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Publié le 04 décembre 2010 Mis à jour le 04 décembre 2010

Le fléau des nouvelles technologies : l’obsolescence programmée*

Aimez-vous votre lecteur MP3 ou votre téléphone cellulaire ? Profitez-en, car il sera probablement remplacé dans les prochains mois par un appareil plus puissant, plus polyvalent ou simplement plus joli. C’est du moins ce que nous montre l'accélération du rythme de renouvellement des produits technologques : ce qui est à la pointe de la mode aujourd'hui sera complètement désuet demain. Et celui qui ne change pas de version est un dinosaure, tout simplement.

Certes nous sommes tous, à divers degrés, attirés par la modernité. Cependant, quel est l’impact de cette frénésie de la dernière tendance sur l’environnement ? Comment se fait-il qu'autrefois, nos appareils électroménagers et autres machines domestiques duraient facilement dix ans sans broncher, qu’on pouvait les réparer et trouver des pièces facilement ? Aujourd’hui, le verbe réparer semble avoir disparu du vocabulaire commercial.

C’est ce qu’on appelle l’obsolescence programmée. Une façon pour l’industrie de nous pousser à jeter l’ancien pour acheter du neuf. Une technique commerciale très répandue et qui cause un tort considérable à l’environnement. Un rapport récemment publié par les Amis de la Terre et le Cniid (Centre national d’information indépendante sur les déchets) nous permet de prendre conscience de ce phénomène.

La durabilité, l’ennemi du profit

Avez-vous déjà fait réparer votre ordinateur, votre radio-réveil ou votre téléphone cellulaire ? Bravo, si vous y avez réussi ! Nombre d'entre nous ont plus sûrement entendu cette phrase : "Ça coûte plus cher de réparer que d'en acheter un neuf. Jetez-le". Comment sommes-nous arrivés à une telle situation ?

Si l’on ne regarde que l’état des lieux français, on constate qu'en 50 ans, le marché s’est saturé d’appareils électroménagers. Désormais, presque 100% des Français ont un réfrigérateur, une télévision couleur et un lave-linge. Sans compter que plus de 80% d’entre eux ont un téléphone fixe, un congélateur, un four à micro-ondes et un lecteur DVD. On pourrait donc penser que la vente de ces appareils chuteraient de manière significative. Et pourtant, non. Depuis les années 80, les ventes ont doublé. Comment est-ce possible ? Voyant une potentielle chute des profits, les fabricants se sont tournés vers la seule raison qui pousserait quelqu’un à acheter un nouvel appareil : la panne irréparable.

Ainsi, dans un subtil et pernicieux processus, la durabilité de nos machines a passablement diminué. Des exemples :

  • Les téléviseurs cathodiques ont une durée de vie de 10 à 15 ans alors que celle des téléviseurs à écrans plats tourne autour de 5 ans.
  • Les appareils électroménagers pouvaient autrefois fonctionner pendant 10 à 12 ans. Aujourd’hui, la moyenne est de 6 ans, 8 à 9 ans dans le meilleur des cas.

Plusieurs types d’obsolescence

L’obsolescence programmée est devenue une stratégie très efficace pour les entreprises, fabricants et marchands. Ces dernières ont même raffiné le concept et jour désormais sur plusieurs types d'obsolescence.

Il y a l’obsolescence technologique et technique : on fait tout pour que la machine résiste le moins longtemps possible et que le consomateur soit obligé de la remplacer par une nouvelle. Ainsi, selon l’ADEME, seulement 44% des appareils sont réparés. Pourquoi ? Tout d’abord, à cause d'un manque cruel de pièces détachées sur le marché, pièces originales ou compatibles, à un prix raisonnable. Et puis, les récents gadgets technologiques sont dorénavant conçus pour ne pas pouvoir être démontés. Un exemple : le fameux iPad d’Apple est moulé de telle sorte qu’il est inenvisageable pour quiconque de changer des composants et d'augmenter ainsi sa durée de vie programmée de 2 à 4 ans.

Sur le site Internet Basta!, on souligne aussi que non seulement les nouvelles technologiques sont irréparables, mais que les quelques réparateurs qui subsistent sont désormais formés pour un nombre limité de modèles de téléphone, d’ordinateur, etc. Ainsi, il est fort possible qu’un appel chez le réparateur se conclue par la phrase suivante : « Désolé, je ne sais pas comment arranger cet appareil, je ne connais pas ce modèle. » Plus ironique encore : on se sert parfois de la cause environnementale pour rendre obsolète un appareil électroménager. Les compagnies mettent sur le marché des modèles « économiseurs d’énergie » et font la morale au consommateur avec ce genre de message : « votre vieux modèle est un gouffre d'énergie, aidez la planète en en achetant un neuf ! ». Et n'oubliez pas de déposer l'ancien à la déchetterie, ou de le remettre aux livreurs...

