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Publié le 23 octobre 2011 Mis à jour le 23 octobre 2011

Triche et plagiat à l'université : Le Cameroun aussi

Les plagieurs et les plagiés se livrent des batailles acharnées dont les médias se font l'écho. Mais pour un cas détecté, combien de travaux frauduleux ? Il est urgent de réagir.

La loi est cinglante pour les étudiants des universités camerounaises. Elle ne lésine pas sur les cas des tricheurs et des fraudeurs qui, selon la gravité des cas, sont définitivement ou ponctuellement exclus des institutions universitaires. Le phénomène de la tricherie et du plagiat est connu ici aussi. Les amphis fleurissent des pancartes célébrant l'honnêteté intellectuelle et la compétence, condamnant tous ceux qui s'adonnent à la fraude en procédant à la substitution de personne, à la constitution des fronts, i.e, à la formation de différents groupes ayant traité de tous les sujets susceptibles de venir et de communiquer les réponses à l'aide des "bords", des "cartouches" ou des "accordéons", termes renvoyant aux nombreux supports de fraude. La devise des tricheurs est que l'homme n'est rien sans son bord, version camerounaise du doctus cum libro.

En littérature, deux étudiants, romanciers en herbe, se sont mutuellement accusés de plagiat. Un auteur camerounais avait été accusé d'avoir pillé  Guillaume Apollinaire  en publiant et en faisant insérer dans les programmes Callicools.  Le problème des droits d'auteurs se posent alors avec acuité. Le cas de la Camerounaise Calixthe Beyala est connu de tous et déchaîne les passions dans les discussions entre contributeurs de Wikipedia. Une revue internationale, Palabre a consacré un numéro spécial sur le sujet. Les travaux universitaires n'échappent pas à cette gangrène qui atteint étudiants et profs. 

 

Le plagiat du plagiat

Il y a plusieurs années, dans une institution de formation des enseignants, un professeur avait renvoyé avec la plus ferme rigueur un étudiant qui aurait recopié, pour son mémoire de fin d'études, son livre qu'il n'a pas cité. Éberlué et probablement innocent, l'étudiant avait reconnu qu'il n'avait pas cité sa source, par ce que c'était un autre mémoire d'un de ses camarades. Intriguée, l'Administration procéda aux enquêtes et conclut, preuve à l'appui, que le Prof avait recopié sans citer et pour son livre, le mémoire que l'étudiant avait repris sans citer.

Les enseignants pouvaient donc tricher et plagier. Recopier chez leurs apprenants. Ce phénomène imperceptible à l'époque où le net était encore rare, n'a pas connu de recul, bien au contraire. La numérisation et la mise en ligne des cours ont reçu, pendant des années, une fin de non recevoir, le statu quo ante permettant que les cours soient repris  sans gêne en copié-collé. Le modèle vient pourtant des pays du Nord, comme en Suisse ou en Allemagne mais aussi en France comme à Amiens, où enseigne Didier Eribon, auteur plagié qui a préféré rendre son prix littéraire plutôt que de cautionner un système où l'originalité de l'oeuvre n'est plus considérée comme une donnée de base. Certes, les outils de détection des copés-collés et les stratégies de lutte contre le plagiat émergent. Mais le phénomène relève plus profondément d'une fascination pour le succès public faisant l'impasse sur l'effort.

 

Quand les profs copient les étudiants et se copient entre eux

Et si les adeptes camerounais du plagiat se font prendre de plus en plus souvent, les victimes de plagiat n'hésitent plus à se faire connaître. Il est arrivé, ces deux dernières années, que l'actualité ait brûlé par la faute de deux enseignants, professeurs de rang magistral, qui ont pillé et exploité sans retenue le travail de leurs étudiants. En 2010, un livre est publié chez l'Harmattan sous la plume d'un enseignant. Un étudiant reconnaît son oeuvre et un dénouement, favorable et proposé par le Ministre de l'Enseignement supérieure soi-même, a été trouvé.

Un second cas, révélé au public, concerne cette fois un enseignant de l'université de Yaoundé 1, victime de ses collègues de l'Université de Sfax en Tunisie. Le détail de l'affaire et les pièces à conviction du plagiat sont présentées sur le blog de Jean-Noël Darde, Archéologie du copier-coller. Où l'on constate que le ridicule ne tue toujours pas, y compris dans ses manifestations les plus extrêmes.

Pour n'être pas encore une pandémie, le plagiat ne cause pas moins de lourds dégâts. Des mémoires de Master sont des catalogues de copié-collé passés sous silence; les plagiats entre collègues ou qui pillent les travaux d'étudiants sont monnaie courante à en croire un enseignant de l'Ens pour qui  c`est de cette manière que fonctionne l'Université au Cameroun où les enseignants exploitent les travaux d`étudiants et même des collègues. Comment détecter tous ces plagiats en l'absence de tout outil performant ?

 

Associer des outils de détection et une formation de tous à la culture de la recherche

L'absence d'équipements et d'infrastructures numériques à grande échelle favorise ce genre de pratiques. Le centre universitaire des technologies de l'information et le campus numérique de l'Auf n'accueillent que les étudiants de Master et de Doctorat. Les centre multimédias sont devenus rares et les enseignants ne disposent pas tous d'ordinateurs connectés.

L'ignorance et l'absence des outils anti-plagiat dans nos universités laisseront, pour longtemps encore, libre cours à ces pratiques que tout le monde condamne et que personne ne sait détecter. Les sanctions administratives peuvent servir lorsque, par hasard, sont décelés quelques cas. Une des solutions efficaces pourrait être la généralisation, au sein des campus, des bornes numériques, la vulgarisation des outils, mais surtout, la conscience de chacun, les étudiants, certes, mais surtout, ceux qui sont leurs modèles : les profs.  C'est le plus difficile.


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