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Publié le 14 novembre 2010 Mis à jour le 14 novembre 2010

Comprendre la triche pour s'en prémunir

Toutes les institutions scolaires travaillent ardemment à inculquer à leurs élèves le goût de l'effort. Mais la tricherie reste toujours là, en filigrane, comme une friandise chocolatée: on sait que ce n'est pas sain mais si ça rassasie la faim, pourquoi ne pas céder à la tentation ?

Le très pertinent blogue Pédagogie universitaire d'Amaury Daele abordait le sujet en septembre 2010 en présentant une étude internationale faite par deux chercheuses portugaises -- Aurora Teixera et Maria Rocha -- sur la question de la tricherie en milieu universitaire. Cette recherche de 2009 affirme de nouveau que, oui, l'étudiant succombe à diverses tricheries.

D'est en ouest, garçons ou filles, on aime la triche !

Les deux chercheuses ont tout d'abord lu les différentes études sur la triche pour ensuite développer un questionnaire en ligne proposé aux étudiants universitaires en commerce et en administration de différents pays. Si la plupart des sondés étaient Portugais, une vingtaine d'autres nations se joignirent à l'initiative, dont la France où 62 étudiants de 2 établissements répondirent.

Si l'on retrouve une grande proportion de tricheurs dans les pays de l'Europe de l'Est (96% et 100% des étudiants roumains et polonais ont admis avoir copié dans un examen tout le temps ou de temps à autre), des confrères plus à l'ouest ou au sud n'ont pas à se vanter comme l'Autriche (71,6%), l'Italie (63,4%), le Portugal (65,4%), la Turquie (79,6%) et la France qui affiche un pourcentage de 83,9% ! Parmi les nations sollicitées, quelles sont alors les "bons élèves ? La Nouvelle-Zélande (20,7%), les îles Britanniques (14,4%) et, enfin, les pays scandinaves (4,9%) dont la Suède qui est bonne première avec son 4,5% d'étudiants tricheurs.

Les recherches des décennies 1970 et 1980 démontraient que c'était les garçons qui majoritairement copiaient lors des examens; les données recueillies aujourd'hui par les deux chercheuses portugaises affirment que cette particularité disparaît : les étudiantes à leur tour cèdent à la tricherie. Garçon ou filles, les étudiants en fin de cycle universitaire sont les plus gros tricheurs. En effet, on remarque que plus l'enjeu est important, plus on est porté à tricher.

Je triche par panique ou méconnaissance

Le sujet de la tricherie universitaire n'est pas neuf. Au Québec, l'émission d'affaires publiques Enjeux s'intéressait en 2008 à la question et particulièrement aux sites Internet proposant (certainement pas gratuitement) des travaux clés en main. Pourquoi les étudiants se précipitent-ils vers ces sites pour "réussir" ? Comme le souligne Amaury Daele, l'étude de Teixera et Rocha dévoile qu'en fait, la tricherie n'est pas si "volontaire" qu'on le pense.

Les conclusions de leur recherche identifient quatre tendances expliquant la triche en milieu universitaire:

  1. La méconnaissance: Beaucoup d'étudiants ne sauraient pas comment citer leurs sources, ce qu'on doit citer ou non, etc.
  2. La panique: Préparations à la dernière minute, études insuffisantes et examens comptant énormément pour la réussite du cours "forcent la main" de certains étudiants qui voient alors la tricherie comme le seul moyen d'y arriver.
  3. L'influence sociale: On a beaucoup moins de scrupules à tricher quand on connaît des gens qui l'ont fait.
  4. Environnement d'études permissif ou pas assez structuré: Les universités ne réfléchissant pas sur l'adoption de codes d'éthique ou de chartes de bonne conduite sur les travaux risquent d'abriter davantage de plagiaires. Même chose quand il n'y a pas de sanction lourde infligée à un tricheur avéré.

La solution vient des facultés elles-mêmes

En 2007, Timothy Austin écrivait sur le sujet du plagiat en milieu universitaire en blâmant des collègues enseignants d'adopter la stratégie de l'autruche. Pour lui, ce n'est pas en enterrant sa tête dans le sable et en n'utilisant que des détecteurs technologiques que la culture du plagiat va s'éteindre. C'est au contraire en abordant de front avec les étudiants des questions comme l'honnêteté intellectuelle et en développant des codes d'éthique dans chaque classe qu'on y arrivera. Pourquoi dans chaque classe ? Parce que les professeurs ont tous une vision différente de la tricherie ou du plagiat. Certains veulent que toutes les références -- y compris le manuel scolaire -- soient citées dans un travail alors que d'autres sont plus souples.

Une idée soutenue, entre autres, par l'étude des deux chercheuses portugaises qui ont noté que les universités avec de telles politiques (codes d'éthique, contrats de non-plagiat) ont des taux de copie moindres. Le tout, comme le soulignera Nicole Perreault du REPTIC, doit être complété par des ressources pour comprendre quand et comment mentionner ses sources de travaux.

Une autre solution proposée est de réaliser davantage d'évaluations sommatives partielles. On remarquerait une baisse significative du plagiat dans des cursus comportant plusieurs travaux et examens plutôt qu'un ou deux gros tests durant un semestre. Il est beaucoup plus facile de préparer un plan de tricherie pour une seule épreuve que pour plusieurs. De plus, manquer une épreuve n'est pas considéré comme une catastrophe si l'on sait que l'on pourra se rattrapper sur l'épreuve suivante; cette stratégie d'évaluation incite donc moins à la tricherie que celle qui conduit les étudiants à risquer leur va-tout sur une seule épreuve.

Fondamentalement, la pratique répandue de la triche contraint à s'interroger sur la validité du système de validation imposé aux étudiants.  Voici deux ans déjà, François Guité s'interrogeait sur ce sujet et avançait même que l'utilisation des outils de détection de plagiat ne faisait que stimuler l'imagination des étudiants, pour qu'ils trouvent des manières toujours plus subtiles de tricher.

Bref, pour empêcher que les hordes de jeunes gens dans les campus trichent, il faut plus que des détecteurs informatiques: il faut une politique éducative qui permette de faire comprendre aux étudiants l'importance de l'honnêteté intellectuelle et les évalue de différentes façons. L'université de Bergen en Norvège nous montre ici un très bon exemple de la sensibilisation réalisée auprès des étudiants. Cette vidéo qui parodie, entre autres, le Conte de Noël de Dickens (et bien d'autres oeuvres comme la série américaine 24 heures chrono) explique de façon amusante - et même en partie chantée - pourquoi et comment éviter le plagiat. Notons qu'il est possible d'activer des sous-titres anglais en visionnant la vidéo directement sur le site de YouTube :

"Cheating by economics and business undergraduate students: an exploratory assessment", Aurora Teixera et Maria Rocha, 3 septembre 2009, PDF, 39 p.

La triche, Pédagogie universitaire, Amaury Daele, 15 septembre 2010


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