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Publié le 24 mai 2011 Mis à jour le 24 mai 2011

L'avenir des enseignants en langues : discussion publique sur la toile

Formons-nous nos futurs enseignants au monde dans lequel ils vont enseigner ?

Pour la seconde fois, le département FLE de l'université de Grenoble III a organisé pour ses étudiants de master un Forum sur les métiers du FLE au cours duquel les réalités des usages des TICE dans les langues ont été à nouveau interrogées.
Cette journée était entièrement en ligne : plus de deux cents personnes s'y sont inscrites, ont assisté de manière partielle aux interventions. Ce qui est remarquable, c'est que la présence continue a été nettement plus forte à distance qu'en présentiel.

Rien que de très banal aujourd'hui où il ne passe pas une semaine sans que les entreprises, les institutions, les universités ne posent la question de la distance entre les besoins projetés et les pratiques existantes. L'université ne se préoccupe pas toujours hélas du fossé entre un certain savoir didactique dispensé dans ses murs et sa possible application sur le terrain, et c'est le mérite de cette journée de confronter le discours des chercheurs et celui des acteurs du secteur. 

Un grand nombre d'universitaires sont convaincus, comme François Mangenot le dit en préambule de cette journée, qu'« un bon formateur est quelqu'un qui fait de la recherche », ce qui n'exclut pas dans son esprit tolérant nous l'espérons, qu'un bon formateur puisse se poser des questions et avancer en dehors de l'université, et ceci même jusqu'au monde « impur » de l'Entreprise !

Thierry Soubrié, responsable du département FLE et organisateur de la journée avait bien en tête la profonde mutation de la profession de formateur ou d'enseignant de FLE qui ne se destine plus vraiment aujourd'hui à la recherche universitaire, ou à un prochain concours de type CAPES, non plus qu'à un poste stable et pérenne dans une institution mais à des missions diverses au sein de centres et d'organismes qui vont lui demander de faire la preuve de compétences nouvelles, souvent liées aux TICE. Il reprend cependant cette défense de la formation universitaire qui privilégie les postures réflexives : il ne suffit pas d'appliquer et de tester, il  faut tirer des leçons de ses expériences, de ses échecs, et surtout être ouvert aux résultats que l'on n'avait pas prévu au départ.

Sur « l'estrade » filmée des acteurs appartenant à des sphères diverses et en coulisse des chuchotements, des questions, des agacements, des frustrations. Twitter n'était pas présent mais c'est tout comme...

Une pluralité d'acteurs

- Le secteur associatif :
Béatrice Lissot, directrice de TIPTOP,  atelier multimédia travaillant spécifiquement autour de l’apprentissage de la lecture et l’écriture du français a apporté un éclairage sur l'usage des TICE pour l'analphabétisme, l'illettrisme.
« Pour que les gens mémorisent quelque chose il faut que cela corresponde à un besoin ».

-Le secteur des formateurs indépendants :
Elodie Ressouches, ancienne rédactrice de France-parler.org, est venue parler de son expérience de formatrice de formateurs avec des enseignants étrangers  et a donné un tableau très dense des freins et des moteurs à une véritable utilisation des TICE. Sa présentation

- Le secteur de l'édition :
Fabienne Boulogne, responsable du développement éditorial aux éditions Didier a cherché à partager ses préoccupations avec les formateurs sur la façon dont les éditeurs s'efforcent de prendre en compte les innovations tout en tenant compte des attentes et des besoins exprimés par les responsables pédagogiques. « Nous sommes en quête de sens » dit-elle. Il n'est pas facile pour les éditeurs en effet de passer d'une logique de méthode universaliste à une individualisation des parcours sans s'inquiéter de la viabilité économique des nouveaux modèles numériques.

- Le secteur des grandes entreprises de formation privées :
Pour Demos Langues par exemple, acteur important du secteur des langues, 90% des formations se font encore en face à face. Le marché du FLE est excessivement restreint :  durement frappé par la crise, il tend d'ailleurs à diminuer encore ( les RH des grands groupes recrutent directement des gens qui parlent français ou bien l'ensemble des employés parlent anglais) et les formats de formation sont de plus en plus courts (10 à 20h). Les offres en « blended » (téléphone associé à des cours en face à face le plus souvent ) permettent de répondre à la demande en diminuant les coûts. Les formations hybrides sont aussi la formule idéale pour Digital Publishing, très grosse société allemande qui fournit des cours en ligne, des classes virtuelles et des solutions de tutorat par téléphone. Comment diminuer les coûts sans sacrifier la qualité des formations ? C'est cette question qui va agiter le public, en particulier à distance. Comment les impératifs commerciaux et les enjeux pédagogiques sont-ils conciliables ?

« Moi je viens de la didactique, au début, j'avais des idées, mais il faut tenir compte des réalités » : dit Andréa Boursbaquet Pichard, chef de projet chez  Digital Publishing.
« Ont-ils vraiment les moyens, en tant que boîte privée, de faire évoluer les choses ? » s'interroge le médiateur Thierry Soubrié et ce message lui répond : « Cela s'appelle le risque managérial. Il faut oser pour avancer ».

Pédagogues experts et retour sur investissement

La discussion en ligne s'enflamme sur ces questions et deux cultures de travail se confrontent ici : celle des pédagogues experts et celle des entreprises qui sont avant tout soucieuses de retour sur investissement. « Le cours hybride ne doit pas être uniquement un choix économique. Il est important de l'envisager du point de vue didactique » insiste-t-on.

On s'interroge sur la répartition des coûts sans avoir d'ailleurs de réponse claire. On précise :" Les systèmes hybrides, s'ils sont bien réalisés, ne coûtent pas moins chers. Les coûts sont seulement répartis autrement. », « On ne paie pas des enseignants mais il faut préparer le contenu, ce qui revient à payer de l'ingénierie » ou encore « Il faut former les accompagnateurs (conseillers) »

Ce qui choque profondément les formateurs dans cette vision d'un e-learning industriel, c'est le fait que l'enseignant soit ici réduit à un rôle d'accompagnement, et qu'il ne soit plus maître du contenu. Or, tous les chercheurs en TICE l'affirment, lorsqu'un tuteur n'a pas participé à la conception d'un module, il est moins efficace. Et on déplore qu'en France la profession de tuteur à distance ne soit pas reconnue : " Il n’y a pas de statut, ni de titre, dans aucune convention collective".

Une journée professionnelle que le dispositif en ligne rend très vive, qui renvoit à des questions essentielles pour l'avenir des jeunes enseignants de langues et qui a tenté de les confronter aux pratiques concrètes : pas facile de mettre en scène la diversité du monde du travail  tout en gardant le cap de l'idéal pédagogique !

Les podcasts de cette journée seront bientôt téléchargeables sur le site de l'université Stendhal

Illustration : Colorful Telephones / Mark Fischer / CC BY 2.0

Source : FORUM FLE


 



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