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Publié le 26 avril 2010 Mis à jour le 26 avril 2010

Le dialogue interculturel en ligne, un exercice délicat

Lorsqu'on parle "échanges interculturels" en ligne, à quoi pense-t-on ? À des élèves de différentes nationalités échangeant des propos et objets multimédia par courriels, par webcam ou par le biais d'un site. Cependant, peut-on réellement parler de dialogue interculturel ? Pas toujours...

Internet a tout changé

L'usage généralisé du réseau informatique a littéralement bouleversé nos façons d'enseignenr et de s'approprier les compétences interculturelles. Auparavant, on misait surtout sur des cours magistraux vulgarisant rapidement la langue, les symboles, us et coutumes, etc. Certains avaient la possibilité d'engager une correspondance épistolaire. D'autres, plus chanceux, vivaient un véritable échange, pendant lequel ils rencontraient leurs pairs étrangers et partageaient leurs coutumes.

Tout cela était à la merci des aléas de la communication postale, des budgets scolaires, de la collaboration entre écoles de diverses nations, etc.

Avec Internet se sont mis à émerger des initiatives comme, par exemple, eTwinning qui fêtait ses cinq ans cette année et dont nous avons parlé ici.

L'échange interculturel par Internet devient alors un moyen beaucoup moins coûteux et tout aussi stimulant pour les élèves qui peuvent voir des collègues d'autres pays en "face-à-face virtuel".

Mais est-ce un véritable échange interculturel ? Pas nécessairement comme le soulignent François Mangenot et Katerina Zourou, deux professeurs de l'Université Stendhal-Grenoble3, dans un texte publié en 2007 dans la Revue de linguistique et didactique des langues. Ainsi, ce n'est pas parce qu'un échange comprend différentes langues ou nationalités, disent-ils, qu'il est forcément interculturel. En fait, cette dimension se manifesterait surtout dans des expériences faisant ressortir des "rich points": des réflexions sur la langue, les postures ou la manière de s'exprimer des interlocuteurs qui démontrent des idées, des coutumes ou des croyances de leur culture spécifique.

Le dialogue interculturel en ligne: du bon et du moins bon

Pour donner des exemples et analyser ce qui se fait ou s'est fait dans le passé, les auteurs ont analysé plusieurs expériences réalisées, en les observant sous l'angle du dialogue interculturel.

La première initiative, et non la moindre, se nomme Cultura. Cette initiative permet à des étudiants américains et français de découvrir les valeurs, idées, croyance et attitudes des deux sociétés en présence. Ainsi, les étudiants répondent anonymement à des questionnaires dans leur langue maternelle portant, par exemple, sur leur vision de la famille, du patriotisme, de la liberté, du succès, etc. Une fois que tous ont répondu, on met les réponses en ligne et on analyse. Il y a également des échanges sur différents sujets qui se peuvent se faire sur des forums.

Ici, le dialogue interculturel constitue le coeur-même de l'activité, qui vise à faire découvrir des facettes inconnues des cultures censément connues, et de sa propre culture, afin d'en débusquer les stéréotypes. Cependant, il y a des bémols: la plupart des répondants utilisent leur langue maternelle pour répondre. Donc, cela limite les possibilités d'apprentissage du français pour les Américains et vice-versa. Deuxièmement, comme on peut le voir sur cet exemple de carnet de bord, il faut que la participation étudiante soit là et ce n'est pas toujours le cas.

Deux autres cas de figure furent aussi étudiés. Ceux-ci, cette fois, provenaient du projet "Le français en (première) ligne" où l'apprentissage d'une autre langue est davantage mise en avant. Le premier scénario était le suivant: un groupe de Français et d'Australiens concevait une fête fictive polynésienne pour un personnage "demi" (métisse issu d'une union entre Français ou Chinois et Polynésien). Les participants à ce jeu de rôle devaient donc intégrer coutumes, boissons, plats et musiques de la Polynésie.

Ne pas se contenter d'à peu près en matière de conanissance des cultures

En termes de participation sur le Net, ce scénario fut un succès. Beaucoup de messages et d'échanges d'idées. Par contre, en terme de dialogue et de construction de l'interculturel, ce fut un demi-échec. Rapidement, les étudiants oubliaient l'obligation de s'informer sur les particularités de la Polynésie et d'utiliser ces connaissances dans leurs scénarii. En matière de cuisine par exemple, les étudiants se sont contentés d'approximations assimilant des spécialités hawaïennes à la cuisine polynésienne; les choix musicaux furent encore plus vagues, quelques mesures rappelalnt vaguement "les sonorités de la musique des îles" étant choisies. Bref, beaucoup de globalité, mais rien de précis.

Le second scénario mettait en jeu la connaissance réciproque du Japon et de la France. Cette fois, il n'y avait pas vraiment d'échanges. Des étudiantes universitaires japonaises et françaises partageaient par le biais de documents le compte-rendu d'une journée ordinaire typique.

Cet exercice, au point de vue interculturel, fut beaucoup plus réussi. En effet, même sans contacts directs, il était alors possible pour les étudiantes de comparer et de comprendre les différences culturelles. Par exemple, les Japonaises notaient que les Françaises disaient prendre le temps de déjeuner avant d'aller en cours. Une réalité impossible pour des habitantes de Tokyo, une des villes les plus denses en population de la planète, surtout si elles devaient arriver à l'heure à l'université !

Cette approche a été plus efficace que la première car, contrairement au jeu de rôle du premier scénario, il s'agissait d'expériences authentiques, développant ainsi les fameux "rich points". Une initiative pertinente donc, pour développer le dialogue interculturel et qui présente l'avantage de ne pas mobiliser de gros moyens techniques et financiers.

En conclusion, on peut donc voir que le projet entre Japonaises et Françaises et le projet Cultura ont permis d'engager un véritable dialogue interculturel. Confrontant les étudiants à des réalités différentes des leurs, ils facilitent l'émergence d'une meilleure compréhension entre les peuples. Il s'agit d'un apprentissage important pour les jeunes dont certains auront l'opportunité de travailler en milieux interculturels.

Et si ces échanges en ligne n'étaient que le début d'un processus d'acquisition de compétences interculturelles ? La prochaine étape de tels projets pourrait-elle être le développement de "journaux d'étonnement", de blogues dans lesquels on pourrait échanger ses perceptions et analyses rationnelles de la culture de l'autre ?

Ce sont, en tout cas, les questions posées par les auteurs de ce texte que nous vous invitons à lire pour plus de détails:

"Susciter le dialoguer interculturel en ligne", texte de François Mangenot et Katerina Zourou, 2007.


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