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Publié le 28 mars 2011 Mis à jour le 28 mars 2011

Avec l'avatar, tout le monde a le droit à une deuxième vie

L'avatar désigne ce personnage en deux ou trois dimensions qui représente les agents du cybermonde. Massivement présents dans les jeux vidéos, ils ont envahi les médias sociaux et plus généralement tous les espaces de communication en ligne. On les trouve désormais sur les sites d'entreprises où ils renseignent et guident les clients, associés aux FAQ où ils répondent gentiment à toutes nos questions, mais aussi sur certaines plateformes de formation à distance et bien sûr partout où ils ont vocation à nous représenter.

Dans un article intitulé "L’heuristique de l’avatar : polarités et fondamentaux des hypermédias et des cybermédias" publié dans la Revue des Interactions Humaines Médiatisées, Etienne Pereny et Etienne Armand Amato dressent l'historique de l'avatar, avant d'en analyser les usages actuels et à venir.

Les origines

Dès son origine, le terme avatar désigne la réprésentation d'un être dans une réalité qui n'est pas celle dans laquelle il se meut habituellement : "L’étymologie du mot avatar provient du sanskrit avatara qui conjugue l’idée de descente ou d’entrée (ava) et celle de traversée, de passerelle (tara) pour désigner l’incarnation terrestre occasionnelle de la divinité Vishnu (voir ci-contre). Dans la tradition théologique védique, puis hindoue, Vishnu l’Immanent veille sur le Dharma, l’harmonie cosmique. Il séjourne paisiblement dans les sphères célestes tant que les cycles de création-préservation-transformation s’accomplissent sur la Terre. Si le désordre ou l’injustice les menacent, il intervient pour rétablir l’ordre, quitte à provoquer de salvatrices catastrophes. Il se manifeste alors dans notre monde sous l’une de ses formes majeures ou mineures appelées avatars". On comprend alors que le terme ait eu un tel succès, d'autant plus qu'il est multilangues : l'avatar représente la forme qui permet d'agir dans une autre réalité. Il permet à l'être humain de se sentir présent dans un univers différent, il l'intègre même à cet unvers.

Dans sa dimension numérique, l'avatar est généralisé, au tournant des années 1990, dans l'univers du jeu vidéo. Il fait partie intégrante de cette culture underground du jeu, qui s'est également exprimée dans une certaine littérature "cyberpunk". Mais l'avatar ne reste pas cantonné aux cybermondes cohérents, tels qu'on les trouve dans les jeux massivement multijoueurs; il a désormais investi bien d'autres pans du web, tous ceux en fait qui réclament notre présence. Au point qu'il désigne parfois l'identité en ligne de l'internaute : "Des internautes familiers des divers systèmes interactifs ludiques et habitués à jouer de leurs identités multiples plus ou moins distanciées ou fictives n’hésitent pas à envisager certains de leurs profils personnels en ligne comme constituant leurs avatars, au sens où ce sont des versions décalées, dégradées ou caricaturales d’eux-mêmes". L'avatar a donc grandement profité du "pseudonymat" qui est de mise sur Internet, allant de pair avec une certaine mise en fiction de la vie de l'internaute.

Le sacre de l'agent individuel

Cette mise en fiction fait irrésistiblement penser aux jeux de rôles. Bien avant la généralisation de la micro-informatique et d'Internet, Gary Gygax avait fixé les règles du jeu de rôle dans lequel le joueur est représenté par un personnage (un avatar) devant user de tactiques pour progresser dans le jeu. Le jeu de rôle consacre donc le triomphe de l'individualisation plutôt que des mouvements de masse qui étaient l'apanage des jeux de reconstitutions de bataille.

Les auteurs de l'article soulignent le fait que la technologie numérique a permis de reprendre, dans l'espace virtuel, les caractéristiques fortes du personnage agissant dans les jeux de rôles : "cette forme de jeu a développé et abouti un processus de modélisation que nous qualifions d’ « avatarisation ». Il consiste à réduire les traits d’un être vivant ou artificiel à un certain nombre de critères et paramètres opérationnels, pertinents et manipulables, que cet être soit un héros fictionnel ou qu’il soit l’utilisateur lui-même transposé dans un système ludique ou encore de communication. Si on ajoute à cela que le joueur participe à la confection initiale de l’identité de son personnage et choisit la figurine le représentant, un véritable phénomène d’attachement originel lui garantit d’être impliqué par la destinée de son double et de se sentir transporté dans l’univers auquel celui-ci appartient".

