« Le plagiat consiste à
s'inspirer d'un modèle que l'on omet délibérément ou par
négligence de désigner. Le plagiaire est celui qui s'approprie
frauduleusement le style, les idées, ou les faits ».
Cette
définition est fournie par Wikipedia sur la page dédiée au plagiat. Il ne s'agit pas d'une définition juridique : en droit continental
comme en droit anglo-saxon et dans la législation internationale sur
le droit d’auteur, il n’est pas interdit de s’inspirer des idées
ou du style, mais seulement de s’approprier l’oeuvre d’un
autre, sous sa forme matérielle.
Le délit de contrefaçon
C'est la notion de contrefaçon qui est
juridiquement définie comme une infraction, à partir de laquelle
sont évaluées les pratiques d'utilisation non autorisée des
oeuvres disposant des droits conférés par un titre de propriété
industrielle, un droit d'auteur ou un droit voisin :
« Juridiquement,
la contrefaçon se définit comme la reproduction, l'imitation ou
l'utilisation totale ou partielle d'une marque, d'un dessin, d'un
modèle, d'un brevet, d'un logiciel, d'un droit d'auteur, ou d'une
obtention végétale sans l'autorisation de son titulaire ».
(source : voir ci-dessous)
Dans les cas qui nous intéressent
directement, à savoir l'utilisation des ressources numériques en
libre accès sur Internet dans un cadre éducatif, il faut savoir que
les pratiques suivantes relèvent de la contrefaçon et sont donc
sanctionnables :
« - la représentation d'une
oeuvre de l'esprit, sa reproduction intégrale ou partielle, ou sa
diffusion par quelque moyen que ce soit (article L.335-3 du Code de
la propriété intellectuelle - site www.inpi.fr) ;
- sa traduction,
son adaptation ou sa transformation, son arrangement ou sa
reproduction par un art ou un procédé quelconque (article L.335-3
du Code de la propriété intellectuelle - site www.inpi.fr) ; »
Source : site du Comité national
anti-contrefaçon
Un délit bien difficile à éviter
Le simple fait d'utiliser une oeuvre
tierce hors des conditions définies par l'auteur ou ses
ayants-droits se conformant à la législation sur le droit d'auteur,
peut donc être qualifié de contrefaçon. Par exemple, il est
interdit de prendre possession de fichiers musicaux qui ne sont pas
mis à disposition par les ayant-droits de l'artiste (l'entreprise
qui distribue les oeuvres de l'artiste) sous conditions particulières
(achat, voire protection spécifique avec les DRM), ou par l'auteur
lui-même si ce dernier assure la distribution de ses propres
oeuvres.
Des exceptions à cette législation
existent, comme l'exception pédagogique en droit français ou le fair use
en droit anglo-saxon, qui ne couvrent néanmoins pas toutes les
utilisations banales des oeuvres et de leurs supports dans un cadre
éducatif. On comprend donc que l'utilisation actuellement illégale
mais sans aucune intention d'appropriation ou de fraude des oeuvres
artistiques et intellectuelles dans le cadre éducatif fasse l'objet
de réflexion et de négociations intenses chez les parties prenantes
: législateurs, ayants-droits et acteurs éducatifs, dans le but de
maintenir la protection des oeuvres et la juste rémunération de
leurs usages tout en assurant leur diffusion et l'accès universel à
la culture.
Le plagiat des oeuvres et des idées
S’il désigne expressément
l’appropriation d’une oeuvre ou d’un fragment de l’oeuvre
d’un tiers, le plagiat peut être considéré comme une forme
particulière de la contrefaçon; mais dans sa forme étendue et
courante, c’est aussi une pratique illégitime qui dépasse
la contrefaçon. En effet, le droit d'auteur (à partir duquel est
examinée l'accusation de contrefaçon) ne protège que « la
forme accomplie d'une oeuvre », c'est à dire la ou les formes
sous lesquelles elle est mise en circulation. Les idées et le style
de la mise en forme en revanche, ne sont pas protégés par le droit
d'auteur. On dit qu'ils sont « de libre parcours ».
D'où résulte l'extrême difficulté
de certains auteurs à défendre leurs droits quand ils estiment
avoir été plagiés sur leurs idées ou sur leur style, alors que la
forme finale est différente. Quelques exemples de combat menés sur
le champ de la littérature en témoignent.
Les journalistes sont aussi de plus en
plus vigilants pour protéger leurs projets d'articles, bien avant
que ceux-ci ne soient écrits. En France par exemple, ils peuvent
effectuer un « dépôt probatoire » de leurs projets
afin d’en prouver la paternité le moment venu :
« Faire un dépôt probatoire
consiste à placer une innovation sous pli scellé, conservé chez un
tiers.