Il y a également l’obsolescence psychologique et esthétique. En exploitant le réflexe de jeter présent chez de nombreuses personnes, on arrive à faire acheter n’importe quoi à n’importe qui. Par exemple, on développe des petits appareils électroménagers à faible prix et au design séduisant. Ainsi, d’un seul coup, un tas de bouilloires et de cafetières prennent le chemin des ordures. La compagnie Apple, entre autres, a bien compris l’astuce en proposant des appareils dont la technologie n’est pas si révolutionnaire, dont le design à la fois épuré et gai attire l'utiisateur. Ce qui permet à la compagnie de renouveler très rapidement sa gamme de iPhone, de iPod ou de iPad et, au passage, d'aspirer ceux qui n'ont pas encore franchi la porte des butiques et corners de la marque à la pomme.

Encourager de nouveaux comportements

Cette stratégie est un véritable pied-de-nez à toutes les initiatives françaises et européennes de réduction des déchets et entraîne une énorme consommation de ressources naturelles. Le cuivre, le plomb et le nickel s’épuisent tranquillement alors que le phénomène s’amplifie. En fait, les entreprises n’ont pas à cœur de traiter cette problématique. Il suffit de lire leurs réponses aux questionnaires envoyés par les deux ONG ayant produit le rapport cité plus haut pour se rendre compte que la priorité n'est pas donnée aux politiques de durabilité et de plus grandes facilités de réparation. Résultat : en France, chaque habitant produit 20 kgs de déchets électriques et électroniques par an, et ce nombre augmente de 3 à 5 % par an, selon les dires de l'ADEME (voir la vidéo "D3E").

Alors, que faire pour contrer cette obsolescence programmée ? La réduction de la consommation qui sous-tend la simplicité volontaire offre une voie intéressante. Ceux qui hésitent à modifier radicalement leurs habitudes de vie peuvent opter pour des appareils plus solides. Certes, ils coûtent généralement plus cher lors de l'achat initial, mais à long terme, ils sont beaucoup plus avantageux que les produits bon marché. Et puis, il est peut-être temps de revenir à la réparation. À ce sujet, sur Internet, on peut découvrir des ressources comme Ifixit qui est une plateforme gratuite de manuels de réparation et de démontage d’objets technologiques. Il est amusant de consulter leur manifeste dont la version française se trouve ici.

D’ailleurs, cette tendance du DIY (Do it yourself) se voit de plus en plus sur la Toile et il est très intéressant de lire les raisons qui poussent les gens à sauter le pas. Cette étude anglo-saxonne révèle que les adeptes du DIY aiment apprendre de nouvelles choses, développer des concepts originaux et que leurs projets ne sont pas très onéreux. La dimension environnementale n’est pas celle qui les touche le plus, même s'ils sont conscients que leur démarche est bonne pour l'environnement. On constate pourtant que la plupart des sondés optent davantage pour le DIY pour ce qui a trait au bricolage, à la couture et à la cuisine plutôt que pour allonger la durée de vie de leurs appareils électroménagers ou électroniques. Néanmoins, cette attitude de vie est cohérente avec les idées proposées par les Amis de la Terre et le Cniid.

Enfin, on ne peut terminer sur ce sujet sans évoquer la formidable vogue des sites d'achat - vente entre particuliers, tels qu'Ebay ou, si l'on parle de la France, de Priceminister2Xmoinscher et autres sites semblables. La pulsion de changement des uns faisant ici le bonheur des autres, qui ne veulent pas jeter leur argent par les fenêtres et allongent globalement la durée de vie des objets.

Pour revenir à une politique de mise sur le marché et de consommation plus raisonnable, les entreprises doivent radicalement changer le modèle de rentabilité financière dans lequel elles sont enracinées. Ecoconception, prise en compte du cycle de vie de la matière, recyclage systématique font partie de ce nouveau modèle. Les pouvoirs publics sont également appelés à imposer aux fabricants d’afficher la durée de vie des objets, d’étendre leur garantie à 10 ans et à soutenir la réparation par diverses politiques.

La situation n’est donc pas sans issue. Il y a de nombreuses façons de faire qui pourrait améliorer considérablement les habitudes de consommation et environnementales de nos sociétés occidentales. En fait, la seule option qui ne soit pas envisageable, c’est l’indifférence.

« L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage. Le cas des produits électriques et électroniques », Martine Fabre et Wiebke Winckler, PDF de 28 pages, Les Amis de la Terre et le Cniid, Septembre 2010.


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