Nous sommes donc attachés à nos avatars parce que nous les avons créés, qu'ils nous immergent dans la réalité virtuelle sous une forme améliorée de nous-mêmes, puisque nous les avons dotés de caractéristiques propres, complétées dans les jeux par celles qui s'ajoutent au fil de nos missions. L'illusion immersive est encore plus grande lorsque nous avons accès aux caméras subjectives qui nous font voir l'environnement de l'univers de jeu par les yeux de notre avatar. Ce principe est d'ailleurs repris dans nombre d'univers virtuels qui n'ont pas une visée exclusivement ou spécifiquement ludique, comme Second Life ou même Assemb'Live, qui est un univers de réunions virtuelles.

Avec l'avatar, nous sommes simultanément "dans" et "hors" de l'univers virtuel; partie agissante interne mais pilotée de l'extérieur : "C’est en cela qu’il y a bilocation et que le sujet se dédouble".

Nous l'avons vu, l'avatar a quitté son univers d'origine, les cybermondes cohérents et stables, pour se transporter dans "l'hymermonde" composé de médias inter-reliés. Les auteurs de l'article semblent d'ailleurs considérer l'espace web tout entier comme un vaste univers de jeu, la navigation de l'internaute pouvant alors être comparée aux sauts spatio-temporels qu'effectue le traditionnel héros de science-fiction, chaque page ou site constituant un univers stable en lui-même, relié aux autres par des indices (hyperliens, mots-clés...) à découvrir par l'internaute averti. Hyper et Cyber se rejoingent bel et bien sur Internet : "les sites Web hébergent des modules vraiment cybermédiatiques, sous la forme d’animations interactives ou de jeux courts souvent codés en Flash. Il s’agit bien là de micro-mondes simulés qui forment des ilôts cyber accessibles au sein d’arborescences et de réseaux hyper".

La dernière frontière ?

Et la frontière du monde réel semble ne plus constituer l'ultime frontière : les auteurs soulignent que les applications de Google permettent de passer de la carte au territoire et inversement, de s'imerger dans un espace physique grâce à la flèche de positionnement (symbolisée par une silhouette humaine dans Google Street View), et même dans une oeuvre d'art avec l'application Google Art Project !

A un tout autre niveau, le collectif Raspou Team a créé une visite interactive du Paris de la Commune, qui s'appuie sur des personnage de papier collés sur les murs de la capitale (voir ci-contre). Ces personnages brandissent des QR Codes qui, une fois intégrés à votre smartphone, vous donnent accès à des informations (photos, textes) sur les événements qui se sont déroulés à cet endroit lors de cette période révolutionnaire : "depuis quelques jours, le Raspou Team allie la grande Histoire et les petits smartphones, mixe les archives et l’actualité du moment, brouille l’espace et le temps. Quarante cinq articles, et autant d’interventions, sont prévus sur les lieux mêmes où l’histoire s’est déroulée", dit-on dans l'article d'Owni qui est consacré à cette équipe. Les messagers de papiers ne sont pas des avatars à proprement parler, mais des passeurs qui donnent accès à un univers enrichi grâce à la numérisation des informations accessibles sur appareil mobile.

L'article "Le futur de l'avatar" publié sur le blog Mondes virtuels va encore plus loin, et prédit que dans un temps pas si lontain, nous serons tout à la fois capables de créer de véritables populations d'avatars interagissant sans notre concours dans l'espace virtuel, et des avatars qui agiront dans la vie réelle ! "Grâce à la réalité augmentée, la possibilité « d’incrustation » d’un avatar dans le monde physique est à portée de main. Mais il y a plus. A l’image de techniques de type holographique, les avatars franchiront peut-être bientôt la « membrane » qui sépare la virtualité de la réalité, et pourront faire acte de présence dans le monde réel comme s’ils étaient des êtres réels, communiquer, et même interagir directement avec des objets réels".

Pourrons-nous télécharger nos esprits dans ces avatars ? C'est bien l'expérience qui a été imaginée dans le film désormais culte de James Cameron appelé... Avatar.

L’heuristique de l’avatar : polarités et fondamentaux des hypermédias et des cybermédias. Etienne PERENY, Etienne Armand AMATO, Revue des Interactions Humaines Médiatisées, Vol 11 – N°1 / 2010.

La Commune de Paris. Interview des membres du collectif raspou Team, créateurs de l'application. Owni, 19 mars 2011.

Le futur de l'avatar. WangXiang, blog Mondes virtuels, 8 février 2010.

Des ressources pour créer vos avatars sur Pearltrees

Illustrations (de haut en bas) :

Wallpaper Avatar sur thewallpapers.org

NYC - Metropolitan Museum of Art - Stela of a Four-Armed VishnuWally GobetzCC BY-NC-ND 2.0

Raspou Team, La Commune - Carte des événements


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