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Publié le 31 octobre 2006 Mis à jour le 31 octobre 2006

Les enjeux cachés du savoir à distance***

Certaines croyances ont décidément la peau dure : les êtres humains pensent ainsi pouvoir se protéger et préserver leur puissance en érigeant un simple mur le long d’une frontière. Or, on le sait depuis au moins deux millénaires, nulle barrière, aussi massive ou sophistiquée fût-elle, ne peut empêcher un empire de sombrer. De la Grande Muraille de Chine au mur américain, qualifié par l’écrivain péruvien Mario Vargas LLosa de « mur des mensonges », en passant par le Limes romain, il n’existe pas d’exemple probant d’une étanchéité sécuritaire totale.

Mais alors, pourquoi les humains succombent-ils régulièrement à la chimère du

splendide isolement

? Probablement parce qu’ils se méconnaissent assez pour créer entre eux un climat de méfiance perpétuel !

Certes, on pourrait croire qu’à l’heure de la mondialisation triomphante, s’ignorer de la sorte constitue une véritable prouesse. Ce serait donner crédit à une nouvelle croyance tout aussi naïve ! En effet, ce qui semble le plus facilement en partage sur les réseaux est curieusement la méfiance qu’entretiennent les cultures entre elles. Pour reprendre la boutade de Gad El Maleh, un humoriste marocain qui a fait ses gammes au Québec, « plus il y a de moyens de communiquer moins on se parle ! ».

Bien sûr, il est de bonne guerre d’avancer que la nature même des relations internationales, qui obéissent à de froids calculs de domination économique et politique, n’arrange rien. Que ces calculs font le lit des préjugés, et finalement du mépris, entre dominants et dominés. Tout cela n’est pas nouveau et de nombreux auteurs, à la suite de l’immense et regretté Edward Saïd, ont parfaitement analysé ce processus en décrivant par exemple comment la littérature occidentale a préparé les conquêtes coloniales en déformant l’image des cultures exogènes.

Ceci étant dit, même si elle n’a pas fondamentalement changée quant à ses finalités, la question de la connaissance de l’Autre se pose à l’heure actuelle en des termes assez différents. L’émergence au coeur des sociétés développées d’identités culturelles, certes minoritaires mais actives, a introduit un paradigme nouveau. Aujourd’hui, ces mêmes sociétés cherchent plutôt le moyen de gérer harmonieusement leurs composantes culturelles. Et cette quête pourrait s’apparenter à une chasse au trésor tant la diversité est synonyme de richesses.

De leur côté, les médias - cinéma, télévision, presse - tentent, avec plus ou moins de réussite, de restituer l’histoire, dans une complexité que ne traduit pas toujours la version officielle. Ainsi, les Français ont (re)découvert récemment, à la faveur d’un film au titre évocateur d’ Indigènes, le rôle essentiel joué par les soldats africains dans la libération de leur pays lors de la Seconde guerre mondiale.

Mais c’est sans doute l’irruption de l’Internet dans la vie quotidienne qui est en passe de modifier notre vision du monde. Le savoir est ainsi plus que jamais nomade. Mais aussi, plus que jamais, communautaire. L’évolution peut sembler homéopathique mais, n’en doutons pas un instant, elle est réelle et irréversible. Avec le Web 2.0, nous sommes même apparemment à l’orée d’une nouvelle révolution culturelle qui, cette fois-ci, engloberait une mosaïque de cultures, et autant de points de vue différents.

La disponibilité croissante sur le Net d’outils de traduction, y compris pour des langues à l’audience confidentielle , est un indice significatif de cette évolution encore parfois masquée mais combien nécessaire. L’engouement pour les réseaux professionnels, du type Viaduc qui, au prétexte de mettre en relation des compétences, créent de nouvelles et réelles solidarités en est un autre. Comme semble l’être l’initiative citoyenne d’ Al Gore.

Les enjeux, pour le coup bien apparents, de ce nouvel Internet ont à voir avec l’égalité des chances, le transfert des technologies et des savoir-faire, ou encore la prise de conscience d’une communauté des destins.

Il reste à espérer que le défi sera relevé car il y a urgence. Face à des chantiers, dont parfois l’issue conditionne ni plus ni moins la survie de notre espèce, la solidarité numérique doit impérativement jouer. Pour informer, préparer les combats éthiques et écologiques à venir, et peut-être surtout, former à distance - et dans la distance - les compétences qui devront les mener.

C’est à ce prix que la révolution numérique apparaîtra pour ce qu’elle doit être : une révolution du sens, et peut-être même du bon sens. Dans tous les sens du terme !


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