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Publié le 17 janvier 2012 Mis à jour le 17 janvier 2012

Internautes, ne propagez pas la rumeur !

En Tunisie, après avoir célébré les médias sociaux si utiles lors de la révolution du jasmin, on souffre désormais des rumeurs qu'ils propagent.

La révolution du jasmin en Tunisie, bientôt considérée comme l'événement fondateur du printemps arabe dans les médias, fut aussi le triomphe des médias sociaux, utilisés tant pour l'organisation des manifestations que pour informer le monde de ce qui se passait dans les rues de Kasserine, de Tunis et d'ailleurs.

Oui mais voilà : ces médias sociaux, acclamés par les évangélistes du Web 2.0, n'ont pas seulement transmis la vérité d'une résistance en train de se transformer en renaissance; ils ont aussi transmis de nombreuses rumeurs, inexactitudes et calomnies. Et ils continuent de le faire.

 

Les médias sociaux, anges ou bêtes ?

 

Dès le mois de janvier 2011, dans l'émission L'Atelier des médias sur RFI, Julien Pain alertait sur ce phénomène : "En Tunisie, à la suite du départ de Ben Ali, on a beaucoup parlé de prétendues milices, à la solde du président-dictateur déchu, qui pillaient la ville. Aucune preuve n'a, semble-t-il, été apportée à ces ouï-dire. En revanche, des comités de défense se sont organisés dans les quartiers pour faire front (et protéger, il est vrai, des pillages). Ces comités ont fini par arrêter et molester des chasseurs suédois pensant que c'était des mercenaires car ils étaient armés. Ces chasseurs ont finalement été sauvés par la police".

Le mois suivant, l'équipe de la même émission, accompagnée de rédacteurs du sirte Sillicon Maniacs, revenait sur ce thème lors d'un barcamp organisé à Tunis : "On a tous remarqué la propagation de rumeurs et intox durant et après la révolution. Est-ce que les rumeurs sont le propre du web et en l’occurrence des médias alternatifs ? pas du tout, la preuve c’est que ces rumeurs et intox sont reprises par les médias traditionnels, et pas n’importe lesquels : Al Jazeera (pour l’arrestation de quelques personnes), Le Monde (les lingots d’or de Leila Trabelsi), Al Quods Al Aarabi (l’histoire du cuisiner de Leila Trabelsi) et autres, sans la moindre vérification. En fait, il s’agit là de journalistes qui cherchent le scoop et le sensationnel à tout prix sans vérifier les informations reçues faillant au passage, à leur devoir déontologique.", lit-on dans le compte-rendu du troisième atelier de ce barcamp, intitulé "Médias et Médias alternatifs".

Très récemment encore, les 12 et 13 janvier derniers, le colloque organisé par Canal France International intitulé «Medias et Internet, Tunisie : révolution, mutation, transition» abordait la question. Dans le compte-rendu de ce colloque, publié sur 20 minutes, on lira que nombre de blogueurs et personnalités politiques en Tunisie consacrent désormais un temps important à démonter les rumeurs qui courent sur les blogs et autres médias sociaux.

Ce phénomène n'est évidemment pas propre à la Tunisie. Pour s'en convaincre, il n'est que de consulter la section intitulée "Le démonte rumeur" sur le site de presse Rue 89 : on y trouve des dizaines d'articles dont le seul objet est de démonter des rumeurs propagées sur le net. Parmi les articles les plus récents : "Non, la police ne va pas tirer à balles réelles sur les manifs", "Non, les utilisateurs d'Internet Explorer ne sont pas des crétins" ou encore "Stop aux rumeurs sur la Ferrari de Kouchner, on veut du neuf !".

 

Lutter contre la rumeur : chacun ses armes

 

La rumeur donc, se propage d'autant plus vite que l'accès aux médias est facile. Mais en période d'instabilité, comme celle que connait la Tunisie après le mouvement populaire qui n'est que le début d'un mouvement beaucoup plus long devant mener le pays à une nouvelle gouvernance, la rumeur peut faire très mal et réduire à néant les efforts de ceux qui luttent pour installer de nouvelles pratiques politiques et citoyennes.

