Tel que rapporté par Le Monde, Dassault Systèmes a annoncé il y a quelques jours - le 9 février dernier - son acquisition de Netvibes, société française fondée en 2005 par Tariq Krim, connue du grand public pour son portail web personnalisable, un tableau de bord agrégeant les fils RSS et les widgets choisis par l'utilisateur.
Cette annonce de rachat a fait du bruit, notamment parmi les utilisateurs appartenant au monde enseignant. On connait l'attachement du monde enseignant, français en particulier, aux applications libres ou du moins, alternatives à celles qui sont développées par les grands groupes. Dans ce contexte, Dassault Systèmes ne pouvait apparaître comme un racheteur "aimable".
Mais, au-delà de l'irritation provoquée par ce rachat, une question s'impose : pourquoi diable Dassault Systèmes s'intéresse t-il à Netvibes ?
Netvibes, une application B to B qui vaut de l'or
Dassault Systèmes est une filiale du Groupe Dassault, connu surtout pour son importante branche aéronautique. Dassault Systèmes développe des solutions logicielles de conception assistée par ordinateur (3D) et de gestion du cycle de vie de produit (PLM - Product Life Management). Dassault Systèmes avec ses quelque 9 000 employés a réalisé un chiffre d'affaires de près de 1,6 milliards d'euros en 2010.
Netvibes, fleuron des start-ups informatiques françaises, propose non seulement le portail personnalisable connu du grand public, mais aussi une plateforme d'analyse du web en temps réel, un système de surveillance du flux d'information concernant une entreprise, à l'intérieur comme à l'extérieur de celle-ci. Netvibes compte des clients comme Coca-Cola, le Département américain de
l'Énergie (DoE) ou encore des agences publicitaires comme Digitas et
Universal McCann. La compagnie avait par ailleurs atteint le seuil de rentabilité en mars 2010.
Cette activité de B to B (business to business, autrement dit tournée vers les entreprises) a certainement pesé un grand poids dans la décision du rachat de Netvibes par Dassault Systèmes, tout comme la bonne santé financière de l'entreprise.
Pour Dassault Systèmes, cette acquisition permettra d'intégrer la technologie de Netvibes à sa plateforme de virtualisation 3D Experience.
Freddy Mini, chef de la direction de Netvibes, a ainsi commenté la transaction :
En association avec la plate-forme 3D Experience de Dassault Systèmes,
nous fournirons aux clients des informations en temps réel
indispensables à leur processus d’innovation. Le délai entre la réaction
des consommateurs et l’action des entreprises est la clé d’une
expérience optimale.
Ce qui mène à une seconde question, celle que nous avons tous sur les lèvres : Dassault Système va t-il continuer à améliorer le portail Netvibes grand public ? Ne va t-il pas tout simplement le fermer à plus ou moins brève échéance, dans la mesure où il s'agit d'une application gratuite qui ne touche pas le coeur de cible de l'entreprise industrielle ?
La survie difficile des applications gratuites grand public
C'est bien le problème avec ces applications innovantes et gratuites : elles risquent toutes d'être rachetées par des groupes qui ne s'intéressent pas en priorité à la liberté et au confort des utilisateurs non commerciaux. Si un modèle économique siffisamment rentable (c'est à dire, très rentable) n'est pas trouvé, ces applications finissent par être fermées, à moins qu'elles ne soient basées sur un code source ouvert et libre, qui permet à la communauté des développeurs de les entretenir.
Yahoo avait déjà donné des sueurs froides aux utilisateurs de Delicious, en rachetant cette application également populaire puis en décidant de la fermer (décision annulée précisément à cause de l'émoi provoqué). Les rumeurs concernant une possible fermeture de Flickr, site qui fut racheté lui aussi par Yahoo voici quelques années, agitent le monde relativement large des photographes amateurs qui s'inquiètent de voir la compagnie partir avec la caisse en cas de fermeture, autrement dit avec toutes les photos qu'ils y ont déposées. Les rumeurs de fermeture sont pour le moment démenties, mais jusqu'à quand ?
Pour oublier leur chagrin après le rachat de leur tableau de bord préféré par Dassault Systèmes, les utilisateurs de Netvibes peuvent tester Posh (application libre), qui est néanmoins beaucoup moins facile à utiliser que Netvibes, dans la mesure où cette application doit être instalée sur un serveur. Espérons qu'une version "dans les nuages" soient rapidement développée par la communauté qui est en charge de son devenir.
Quelques portails Netvibes (parmi beaucoup d'autres tout aussi intéressants) qu'on aimerait bien ne pas voir disparaître :
CDI - Collège Bigot, portail généraliste du CDI d'un collège
Gemtice, sur la géographie et les Tice
CDI 2.0, le portail d'une professeure documentlaliste en lycée
Education aux médias, le portail du Clemi (également en illustration de cet article)