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Publié le 28 février 2011 Mis à jour le 28 février 2011

2001, l'odyssée des ressources libres

Deux initiatives de création de ressources libres ont vu le jour en 2001, dont on ne saurait se passer aujourd'hui.

2001 n'est pas seulement l'année de l'Odyssée de l'espace, c'est aussi celle qui vit la naissance de deux Pur-Sang de  l'Internet libre : les cours en ligne libres du MIT et l'encyclopédie Wikipedia.

... Et Wikipedia inventa la révision après publication

Jean-Noël Lafargue, lui-même contributeur de Wikipedia a écrit en janvier 2011 sur Le dernier des blogs (article repris sur Owni) un long et passionnant article commémorant le dixième anniversaire de la naissance de Wikipedia. Il s'agit moins d'ailleurs de commémorer une naissance que de saluer un succès qui ne s'est pas démenti au long des dix dernières années, et dont rien n'indique qu'il doive laisser la place à d'autres pendant les dix prochaines.

Car « Wikipédia a fini par donner corps à l’Internet qu’imaginaient les scénaristes de séries télévisées au milieu des années 1990 : une sorte d’oracle auquel on pourrait poser toutes les questions ». Grâce à Wikipedia, la circulation du savoir, « consubstantielle de l’informatique personnelle », est effective. Cela a été rendu possible par une décision qui paraît aujourd'hui bien banale : celle de valider les contenus après publication et non avant, comme dans l'édition classique héritée du règne du livre de papier. La validation a posteriori a depuis été adoptée par nombre de producteurs de contenus, qui préfèrent publier tôt et mettre à jour souvent plutôt que d'atteindre une hypothétique perfection validée par une instance supérieure avant de publier – alors que l'intérêt pour le sujet a disparu, ou que l'état des connaissances a déjà évolué.

Lafargue passe en revue dans son article tous les griefs qui sont faits à Wikipedia, de l'anonymat des auteurs et du ton « plat » de la majorité des articles :«  Il ne suffit pas de parler comme un dictionnaire pour pouvoir prétendre tout savoir, et une parole sans auteur identifiable peut sembler, de prime abord, un peu lâche, car une affirmation a forcément un émetteur et reflète un point de vue », aux contributions orientées, voire directement manipulatrices, qui exploitent le respect dû à l'écrit : « Au delà de la propagande, il n’est pas rare que des contributeurs de Wikipédia, y compris parmi les plus sérieux, se laissent aller à utiliser l’encyclopédie pour faire coïncider ses articles à leurs propres opinions, à leur réalité, comme s’il suffisait qu’une chose soit écrite publiquement pour qu’elle devienne, par miracle, une vérité ».

Lafargue évoque ensuite son expérience de contributeur, le réseau social que composent les contributeurs réguliers, les bonnes et mauvaises habitudes qui attirent ou au contraire font fuir ceux qui sont tentés d'ajouter eux aussi leur pierre à l'édifice. Il souligne la volonté des contributeurs de s'affranchir de la hiérarchie académique, quitte à froisser ceux qui y ont construit leur légitimité : « Imaginez en tout cas ce qui arrive lorsqu’un professeur d’université qui a passé sa carrière à étudier un sujet vient modifier un paragraphe de l’encyclopédie qui s’y rapporte et voit sa contribution censurée avec un commentaire laconique tel que « citez vos sources SVP » ou « Wikipédia n’est pas une poubelle, merci » (ce « merci » qui est presque un gros-mot), commentaire émis par un « morveux » qui connaît tout à Wikipédia et à ses rouages mais strictement rien au sujet de l’article sur lequel il intervient… ». Quel choc des cultures !

Lafargue, lui-même enseignant à l'Université Paris 8 (où il a d'ailleurs animé pendant cinq ans un « atelier Wikipedia ») reste très positif sur Wikipedia, préférant prendre le parti du désordre plutôt que de la censure, car « la liberté de faire et de dire, la prise en mains par le nombre de son propre destin et même de sa manière de s’informer et d’apprendre sont bien les choses qui inspirent le plus de méfiance ».

Wikipedia a bel et bien apporté une somme considérable de connaissances à des publics qui en étaient éloignés, culturellement, géographiquement ou économiquement.

