Le trouble de l'hyperactivité avec déficit de l'attention (THADA ou TDA/H)) fait couler beaucoup d'encre depuis plus de 10 ans. Les enfants qui en sont atteints sont généralement une source de soucis pour les parents et les enseignants. Ayant de grandes difficultés pour se concentrer, voulant bouger sans cesse et faisant parfois preuve de comportements agressifs, ils sont souvent stigmatisés. La pression est forte sur les familles pour traiter les enfants avec un fameux médicament miracle, le Ritalin (la Ritaline en Europe francophone).
Mais où s'arrête la joyeuse vitalité d'un enfant qui n'a pas encore intégré les codes sociaux et ne peut maîtriser totalement ses pulsions, et où commence l'hyperactivité dont la première victime serait l'enfant lui-même ? Bien malin qui peut répondre à cette question aujourd'hui. Le niveau de tolérance sociale joue un grand rôle dans l'établissement du diagnostic. Et lorsque celui-ci est établi, se pose alors la quesiton du traitement, et donc de l'origine du trouble. Traiter un enfant à la Ritaline si le problème vient d'un environnement stressant, c'est tout simplement traiter le symptôme et pas la cause, sans tenir cause d'effets secondaires qui peuvent être graves.
"Il n'y a pas d'enfants insupportables, il n'y a que des enfants insupportés"
À l'automne 2004, le Magazine de l'Université du Québec se penchait sur cette question extrêmement délicate: d'où provient le THADA et le Ritalin est-illa solution miracle ? Les hypothèses concernant l'origine du trouble étaient nombreuses et très différentes: problème psychologique de "contrôle de soi", alimentation déficiente, inactivité et mode de vie sédentaire, etc.
6 ans plus tard, ces hypothèses restent bien vivantes. En août 2010, le journal suisse Le Temps s'intéressait à une étude américaine tendant à démontrer que les pesticides et colorants dans la nourriture pourraient être des déclencheurs du trouble.
Mais n'est-ce pas aller un peu vite en besogne et médicaliser (psychiatriser) un comportement relevant surtout de l'abaissement constant du niveau de tolérance sociale à la vitalité propre aux enfants ?
En mai 2010, dans Le Figaro, un article était publié pour "comprendre les enfants insupportables" accompagné d'une entrevue avec une psychologue clinicienne. Les auteurs et intervenants professionnels pointent les excès actuels dans le ressenti des parents eux-mêmes : «Ce sont des patients qui arrivent déjà diagnostiqués chez nous! Et insensiblement, avec les années, concernant ce dont ils sont atteints, nous sommes passés d'une simple agitation motrice à “une maladie”, et aujourd'hui à un “trouble du comportement”! Pour nous, il y a nécessité surtout de comprendre ce qui est d'abord un symptôme», explique une psychologue-psychanalyste. Une orthophoniste enfonce le clou : «II n'y a pas d'enfants insupportables, il n'y a que des enfants insupportés. Et surtout, poursuit-elle, des enfants en réaction. La preuve, ils sont le plus souvent calmes avec nous. Mais il suffit qu'un de leurs parents leur dise “dis au revoir à la dame” pour qu'ils se mettent à s'agiter, courir partout ou même se jeter sous les tables.». Mais ce point de vue ne fait pas l'unanimité, comme en témoignent les commentaires au bas de l'article, qui insistent sur le fait que certains enfants présentent effectivement des dysfonctionnements neurologiques.
Car voilà le litige entourant le THADA: est-ce un trouble psychiatrique pouvant être résolu avec une intervention chimique ou une problématique psychologique mal diagnostiquée ? L'idée, en tout cas, ne date pas d'hier. Il y a 6 ans, l'organisme québécois PANDA (Parents Aptes à Négocier le Déficit de l'Attention avec ou sans hyperactivité) diffusait cet article de 2004 (en PDF) de l'Actualité médicale où l'on révélait que le décèlement du TDA/H était très controversé. Le document de cinq pages permet d'ailleurs de voir les deux côtés de la médaille du débat autant en ce qui concerne le dépistage du trouble que sur l'utilisation de Ritalin.
