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Publié le 05 décembre 2011 Mis à jour le 05 décembre 2011

Toujours plus court sur le web ? Pas si sûr.

La règle du toujours plus court est aujourd'hui remise en question, tant sur les sites d'information que dans les produits de formation à distance.

Au moins une fois dans votre vie d'internaute, vous avez entendu dire que l'écriture web devait être brève, beaucoup plus que l'écriture destinée à un autre support. Sous l'expression "écriture web", nous entendons toutes les formes éditorialisée de production médiatique diffusées sur Internet : texte, vidéo, photo, son.

De cette règle sont nées les vidéos de quelques secondes ou minutes, les billets de blogs parfois réduits à quelques lignes plus un lien, les baladodiffusions qui n'excédaient pas le quart d'heure ou encore les diaporamas d'une dizaine de photos, ceux-ci étant généralement relégués dans une section spécifique, distincte du corps principal de l'information.

On a vu cette même tendance à l'oeuvre dans la formation à distance : les modules de formation de 10 minutes ou moins ont remplacé les modules d'une heure qui étaient encore la règle voici quelques années. 

Les raisons de cette tendance à faire toujours plus court sont multiples : concurrence entre plusieurs médias pour retenir l'attention du lecteur, écrans de mauvaise qualité qui fatiguent les yeux et donc limitent le temps passé à les regarder, développement de l'utilisation des appareils mobiles qui posent eux aussi des problèmes de lisibilité soutenue, fragmentation des tâches, explosion des réseaux sociaux qui limitent drastiquement la taille des contributions... 

Mais depuis quelques mois, des voix s'élèvent qui plaident pour le retour de productions longues. Ceci, aussi bien chez les professionnels de l'information écrite ou adiovisuelle que chez les tenants de l'expression personnelle ou chez les spécialistes de la formation à distance.

 

Information : oui à la longueur, si le contenu le justifie

 

Nombre de sites de presse sont revenus aux articles longs, ou ne les ont jamais abandonnés. Le reportage vidéo s'est enrichi d'interactivité jusqu'à devenir webdocumentaire, ce dernier pouvant durer une heure ou plus. Selon Arnaud Dressen, producteur et cofondateur de Honkytonk films, qui a produit nombre des webdocumentaires parmi les plus connus sur la toile made in France, les internautes gagnent en maturité; là où il fallait faire court pour espérer les captiver, on peut maintenant oser des productions plus longues, l'utilisateur ayant pris l'habitude de rester devant son écran. Erwan Gaucher, directeur de l'agence Cross Media consulting, estime pour sa part que la question centrale n'est pas celle de la taille du produit, mais de sa densité : la longueur doit être justifiée par l'intérêt du contenu. Oublions donc les longues entrées en matière, les digressions interminables et gavons notre produit d'informations et d'explications claires. 

Cette position est proche de celle que défend Cyrille Frank sur le site Mediaculture, et qu'il applique sur le site Quoi.info, qui s'est donné pour mission d'expliquer clairement (et parfois longuement) l'information complexe transmise par les médias traditionnels. Une forme trop synthétique, dit-il, risque de rendre le message incompréhensible.

Erwan Gaucher de se contente pas de justifier les productions longues; il insiste surtout sur le fait que la pertinence vient du bon choix média : une infographie est plus efficace pour expliquer des faits complexes qu'un long article. En revanche, un texte long sera fort bienvenu pour éclairer certains aspects d'un événement ou des positions subjectives. 

 

Réseaux sociaux : faire court s'apprend

 

Les réseaux sociaux constituent un espace à part sur la toile. Ici, la brièveté semble la règle incontournable. Oui, disent les membres du groupe spécialisé dans la rédaction web sur Linkedin; mais là encore, la taille du format ne peut être considérée comme un gage de qualité. L'article écrit par Ange Pozzo di Borgo sur le site Nice to feed you à la suite de cette discussion dresse la liste des qualités du message idéal sur un média social : succinct, informel, qualitatif, provocant... La brièveté apparaît bel et bien comme un art.

 

Formation à distance : attention aux excès de synthèse ! 

 

En formation à distance, surtout lorsqu'il s'agit de formation professionnelle, on a également vu la durée des modules se réduire. Grave erreur, nous dit Karl Kapp dans un billet intitulé The Dis-Integration of Learning.

Si les modules très courts se justifient par le fait que leurs utilisateurs les exploitent sur les temps creux de leur journée de travail, ils présentent un inconvénient majeur : la fragmentation ne permet plus d'appréhender le sens global de la formation suivie. Cela est encore accentué par le fait que les concepteurs e-learning ont le souci de rendre leurs productions les plus attirantes possibles pour les utilisateurs, n'hésitant pas soit à simplifier les textes à l'extrême, soit à enrober les contenus dans des produits multimédias qui font oublier la finalité même de la consultation. Or, nous dit K. Kapp, "le but de l'apprentissage n'est pas d'être drôle ou excitant; c'est d'être pertinent" (learning is not meant to be fun or exciting; it is meant to be purposeful). Or, à trop vouloir synthétiser les contenus de l'apprentissage, l'on aboutit au même problème que celui qu'avait noté Cyrille Frank à propos de l'information : ils deviennent abstraits, incompréhensibles, inutilisables dans la vie professionnelle car complètement décontextualisés. Ainsi le cheminement aboutissant à une prise de décision dans une situation complexe sera t-il éliminé et remplacé par une liste de points à vérifier ou une liste d'astuces. Cette mode de la liste en guise de raisonnement fait des ravages sur les blogs professionnels.

De ce bref voyage au pays des producteurs de contenus sur Internet, nous retiendrons qu'il n'y a pas un format meilleur qu'un autre dans l'absolu. Court ou long, l'essentiel reside dans la pertinence du contenu et l'adéquation entre le média utilisé et l'objectif de communication à atteindre. En matière de formation à distance, le "tout, tout de suite" n'est pas un gage d'efficacité. Fournir systématiquement des synthèses aux apprenants ne les aide pas à construire des compétences utiles. Il faut parcourir soi-même le chemin pour apprécier le pont d'arrivée à sa juste valeur.

Références :

Interview : Arnaud Dressen, producteur et co-fondateur d'Honkytonk film. Web television observer, 2 mai 2011.

Interview d'Erwan Gaucher, chaîne YouTube du site Webdocumentaire, 29 août 2011.

Ecriture web : la taille maximum est une hérésie ! Cyrille Frank, Mediaculture, 19 novembre 2011.

Quelle écriture pour les Médias Sociaux ? Ange Pozzo di Borgo, Nice to feed you, 21 janvier 2010.

The Dis-Integration of Learning. Karl Kapp, Kapp Notes, 23 août 2011, signalé sur le site La veille du changement.

Illustration : Bernard Goldbach, Flickr, licence CC BY 2.0


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