L'OpenCourseWare du MIT : l'excellence pour tous

A sa manière, le Massachusset Institute of Technology de Boston a lui aussi rapproché la connaissance des publics éloignés. En avril 2001, le MIT mettait ses premiers cours à la disposition de tous par le biais d'Internet, au travers de la désormais célèbre OpenCourseWare Initiative. On peut lire sur le site du New York Times l'article écrit à l'époque, dans lequel le président du MIT  Charles M. Vest affirmait sans hésiter que cette initiative ne serait pas perçue comme déloyale par les étudiants se saignant aux quatre veines pour accéder à la prestigieuse université : « Notre valeur principale réside dans les gens, dans l'expérience humaine des enseignants travaillant avec les étudiants dans les classes et les laboratoires, des étudiants apprenant les uns des autres, et dans le dense environnement que nous avons créé dans notre université résidentielle ».  M. Vest avait vu juste : les cours en ligne sont même devenus les meilleures cartes de visites du MIT, permettant aux futurs étudiants de s'informer de ce qui y est enseigné et de faire leur choix de crédits.

Là encore, la réussite est éclatante, comme le montrent les chiffres diffusés par le MIT à l'occasion de ce dixième anniversaire et repris sur ReadWriteWeb. En 2010 seulement, les cours en ligne du MIT, ce sont :

  • 17,5 millions de visites,
  • 9,6 millions de visiteurs,
  • 11,8 millions de fichiers téléchargés depuis iTunesU,
  • 7,3 millions de vidéos vues sur YouTube,
  • 275 000 visites depuis la communauté du MIT

Ce dernier chiffre montre à quel point les cours du MIT ont dépassé leur audience première, sont désormais bien plus que des aides mémoires pour les étudiants et enseignants fréquentant l'établissement.

Et le MIT ne se contente pas de fournir d'excellents cours en ligne, en accès libre : depuis octobre 2010, existe un réseau social  réservé à ceux qui utilisent les cours à des fins de formation. Ceci, afin de leur fournir un environnement interactif dynamisant leur apprentissage. Les membres de la communauté Open Study peuvent ainsi s'entraider d'un bout à l'autre du monde.

À travers l'OCW, le MIT a atteint environ 100 millions de personnes en 10 ans. Son but pour 2021 est de toucher... un milliard d'individus. On trouve sur le site de l'OCW les grandes lignes du développement à venir :

  • Rendre les cours encore plus accessibles, notamment grâce au développement d'applications mobiles;
  • Atteindre de nouveaux publics, par l'adaptation des cours à une plus grande diversité de cultures et de parcours d'études;
  • Créer des communautés autour de l'apprentissage ouvert, avec le développement des communautés Open Study;
  • Renforcer les compétences des enseignants partout dans le monde, de manière à ce qu'ils puissent utiliser le matériel dans leurs classes et ainsi démultiplier leur impact.

Des contenus sous licence libre pour améliorer leur circulation

Tous les articles et contenus de Wikipedia, tous les cours en ligne proposés par le MIT dans le cadre de l'OCW sont sous licence libre. C'est la clé de leur succès. Les deux institutions poursuivent sans doute des buts différents mais se rejoignent dans l'impératif d'une meilleure circulation des savoirs. Pour les créateurs et animateurs de Wikipedia, la circulation des savoirs est une fin en elle-même. Les esprits chagrins diront peut-être qu'elle n'est qu'un moyen pour le MIT, qui attire ainsi de nombreux esprits brillants. Néanmoins, dans les deux cas, les deux institutions rendent des services inestimables à la communauté apprenante mondiale.

Si les francophones peuvent profiter du million d'articles publiés dans leur langue sur Wikipedia, ils attendent encore une initiative du même niveau que l'OCW pour les ressources d'apprentissage en ligne. C'est un financement privé qui a permis au MIT d'adapter des milliers de cours en ligne et de les mettre à disposition de tous gratuitement; qui, quel consortium, pourrait soutenir une entreprise similaire en français ?

Wikipedia : 10e anniversaire de Wikipedia / 10 ans, 10 événements. Page de l'encyclopédie Wikipedia.

Wikipédia a 10 ans. Jean-Noël Lafargue, Le dernier des blogs, 10 janvier 2011

Year-End Stats from MIT Point to Increasing Popularity of Open Educational Resources. ReadWriteWeb, 4 janvier 2011

The Next Decade of Open Sharing : Reachning One Billion Minds. MIT OpenCourseWare.

Illustrations :

Haut : Wikipedia Michelangelo, Wikimedia Commons  / CC BY-SA 3.0

Bas : le MIT sur iTunes (capture d'écran).


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