Lecture et cerveau sont bien plus liés
qu'il n'y paraît. L'éducation, l'alphabétisation, et la lecture de
façon plus générale entrainent des modifications des différentes
zones cérébrales, démontrant une certaine plasticité du cerveau,
de la plus tendre enfance à l'âge adulte. Il y a deux types
d'influence : celle qui est due à l'apprentissage-même de la lecture et
celle d'une lecture plus moderne, celle que l'on pratique sur le web.
L'apprentissage de la lecture modifie
le cortex
Des études dirigées par une équipe
internationale de chercheurs, basées sur des observations par
imagerie médicale ont récemment mené à des conclusions jusque-là
insoupçonnées :
-
l'apprentissage de la lecture
augmente l'activité des aires visuelles du cortex, l'aire visuelle
primaire et l'aire spécialisée pour la forme écrite des lettres.
Autrement dit, les personnes sachant lire répondent plus facilement
à des stimuli visuels,
-
l'alphabétisation augmente aussi
les réponses aux stimuli sonores, au langage parlé, dans la région
impliqué dans le codage des phonèmes,
-
enfin, savoir lire entraine une
extension des aires du langage et une communication entre les voies
d'échanges des langages parlé et écrit. Cela signifie notamment
qu'une personne sachant lire va voir son aire du langage parlé
activée en observant simplement une phrase écrite alors qu'un
analphabète limitera la traitement du langage à la modulation
auditive.
En résumé, la lecture mène à des
modifications cérébrales et à une réorganisation du cortex, des
phénomènes qui peuvent se produire même à l'âge adulte, ces
changements n'étant pas lié à l'âge des sujets mais bien à leur
niveau d'entrainement et de pratique de la lecture.
La lecture sur le web, plus difficile
Mais il semblerait qu'il existe une
différence de traitement de l'information selon le support de
lecture. Sur Internet, l'assimilation des informations et la lecture
sont différentes d'un support papier. Moins concentrés,
les internautes ont tendance à lire un texte « en diagonale »,
passant plus facilement d'une information à une autre. Les articles
sont rapidement balayés, et cette façon de décrypter l'information
solliciterait de façon accrue le cerveau, notamment les zones de
décodage de l'écriture, mais aussi celles qui sont impliquées dans les
raisonnements complexes. En parallèle, le niveau d'attention
semblerait affecté. En effet, l'internaute moyen n'arrive pas à
rester concentré sur un article de fond, le survole et finit par
plus difficilement comprendre ce qu'il lit, si cela dépasse le seuil
de l'actualité simple. L'effort nécessaire à la compréhension
n'est plus réalisé. Le souci ici, c'est que cette dynamique de
compréhension se « perd » en quelque sorte, menant le
lecteur à éprouver potentiellement des difficultés de
concentration lors d'une lecture sur support papier. Pourquoi ces
difficultés ? Simplement parce que la fatigue visuelle de la lecture
sur écran est bien plus importante que sur le papier. Mais aussi à
cause de la surabondance des informations sur internet : des liens
hypertextes, des images, des vidéos, etc. La lecture est perturbée,
moins fluide, le cerveau « trie ».
Vous l'aurez compris, pour stimuler
votre cerveau de façon complémentaire, associez par exemple
lectures sur le net (des actualités et des articles de longueur
moyenne) et lectures sur papier (articles de fond, livres). Cela
semble être une bonne façon de conserver les effets positifs de
l'apprentissage de la lecture et son habileté à rester concentré.
Sources :
"Impact de l'apprentissage de la lecture sur le cerveau", S. Dehaene, et al., 2010.
"Lire sur Internet modifierait notre cerveau", M-C Fafard, juin 2011.
Illustration : dsevilla / Flickr CC
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