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Publié le 22 janvier 2012 Mis à jour le 22 janvier 2012

Afrique culturelle : Patrimoine(s) en péril

Le continent africain est truffé de paradoxes. Continent des pharaons et pourvoyeur d'esclaves. Paradis culturel et pépinière de la misère et des maladies endémiques. Cette Afrique privilégie le côté négatif et abandonne ses cultures

Il y a mille-et-une façons de grandir

Il est curieux que beaucoup de jeunes Africains n'aient de leur continent qu'une conception négative qui confirme que ce continent, comme l'appellent les Chinois, est un continent sans histoire, comme le suggérait aussi le discours du président français Nicolas Sarkozy à Dakar. Nombre d'Africains ignorent que les mathématiques, la grammaire, la philosophie ont vu le jour pendant l'Antiquité égyptienne. Comme on le lit sur Wikipédia par exemple à propos des mathématiques, il ne fait aucun doute aujourd'hui que cette science associée à l'architecture, fit la grande réputation des Égyptiens La maladie actuelle de l'Afrique est de s'exiler alors qu'on la repousse partout. à l'heure de la mondialisation, la planète se réduit à un petit village où ne s'imposeront que seuls ceux qui ont quelque chose d'original.

Le plus important dans la présente réflexion concerne ces événements qui commencent à provoquer des réactions sur l'identité culturelle de l'Afrique telle qu'ont souhaité la révéler au monde les savants comme le Cheikh Anta Diop du Sénégal, le Camerounais Engelbert Mveng, le Burkinabè Joseph Ki Zerbo, le congolais Théophile Obenga, etc. Il ne s'agit pas de développer ici les concepts pointus et métaphysiques de leurs idées, mais de comprendre, tout simplement, que ces savants ont voulu apprendre au monde que l'histoire de l'Afrique a été étouffée et qu'il fallait, à force de travail et de bonne foi, de courage et d'humanité, renverser le cours des idées préconçues. Ceci, afin que l'Afrique valorise son propre système de raisonnement et de perception du monde, plutôt que de se soumettre aux standards des autres.

 

La sauvegarde du patrimoine culturel : une préoccupation savante peu partagée dans les populations

 Quelques actions pour encourager cette attitude ont été entreprises avec l'aide des bailleurs de fonds, de l'Union africaine et de l'Unesco. On connait ainsi la célèbre Ecole du Patrimoine Africain, l'EPA, spécialisée dans la conservation et la médiation du patrimoine culturel tangible et intangible et qui propose à 26 pays d'Afrique subsaharienne francophone, de former des professionnels de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine culturel. Sur le continent africain on trouvera également au Niger le CELTHO, le Centre d'Etudes Linguistiques et Historiques par Traditions Orales, au Cameroun  le CERDOTOLA, le Centre International de Recherche et de Documentation sur les Traditions et les Langues Africaines, au Gabon le CICIBA, Le Centre international des civilisations bantu  dont la mission principale est de « promouvoir, de préserver les valeurs authentiques des civilisations bantou, patrimoine culturel commun aux peuples de langues et de culture bantou du nord au sud de l’équateur, ainsi qu’à ceux de la diaspora». L'Académie des langues africaines, ACALAN, assume aussi une importante responsabilité pour la perpétuation de notre patrimoine linguistique dangereusement en péril.  Mais si tout ce qui vient d'être énuméré est bien présent dans les murs des institutions, le patrimoine continental semble être absent des esprits et des mentalités. Personne ne semble plus y croire...

 

Un patrimoine populaire qui tutoie l'invisible 

Voici donc pourquoi le patrimoine immatériel va à vau-l'eau, qu'il ne présente plus aucune valeur aux yeux des Africains eux-mêmes alors que les Etrangers raffolent de ces sources exotiques qui les rendent gourmands devant l'Université de Tombouctou, devant les nombreux déserts, les religions éthiopiennes, soudanaises, la vie primitive, simple et pure des pygmées, etc.

 Plus grand encore est le patrimoine qui concerne le domaine sacré, non sacro-saint, de la parenté, de la solidarité, valeurs de plus en plus bafouées devant le matraquage médiatique qui inonde les ondes et les écrans africains. Proches de la nature avec laquelle ils ont longtemps vécu en osmose, les Africains interprètent et déchiffrent chaque bruit, chaque son, chaque mouvement. Sans satellite, ils savent dire quand il pleuvra ou quand le soleil reviendra; il savent quand, pourquoi et qui va quitter la vie de la terre et le proclament haut et fort, dès l'aube, le long du village, pour avertir le habitants encore endormis. Ils vous récitent le nom des généalogies à cinq degrés antérieurs et énumèrent, sans hésitation, le nom des bêtes sauvages comestibles, dangereuses, innocentes, à cornes, à sabot, à griffes, avec ou sans poil.

Ces connaissances, les griots les transmettent aux enfants, à travers les jeux, les contes, les légendes, les devinettes, les paraboles, les initiations, les rites qui aujourd'hui disparaissent. Chaque statuette, chaque banquette, chaque crâne conservé dans une maison est communication entre le monde visible et invisible. Chaque plat que cuisine une épouse à son mari, une fille à son père ou à ses oncles, chaque première vipère tuée et rapportée au village, chaque piège tendu, portent des messages indicibles. Et les interdits pour éviter la mort précoce ponctuent la vie quotidienne de chacun : la fidélité, l'assassinat, par les enfants, des animaux innocents comme les lézards, les vers de terre. Tous ces codes et ces rites composent un patrimoine que l'Afrique refuse de préserver et de conserver et de cultiver.

Ce patrimoine là, non exhaustif bien sûr, est à conquérir. Il disparaît. Il donnera sa place à l'Afrique de demain. Si demain, il y a encore une Afrique africaine.

Photos : Christine Vaufrey, Flickr, licence CC  BY-ND 2.0


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