Qu'attendent les jeunes enseignants (qui ont actuellement entre 25 et
35 ans) du système scolaire dans lequel ils évoluent ? Comment
espèrent-ils s'y épanouir et progresser ? L’American Institutes for
Research (AIR) a publié au mois d’avril dernier une étude sur les perceptions de ceux qui formeront près de la moitié du corps professoral en 2020.
Côté profs : évaluations justes et précises, travail collaboratif et une pincée de Tice
Cette
étude fournit plusieurs enseignements intéressants. Notons tout d'abord
que les jeunes enseignants américains ne sont pas rétifs à
l'évaluation. Certains d'entre eux aimeraient même être évaués plus
souvent que ce que prévoit le dispisitif actuel, à savoir une évaluation
par an réalisée par le directeur d'établissement. Mais, bien entendu,
cette évaluation doit être suivie d'une rétroaction détaillée et ne pas
se concentrer sur les seuls résultats des élèves, comme certains le
réclament aux Etats-Unis. De plus, les enseignants aimeraient que les
résultats exceptionnels, obtenus par exemple avec des classes
particuièrement difficiles, soient récompensés de différentes manières
et pas uniquement au niveau du salaire ou des primes exceptionnelles.
Les
jeunes enseignants américains ont également l'esprit d'équipe. 62%
d’entre eux adhèrent fortement à l’idée que les autres professeurs
contribuent à leur succès en classe, contre seulement 46% de la
génération précédente. Fort logiquement, ils aimeraient que le travail
collaboratif entre enseignants soit plus systématique et prévu dans les
obligations de service. D'après eux, cela ne pourrait qu'améliorer les
résultats des élèves.
Et que pense cette génération d'enseignants
des technologies en classe ? Eux qui ont connu, pour la plupart, les
consoles de jeux à la maison, l’accès de plus en plus aisé à
l'ordinateur, l’avènement et la démocratisation de l’Internet, ne sont
pourtant pas des défenseurs des technologies scolaires à tout prix.
Certes, ils apprécient les moyens technologiques, mais ne sont pas
enthousiastes par exemple devant les usages scolaires des réseaux
sociaux, qu'ils utilisent pourtant largement dans leur vie
professionnelle. S'ils avaient le choix, ils préfèreraient une réduction
du nombre d'élèves par classe à un accroissement des outils numériques
mis à leur disposition. En revanche, ils estiment important de
familiariser les élèves avec l'informatique et les technologies
numériques.
Côté apprenants : respect et prise en compte de leurs caractéristiques
Durant ce même mois d’avril, la Memorial University de Terre-Neuve au Canada a publié une étude sur les caractéristiques d’un enseignant efficace, résultat d'une enquête menée auprès d'étudiants en cursus postsecondaire (college
ou Cegep) suivi en ligne ou en face à face. Quel que soit le mode
d'enseignement, les étudiants demandent avant tout du respect de la part
de leurs enseignants, ce terme englobant la patience, l'empathie, la
compréhension et d'autres caractéristiques qui toutes décrivent le fait
de "comprendre" que l'étudiant ne réagit pas nécessairement comme
l'enseignant. Un résultat d'enquête qui fait réagir une enseignante américaine avec une pointe d'humour : « Nous
passons des années à acquérir les savoirs nécessaires à l’enseignement
universitaire. Combien de temps passons-nous sur le respect? ». Les
étudiants en ligne attendent que leurs enseignants répondent rapidement à
leurs demandes, alors que les étudiants en face à face mettent l'accent
sur le charisme du prof et sa capacité à développer leur motivation à
apprendre.
Ces deux études montrent qu'enseignants et étudiants
aspirent à un enseignement plus humain, tirant un meilleur parti des
qualités des uns et des autres. Ceci, dans l'optique d'une amélioration
des résultats scolaires. On s'étonnera peut-être de la place
relativement modeste accordée à la maîtrise des savoirs, parmi les
qualités attendues des enseignants. Mais le physicien américain Carl
Wieman, lauréat d’un prix Nobel et conseiller scientifique pour le
président Barack Obama, affirmait récemment que la qualité de l'enseignement tient moins aux qualités supposées des enseignants qu'aux aproches pédagogiques qu'ils privilégient.
Selon lui en effet, les cours magistraux n'ont pas d'avenir et doivent
être remplacés par des méthodes et techniques plus largement
interactives. Pour étayer cet avis, Carl Wieman mentionne une expérience
récemment menée : étudiant le même contenu, deux classes ont été
soumises à des approches pédagogiques différentes. Aux étudiants de la
première, il a été régulièrement demandé de réagir aux contenus par le
biais de « clickers » (télécommandes ou boîtiers de vote); les élèves de
la seconde ont suivi un cours magistral traditionnel, sans interaction.
Les résultats au test final ont été largement meilleurs pour les
étudiants de la première classe que pour ceux de la seconde. On comprend
ici que ce n'est pas l'usage de la technologie qui a amélioré les
résultats, mais l'intention qui la rendait nécessaire : demander
régulièrement la contribution des étudiants améliore leur engagement
global. Lorsque les étudiants sont nombreux dans la classe, l'outil
technologique facilite cette interaction. Voici un argument en faveur
des Tice que même les jeunes enseignants devraient prendre en
considération.
Workplaces That Support High-Performing Teaching and Learning – Insights from Generation Y Teachers, American Institutes for Research, PDF, 44 p., 8 avril 2011
Voir plus d'articles de cet auteur