de savoirs, à répondre dans un horizon attendu. Ses
rétroactions, commentées en groupe ou envoyées individuellement
forment la matière à la composition du cours suivant, plutôt que de clore un ensemble d'activités et d'apprentissages.
Peu à peu, il peut
apparaître naturel à tous les étudiants que leurs réponses soient
évaluées en début d'activité pour se faire une idée collective
des l'état des représentations, des savoirs ou des savoir-faire, à
la manière d'un remue-méninge, puis plus tard pour observer les
modifications des perceptions, engendrées par l'apprentissage lui-même.
La réforme de l'éducation que le Québec a entrepris en 2000 avait
pour grand objectif de mener au succès un nombre accru d'élèves
aux niveaux primaire et secondaire. Parmi les mesures de cette
réforme, se trouvait une refonte de la méthode d'évaluation des élèves
qui était basée sur l'acquisition de compétences transversales plutôt
que sur la simple acquisition de connaissances. Autrement dit, on visait à
évaluer la capacité à développer des comportements nécessaires à
l'apprentissage tel le jugement critique ou le sens de l'organisation du
travail. On a tenté de mesurer la capacité d'apprendre à apprendre.
Par rapport aux évaluations écrites seules, l’audio-vidéo est plus rapide, efficace et mieux apprécié. Retour d'expérience très riche de la part d'une enseignant en Cegep.
Quelle que soit la rigidité des barèmes que l'on se donne, une note est ce qu'il y a de plus subjectif dans l'évaluation des apprenants parce que ses tenants et aboutissants transcendent son cadre contextuel pour mobiliser des éléments d'ordre psychologique et sociologique. Des enseignants essaient néanmoins de tenir compte de cette situation pour évaluer autrement.
Les étudiants considèrent majoritairement que les processus d’évaluation
en ligne sont plus fiables et dignes de confiance que les méthodes
traditionnelles, en général plus transparents et surtout plus pratiques.
L'idée que la sacro sainte note reflète le niveau des apprenants et permet de les orienter dans leurs études est de plus en plus battue en brèche par les pratiques actuelles de la pédagogie différenciée, de l'autoformation et de la formation à distance.
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