En pleine forêt, là où l’école occidentale n’a pas ouvert de pistes, une musique sonore envahit les petits hameaux disséminés le long du
chemin qui conduit à la plantation. Exténués, les habitants
rentrent des champs, un fagot de bois sur la tête, la machette coincée à l’aisselle
et la main collée à l’oreille, tenant entre les doigts une radio à piles.
Les enfants suivent, silencieux et inattentifs aux oiseaux qui les frôlent de
leurs ailes. Toute la famille, à la queue-leu-leu comme les canards, écoutent
les nouvelles que sert la radio.
Au loin, un grand mât rouge et blanc transperce les nuages et sert de repère à tout le village.
C’est la station de la radio communautaire, qui émet de 6h à 18h en langues
locales, avec la musique locale et quelques morceaux à la mode. L’Afrique est
ainsi constellée de ces radios créées avec le concours de la communauté internationale. L’Unesco,
le Pnud, l'Unicef, la Francophonie, le Commonwealth, la Chine, etc. se font les hérauts de la radio communautaire. La libération de la
communication intervenue en 1990 après le discours de la Baule a provoqué l'apparition d'une
nuée de radios, de journaux et de télévisions privés. La tendance majoritaire, reconnaît l’Institut Panos, se caractérise depuis une quinzaine d’années par l’émergence de
centaines de stations de radio locales et communautaires. Elles permettent
effectivement aux populations de s’informer et, selon la formule consacrée,
elles “libèrent la parole des sans voix". Les esprits chagrins diront qu'elles ont essaimé dans les pays sans autres objectifs
que de se faire de l’argent sur le dos des auditeurs et des bailleurs.
Les radios communautaires pour le développement
Mais, formidable
outil de développement proche des communautés africaines, la radio a été
subtilement orientée pour servir les populations les plus reculées et victimes
des zones d’ombres. La FAO par exemple a saisi cette opportunité pour l'exploiter aux
fins du développement de la santé et de la culture.
Cette organisation a en effet et très
tôt considéré la radio rurale comme le
moyen privilégié aux mains des communautés rurales leur permettant d'accéder
aux informations et aux savoirs utiles, de dialoguer, d'échanger leurs
expériences, leurs savoirs et techniques. L’Unesco en a offert un très grand nombre au Cameroun. Au plan technique, Radio Neederland est un fidèle compagnon qui conduit les radios communautaires à travers un réseau qui donne accès à des centres de formation locaux, avec, en prime, un campus virtuel.
Un travail a
été fait en amont; l’institut Panos a réalisé un guide encore utile. Ce travail est clair en ce sens que Les
radios communautaires sont et doivent avant tout demeurer au service de la
communauté dont elles sont issues. Elles ne sont pas là uniquement pour
renforcer les capacités opérationnelles d’ONG ou d’institutions qui souhaiteraient
éventuellement les “instrumentaliser”.
L’importance
de ces médias est réelle car elles impliquent, comme au Cameroun, en RDC
au Mali, au Sénégal, au Niger, etc. toutes les instances représentatives et proches des populations :
les municipalités, les hôpitaux, les associations de villageois, les églises,
voire les prisons et les marchés. En même temps, ce type de média devient la voix des sans voix, capable de mobiliser du grand monde pour des objectifs divers.
L'éducation informelle au coeur des villages
Proche
de l’Éducation informelle dont elle applique les méthodes, la radio
communautaire rurale éduque sur les droits et les devoirs des citoyens, sur la
prévention du sida, sur la nécessité d’aller à l’école et d’y inscrire les
jeunes filles, sur les inconvénients de l’excision, sur l’alphabétisation.
L’un
des grands avantages de ces radios est l’utilisation des langues locales, qui sécurisent et
garantissent la véracité des informations que distillent ces ondes généralement
orientées vers les femmes. Les radios communautaires jouent le même rôles que les centres multimédias communautaires, les télécentres et les cybercases présentées dans cette revue et auxquelles, comme au Mali, elles ont été couplées pour assumer le développement.
Illustration : Internews Network, Flickr, licence CC BY-NC-SA 2.0
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