Le pli scellé peut prendre la forme d’une enveloppe Soleau,
déposée à l’INPI, ou d’enveloppes cachetées, dont la
conservation peut être confiée à un huissier, à un notaire, ou à
différents organismes spécialisés, selon l’innovation en cause
:
l’Agence pour la protection des programmes (APP) pour un
logiciel,
la Société des gens de lettres (SGDL) ou la Société
civile des auteurs multimédias (SCAM), pour une œuvre de l’esprit
(logiciel, base de données, site internet, etc.), un savoir-faire,
une méthode, un concept.
L’organisme dépositaire est choisi
en fonction de la nature de l’innovation et des modalités de
dépôt. »
Source : Guide de la propriété
intellectuelle, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, France.
Cette démarche permettra au journaliste d'apporter des éléments
de preuve dans le cas où il estimerait être victime de plagiat
c'est à dire dans le cas où une tierce personne, ayant eu vent de
son projet et de ses premiers éléments (sources...) le prendrait de
vitesse et publierait un article ou une série d'articles similaires
au projet original, sans en demander l'autorisation ni en mentionner
l'origine.
Casse-tête juridique avec les
nouvelles pratiques de travail collaboratif
Jusqu'à présent, les accusations de
plagiat portées dans le cadre éducatif concernent surtout
l'appropriation frauduleuse de l'oeuvre d'un tiers sous sa forme
accomplie : texte, ressource sonore ou vidéo, etc. C'est le cas
classique du copié-collé sur Internet, ou de la retranscription
écrite ou orale d'une source présentée sous une autre forme, en
disant qu'one ne est l'auteur. Ces pratiques sont lourdement
sanctionnées, comme en témoignent par exemple le règlement de
l’Université de Genève
(Suisse romande) ou celui de la Teluq (Québec).
Dans l'espace anglo-saxon, on voit désormais
apparaître des avertissements et des mesures contre le pillage des idées dans
le monde académique, bien que rappelons-le, le vol d’idées ne
soit pas reconnu comme de la contrefaçon dans le droit anglo-saxon.
Les pratiques de travail collaboratif, encouragées par les tenants
du renouveau de la pédagogie universitaire et facilitées par les
outils électroniques, feront passer quelques nuits blanches aux
législateurs qui auraient à statuer sur des cas de plagiat des
idées : comment identifier la part de création revenant à chacun
des auteurs d'un travail collectif ? Quelles preuves apporter, si
l'on soupçonne que certains membres d'un groupe se sont appropriés
les idées et la forme du travail de certains autres ? Pour répondre
à ces questions, faut-il obliger systématiquement les étudiants
travaillant en groupe à conserver des traces visibles de leurs
apports, de manière à les présenter comme éléments de preuve en
cas de conflit dans le groupe ? Et à qui enfin attribuer (et le
faut-il ?) la paternité de l'idée décisive qui fait avancer la
réflexion du groupe tout entier, sachant qu'elle a probablement été
nourrie de la somme de tous les échanges ? Certes, le statut de
l’oeuvre collective ou de collaboration est bien pris en compte
dans les lois. Mais, de l’avis-même des spécialistes, ces lois
sont quasiment inapplicables, surtout dans des contextes aussi
changeants que ceux de la production numérique.
On le voit, le Droit est loin de
pouvoir répondre à toutes les manifestations réelles ou
potentielles du plagiat des oeuvres et des idées. Des situations
inédites apparaissent chaque jour; certains jugements font
jurisprudence et il importe alors d'assurer une veille régulière
pour les connaître. Pour la France, le site Legalis
consacré au droit des nouvelles technologies, et sa section
consacrée au droit d’auteur en particulier, fournissent de
précieux éléments. Il importe surtout pour les acteurs éducatifs
de clarifier à la fois le périmètre des pratiques possiblement
plagiaires contre lesquelles ils souhaitent lutter, et les objectifs
de cette lutte.
A lire également :
Plagiat,
contrefaçon, imitation et inspiration. Par Sanjay Navy, sur Le droit des Nouvelles Technologies à la
portée de tous, 12 février 2009.
Sur le plagiat littéraire : Le plagiat
sans peine, Le Monde, 22 septembre 2011
repris sur le blog de Jean-Noël Darde,
Archéologie du copier-coller, 24 septembre 2011
Un grand merci à Yann Bergheaud, enseignant dans le domaine du droit numérique et directeur du
service Universitaire d’Enseignement en Ligne (SUEL) de Lyon 3,
pour sa relecture attentive de cet article.