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Publié le 12 février 2012 Mis à jour le 12 février 2012

Où sont les soignants, dans les communautés de malades ?

Un aperçu de la popularité des sites sur la santé et des communautés de patients sur le Web

Carenity, l'un des principaux sites communautaires pour les malades souffrant de pathologies semblables

Depuis quelques jours, j’ai des rougeurs sur mon bras. Ferais-je une réaction allergique ou est-ce un symptôme annonciateur de quelque chose de plus grave? Alors, il est temps de passer à l’action : je vais effectuer une recherche sur Wikipédia et Google, j’en profiterai aussi pour laisser un message sur Doctissimo. Quelqu’un a sûrement déjà eu le même problème et saura m’aiguiller sur ce qui se passe.

Ces réflexes sont devenus automatiques pour l’internaute soucieux de sa santé en 2012. Internet est en effet devenu la première source d’information en matière de santé, lorsqu'on ne peut pas s'adresser à un véritable médecin. Même pour des questions mineures (une migraine ou un rhume), les gens cherchent sur Internet des conseils pour se soigner ou pratiquer un autodiagnostic. Dans un article du Monde de juillet 2011, diffusé en PDF par l’Association Fibromyalgie France, on confirme ce lien entre « patients » et cyberespace.

Malades du monde, rassemblons-nous!

 

En février 2011, un sondage réalisé auprès de 995 Français a révélé que 60% d’entre eux affirmaient s’être renseignés sur Internet à propos de problèmes de santé. Une proportion qui monte à 80% pour la tranche d’âge 18-24 ans, moins bien couverte pour ses frais médicaux que ses aînés. Des chiffres qui n’ont rien de surprenant quand on voit l’abondance des sites médicaux. Doctissimo, le plus connu d'entre eux, a accueilli près de 8 millions de visiteurs uniques en mai 2011. Il est suivi, de loin, par sante-medecine.net avec environ 2 millions et e-sante.fr avec 1,4 million. Même le pendant québécois de ces sites, Passeport-santé.net, franchit la barre du million d’internautes au cours du même mois.

Les sites médicaux figurent donc parmi les sites les plus consultés et aimés par les utilisateurs d'Internet. Et au-delà de nombreux articles, parfois rédigés par des médecins comme dans Passeport-santé.net, ce sont les forums et la communauté qui attirent les visiteurs. Dans le cyberespace, tous les sujets sont en effet abordés sans tabous. Qu'il s'agisse d'une pathologie bénigne comme le mal de tête, d'une maladie chronique comme l’asthme ou le diabète, tout y est : de la description des symptômes aux suggestions de traitement, des remèdes de grand-mère aux médicaments en vente libre ou sous prescription.

Mais pour certains internautes, ces forums ne sont pas encore assez proches de leur réalité. Ils cherchent le contact avec des personnes présentant la même pathologie qu'eux. C’est cette idée qui a poussé Michael Chekroun à créer Carenity, un réseau social où des gens atteints de diverses pathologies (lupus, troubles bipolaires, arthrose, etc.) se réunissent en communautés et échangent sur leurs traitements, leurs symptômes et tout simplement sur la manière de vivre leur maladie au quotidien. Un concept pas si nouveau puisque déjà, dans le monde anglo-saxon, des sites comme Patientslikeme avaient le même type de fonctionnement.

Ces initiatives réussissent à combler un aspect occulté par le secteur de la santé : l’échange de vécu. En effet, bien souvent, le patient reçoit un diagnostic et retourne seul chez lui sans avoir une idée précise de ce que la maladie va modifier dans sa vie quotidienne. Ces forums et réseaux sociaux permettent donc de partager des expériences et d'aborder des questions intimes. Par exemple, sur ce qui concerne la sexualité dans la maladie ou durant un traitement.

Dans un univers médical qui se spécialise de plus en plus, y compris chez les médecins généralistes, le Web répond aux aspects plus globaux des petits et grands maux dont peuvent souffrir les internautes. Mais de ces nouveaux comportements découlent aussi des problèmes.

Gare à la cybercondrie et aux fractures numériques

 

Le sujet n’est pas neuf, mais il continue d’inquiéter les médecins en 2012 : la cybercondrie peut facilement frapper l’internaute lorsqu'il voit sur Internet des listes de symptômes plus inquiétnts les uns que les autres. Ainsi, il se précipite chez son docteur avec un « diagnostic Wikipédia » qui, souvent, ne reflète pas la réalité de sa condition. Certains vont même jusqu’à changer de traitement sans l’aval de leur médecin à cause de ce qu’ils ont lu dans le cyberespace. Car voilà le problème d’Internet : ce qu'on y lit est bien souvent sommaire, loin des recoupements, liens et vérifications qui permettent à un médecin de poser un diagnostic. De plus, le réseau informatique regorge de récits de patients qui crient leurs angoisses et douleurs à la face du monde. Un défoulement peut-être sain pour eux, mais extrêmement angoissant pour des malades (ou des bien-portants) déjà fragilisés qui lisent leurs propos.

Cetains sociologues, comme Antonio Casilli, estiment que l'e-santé apparaît comme un nouvel avatar de la fracture numérique. Comme il l’explique dans une présentation réalisée à l’Association Française de Sociologie en juillet 2011 (que l’on peut voir ici), des gouvernements, comme la France, misent beaucoup sur le réseau numérique afin que les citoyens prennent en main leur santé. Une position qui omet la fracture numérique causée par des facteurs socio-économiques (revenus, localisation, etc.) et une méconnaissance des technologies chez un pan important de la population. Après tout, il ne suffit pas de donner un iPhone à quelqu’un pour qu’il sache comment user des services de médecine 2.0.

Alors, ces inégalités doivent être comblées avant de tout miser sur la « santé numérique ». Et les professions médicales ont leur rôle à jouer. Si les internautes ont profité de la puissance du Web pour se rassembler et s’entraider, les médecins et infirmiers ont aussi une place dans le 2.0, comme l'int par exemple fait les professionnels du droit avant eux. Quelles formes doit prendre leur contribution ? Là est la question. Réseau social ? Site d’informations ? Plateforme interactive ? Il n’y a pas de réponses à l’heure actuelle, mais les médecins ont, avec le Web 2.0, une opportunité de se reconnecter avec leurs patients et de modérer des angoisses qui n’ont pas lieu d’être.


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