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Publié le 23 avril 2010 Mis à jour le 23 avril 2010

Les bénévoles de la science

Les fans de science sont-ils excentriques ? Les plus mordus avaient déjà fait don à la science du temps libre de leur ordinateur pour chercher des extra-terrestres dans le cadre de Seti@home. Ils passent maintenant une partie de leur propre temps libre à… plier des protéines ! Rémi Sussan décrit pour Internet Actu le jeu Foldit lancé par David Baker, professeur de biochimie à l’université de Washington. Le principe ? Plier des protéines pour leur faire prendre des formes 3D encore inconnues, tel un puzzle, « avant d’envoyer leurs résultats au laboratoire de Baker, qui analysera ces productions ».

Quand on sait que la structure d’une protéine détermine sa fonction, on comprend que « fabriquer [des] protéines qui n’existent pas dans la nature représente un enjeu considérable (…) dans le domaine de la santé » pour fabriquer de nouveaux médicaments et « mieux comprendre et lutter contre des maladies ». Malgré l’aspect austère de la présentation, l’attrait du jeu est bien présent : « les joueurs peuvent bouger différents éléments de la chaîne, effectuer des rotations. [Ils] sont en compétition les uns avec les autres » ou associés en équipe.

Le cerveau humain supérieur à l’ordinateur

Le jeu a recours « aux capacités innées du cerveau humain à reconnaitre les formes pour effectuer des travaux que les ordinateurs ont du mal à faire ». En effet, Rémi Sussan explique qu’un « ordinateur doit aujourd’hui passer une journée pour calculer une nanoseconde de pliage. Pour un pliage complet de dix microsecondes, il faudrait donc 10 000 jours de temps machine, soit 30 ans ». Le calcul est vite fait, mieux vaut avoir recours au crowdsourcing qui, selon Wikipédia, « consiste à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre d'internautes, et ce, au moindre coût ».

Autre exemple de jeu « scientifique » : Starlogo « un langage informatique créé par Mitchell Resnick au MIT dans les années 90 [qui] sert à modéliser les comportements collectifs ou émergents, (…) tant dans les domaines du vivant que dans les sciences sociales, et qui sont si difficiles à comprendre de manière intuitive : un “monde Starlogo” met en scène plusieurs centaines d’agents dont les interactions vont faire surgir des situations imprévues, comme les embouteillages, la synchronisation des lucioles, l’intelligence collective des termites, etc ».

Multiplier les filets à papillons...

Les bénévoles de la science ne sont-ils que des « geeks » scotchés à leur écran ? Non, comme on peut le lire dans l’article de Denis Sergent pour La Croix, nombreux sont les apprentis naturalistes à donner un coup de pouce pour dénombrer et identifier les oiseaux, papillons et autres escargots de leur jardin.

Les membres des associations naturalistes comme le Groupe ornithologique normand, l’Association faune et flore de l’Orne, la Ligue de protection des oiseaux ou l’Observatoire des papillons de jardins (lancé par l’association Noé-Conservation et le Muséum national d’histoire naturelle) l’ont compris : « faire ainsi de la « science participative », c’est joindre l’utile à l’agréable » ou encore « à l’instar de M. Jourdain vis-à-vis de la prose, c’est faire de la science sans le savoir ». La principale satisfaction de ces amateurs : « recevoir un compte rendu du « travail réalisé » (…) et savoir que leur contribution sert ensuite à des études écologiques (…) ou démographiques ».

Autres domaines où les bénévoles sont particulièrement actifs, « la botanique avec le réseau collaboratif francophone Tela Botanica, fort de 10 000 membres éparpillés dans 85 pays, l’astronomie [mesures d’étoiles doubles, décompte de taches à la surface du soleil, recherche d’astéroïdes] et, à un moindre degré, la paléontologie [voir à ce sujet l’article de Libération sur la découverte de traces de pas de dinosaures par des amateurs éclairés] et l’archéologie ».

Qu’est-ce qui motive ces amateurs ? Selon Rémi Sussan, « une volonté très présente de réduire le fossé entre le “chercheur” qui élabore des théories et des hypothèses, et le citoyen lambda, qui ne connaît pas d’autres choix qu’apprendre et accepter les travaux du premier une fois qu’ils ont été validés ».

... et organiser la collaboration

Ce fonctionnement « main dans la main » est d’ailleurs la raison d’être des PICRI, ou Partenariats institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation mis en place depuis 2005 en Ile-de-France. Ce sont des « projets de recherche ou d’études scientifiques menés en collaboration par des chercheurs et des acteurs de la société civile », explique Paul de Brem dans un dossier consacré aux PICRI sur le site de la Banque des Savoirs.

On y retrouve le projet « Papillons des jardins » mais aussi et entre autres une étude de patients souffrant de TOC, un espace de femmes citoyennes, une étude sur la migration sénégalaise ou encore la création d’un réseau d’acteurs du commerce équitable.

Ces PICRI ont une idée commune, « faire émerger des recherches véritablement en prise avec les attentes de la société » et un modèle, « les Alliances de recherche universités-communautés en économie sociale, qui existent depuis 2000 au Canada et permettent à des chercheurs et à leurs partenaires (entreprises de l'économie sociale) de mener ensemble des travaux de recherche, des activités de formation, de diffusion et de partage de connaissances dans le domaine de l’économie sociale exclusivement » précise Paul de Brem.

Si ces dispositifs n’ont, de par leur importance, plus rien à voir avec le pliage de protéine à la pause café, ils restent fidèles à l’esprit de faire participer le citoyen à la recherche scientifique. Une gageure à notre époque, ou la Culture scientifique et technique est à réinventer.

Crédit photo : e³°°°, FlickR, licence CC.

Voir aussi : Vigie-Nature, tous ensemble pour la connaissance de la biodiversité (mai 2010)


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