Plusieurs armes sont accessibles à ceux qui veulent endiguer le flot des rumeurs. Les journalistes peuvent, comme ceux de Rue89, apporter des faits qui montrent l'inanité des rumeurs. Le savoir-faire des journalistes est ici primordial, dans la mesure où il savent mener les enquêtes d'investigation qui établissent la vérité. Mais tous les journalistes n'ont pas les moyens, ni parfois la formation nécessaire, pour mener de telles enquêtes.

On peut aussi se fier à la communauté des internautes pour démonter les rumeurs. C'est le pari qu'a effectué Khelil Ben Osman en Tunisie, avec son site Ch9alek.org, sur lequel on peut à la fois déposer des rumeurs et des éléments les confirmant ou les infirmant.

Dans l'univers francophone, on citera les célèbres Hoaxbuster et Hoaxkiller. Les "hoax" sont en effet les rejetons naturels de la rumeur sur le net, comme on peut le lire sur Hoaxkiller : "Un hoax est une information fausse, périmée ou invérifiable propagée spontanément par les internautes. Les hoax peuvent concerner tout sujet susceptible de déclencher une émotion positive ou négative chez le lecteur : alerte virus, disparition d'enfant, promesse de bonheur, pétition, etc. Ils existent avant tout sous forme écrite et incitent le plus souvent explicitement l'internaute à faire suivre la fausse nouvelle à tous ses correspondants". Sur ces sites, vous pouvez soumettre à vérification les informations qui vous arrivent principalement par courriel et que vous soupçonnez n'être que des rumeurs.

 

Arrêter de partager des articles sans les lire !

 

Car il revient, encore et toujours, à l'internaute de ne pas céder aux sirènes de la rumeur. La tâche n'est pas facile, tant elle heurte des comportements profondément intégrés par les adeptes des réseaux sociaux et de leurs pratiques de partage. Qui, par exemple, n'a jamais retwitté ou partagé un lien vers un article dont le titre lui semble intéressant ? Ceux qui cherchent la popularité à tout prix et parfois pour de très mauvaises raisons n'hésitent pas à camoufler leurt inanité ou leurs mauvaises intentions sous des titres accrocheurs, sachant que la majorité des internautes ne lit pas le contenu de ce qu'il diffuse à son cercle de contacts.

C'est la démonstration que vient d'opérer François Combes sur le site Mycommunitymanager.fr : il a publié un article intitulé "(Exclu) comment activer la timeline pour les pages ?", article sans contenu pertinent, dont la publication visait expressément à "mettre en exergue les perversités qui existent autour de la diffusion de l’information sur le web et également de tester la rapidité de diffusion de l’information, aussi peu crédible soit-elle, et de voir combien de personnes sont susceptibles de retweeter ou partager un article simplement en lisant son titre, ou ses premières lignes (les images ci-dessus ont pour but de faire croire aux lecteurs qui lisent de très très loin qu’il s’agit bien d’un article sur la timeline Facebook)". Le piège a fonctionné, ce qui conduit l'auteur à quelques réflexions fort intéressantes sur les risques du partage automatique d'information, le qualificatif "automatique" référant ici autant à des applications informatiques qu'à des réflexes humains peu adéquats...

On ne soulignera jamais assez l'importance de l'éducation aux médias pour limiter les utilisations néfastes des outils et canaux numériques. Mais il ne faut sans doute pas cantonner cette éducation au seul cadre scolaire; chacun a le devoir de s'éduquer lui-même, de s'autoformer pour ne pas se conduire comme un crétin sur le web. Car s'il est important de savoir se préserver des dangers du web, il l'est plus encore de ne pas devenir soi-même un danger public, notamment en sachant ne pas diffuser des rumeurs et calomnies qui peuvent avoir des effets dévastateurs, dans la vraie vie.

 

Il faut se méfier des rumeurs, l'exemple de la Tunisie. L'Atelier des médias, 21 janvier 2011

#Barcamp Tunis : un cercle de réflexion improvisé. L'Atelier des médias, 22 février 2011

En Tunisie, le web souffre de la rumeur. Alice Coffin, 20minutes.fr, 16 janvier 2012

Réseaux sociaux et rumeurs : un cocktail détonnant ! François Combes, Mycommunitymanager, 5 janvier 2012

 

Illustration : Wieland Van Dijk, Flickr, licence CC BY-NC-SA 2.0






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