Plus récemment, une étude américaine, dévoilée dans le quotidien Le Soleil, signalait que le benjamin d'une classe avait 60% plus de chances d'avoir un diagnostic de THADA que l'aîné. Un constat qui peut mener à se demander si l'on ne confond pas immaturité et trouble de l'attention. Sur le site d'un centre communautaire d'intervention en dépendance québécois, on lira la liste des symptômes laissant présager de l'existence d'un THADA. On y trouve la difficulté à respecter son tour de parole, à respecter des consignes, à jouer calmement, à écouter... Autant de signes fort courants chez un enfant, sans que celui-ci doive être considéré comme malade !
Les apprentissages scolaires en première ligne
Car le diagnostic de THADA est souvent lié à une difficulté, pour l'enfant, d'intégrer les consignes, règles de comportements et méthodes de travail scolaire. Les enseignants alertent les parents qui voient là une confirmation de leurs soupçons, et s'enclenche alors la mécanique qui peut mener à un traitement médicamenteux. Il faut savoir que, selon des chiffres très divergents, la question de l'hyperactivité touche entre 3 à 12% des enfants d'âge scolaire.
Dans une lettre d'opinion publiée sur Cyberpresse en août 2010, l'étudiante au doctorat Marie-Danielle Lemieux explique comment celle-ci doit être un milieu d'apprentissage social pour les enfants aux prises avec des problèmes d'agressivité, entre autres. Cependant, elle dénonce le peu de formation pour les futurs enseignants sur ces sujets et sur la manière d'interagir avec des élèves affichant ces troubles.
Pour l'école, les professeurs et les parents, il est donc important de pouvoir se renseigner sur le THADA. On peut alors se tourner vers des organisations comme PANDA ou des initiatives comme le CISMEF (Catalogue et Index des Sites médicaux de langue française) qui offre sur sa page du THADA une longue série d'études et d'articles sur la question.
Mais il faut aussi, et sans doute d'abord, se poser la question du cadre des apprentissages. Est-il vraiment "naturel" pour un enfant de rester assis six à sept heures par jour ? Ne peut-on concevoir qu'à certains moments, l'enfant ait envie de bouger, de s'exprimer spontanément ? Ne peut-on même envisager que certains enfants aient toujours envie de bouger et de s'exprimer, sans pour autant être malades ? A t-on essayé autre chose que le cadre traditionnel de l'école ? Comment ces enfants par exemple se comportent-ils devant un jeu vidéo, après deux heures de sport, ou une longue marche dans la campagne ?
La tentation de la chimie, pour les grands aussi...
Force est de constater que les parents soucieux du niveau d'activité de leur enfant naviguent en pleine jungle lorsqu'il s'agit de trouver de l'information et du soutien sur Internet. Les informations les plus contradictoires s'y côtoient, des plus positives sur les traitements actuellement proposés, aux plus négatives. Dans ce domaine comme dans tous ceux qui touchent à la santé, il convient d'exercer son esprit critique et sa capacité à évaluer l'information. Car les dérives ne sont jamais loin : un article publié sur un site de journalisme participatif québécois pointe le fait que certains étudiants (qui ont donc dépassé l'âge auquel est diagnostiquée cette fameuse hyperactivité) prennent de la Ritaline comme un stimulant de leurs performances intellectuelles en période d'examens !
Le THADA fait partie de ces troubles dont le diagnostic est soumis à une très forte pression sociale. Sans en nier l'existence chez certains sujets, il faut impérativement éviter les simplifications et la recherche de recettes magiques. Les professionnels de la santé constatent que les patients arrivent de mieux en mieux informés en consultation, et ceci grâce à Internet. Souhaitons qu'il en soit de même pour ce sujet extrêmement sensible.
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